Quand j’étais encore à l’uni, je suis sortie avec un sombre personnage. Il était jaloux et possessif, traquait toutes mes connexions sur WhatsApp et me faisait une crise de colère lorsqu’il estimait que j’étais connectée trop tard dans la nuit ou que j’aurais pu répondre plus rapidement.
Il n’a jamais levé la main sur moi. Mais il ne se privait pas de casser des objets, de me secouer par le bras lorsqu’il était frustré ou de s’adonner à bien d’autres joyeusetés dont je ne ferai pas la liste ici… Quand je l’ai quitté (par messages, oui. Parce qu’entre nous, je n’aurais pas osé le faire en face), il s’est montré pour le moins mécontent et a décidé d’opter pour un langage plutôt fleuri: «Espèce de grosse salope». Bon…
Est-ce que j’ai porté plainte: non. En revanche, j’ai raconté cette expérience à des amies dans l’espoir de trouver un peu de soutien. Après quelques mois de silence radio, Monsieur est revenu à la charge, m’expliquant avoir été blessé en apprenant que j’avais osé confier cette histoire à mes copines. Il ne voulait pas qu'on le ramène à ça, même s'il savait qu'il avait, je cite: «merdé». Qu’allait-on penser de lui? Il était simplement «amoureux», donc forcément, un peu passionnel, quoi. Ah d’accord…
Le retour de bâton post #MeToo
Des années après cette triste expérience, je ne peux que constater que le récent verdict du procès opposant Amber Heard à Johnny Depp me fait l’effet d’une bonne grosse claque. Ce qui nous lie, Amber et moi, c’est que toutes proportions gardées, on a osé l’ouvrir. Mes bien chères sœurs, même si le mouvement #MeToo nous a fortement incitées à nous exprimer, on n’est pas encore près d’y arriver!
Récapitulons. Après avoir publié un édito dans le Washington Post en 2018, dans lequel elle explique avoir été victime de violences domestiques, Amber Heard est poursuivie par son ex-mari pour diffamation. Oui, sauf que jamais elle n’a mentionné le nom du charmant Johnny (comme moi, quelques paragraphes plus haut).
Mèmes, hashtags et imitations douteuses
Il riposte en l'attaquant pour diffamation. Malgré la libération de la parole grâce à #MeToo, l’actrice est moquée et devient la risée des réseaux sociaux alors que le procès bat son plein… Absolument tout le monde y va de son petit commentaire, s’improvisant juriste, avocat, juge ou même comédien. Amber Heard est méprisée du public alors qu’aucun verdict n’est encore tombé.
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Enfin si, quelques années auparavant, la justice britannique confirmait que Johnny Depp était «un mari violent». Une simple recherche sur le site judiciary.uk permet d’ailleurs de mettre la main sur des documents officiels. Très peu pour une grande majorité d’internautes qui préfèrent s’adonner à un spectacle pitoyable sur TikTok ou encore Twitter. On balance des mèmes, on imite l’actrice, on scrute ses moindres faits et gestes en mode Sherlock Holmes et on s’acharne à coups de #JusticeForJohnnyDepp (un hashtag utilisé près de 15 milliards de fois, en passant).
Johnny le héros et Amber la méchante
Je les vois venir, les rageux qui pensent que je suis une fervente admiratrice d’Amber Heard. Spoiler Alert: Je me fiche de cette nana comme de l’an 40 et je n’ai même jamais regardé ses films. Savoir si elle est gentille ou méchante, ça, je m’en beurre le coquillard avec le pinceau de l’indifférence.
Ce qui me gêne, c’est la façon dont on s’amuse de la situation. Tout semble laisser penser que nous nous accrochons à l’idée que tout est noir ou blanc. Il n’y a strictement aucune place pour la nuance. Jojo est super, Amber est une conne manipulatrice, point barre.
Et après…
Quant à moi, je me suis bien sûr déjà imaginée face à mon ex-compagnon et le rejet de ma version des faits. Oui, sauf qu’aujourd’hui, j’imagine aussi et surtout me faire salement démolir sur les réseaux parce que j’ai osé l’ouvrir et qu’on part du principe que, forcément, je ne dis pas toute la vérité.
Alors entre nous, j’espère que toutes celles et ceux qui ont défendu leur Johnny chéri et qui font péter l’émoji champagne sur Twitter, n’auront jamais à vivre la complexité des violences au sein de leur famille ou leur couple. Pas sûre qu’on soit encore là pour les défendre le jour venu…