Commentaire d'Antoine Hürlimann
Une conseillère fédérale a été contrôlée dans le train, et alors?

Élisabeth Baume-Schneider a dû présenter son titre de transport à un contrôleur comme tout le monde, se réjouit en substance sur Twitter la conseillère nationale Jacqueline Badran. Une posture chauvine qui devient de plus en plus gênante, estime notre journaliste.
Publié: 20.04.2023 à 13:51 heures
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Dernière mise à jour: 20.04.2023 à 15:54 heures
Élisabeth Baume-Schneider a été photographiée dans un train par la conseillère nationale Jacqueline Badran.
Photo: D.R.
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

On joue à quelle ou quel membre du gouvernement fédéral donne le plus l'impression au petit peuple qu'il est comme lui, malgré son salaire de ministre et ses divers avantages? Souvenez-vous. En 2014, une photo de Didier Burkhalter sur le quai de la gare de Neuchâtel, sans sécurité, avait fait le buzz dans le monde entier. Aujourd'hui, la conseillère nationale socialiste Jacqueline Badran aimerait réitérer l'exploit avec «sa» conseillère fédérale.

Sur Twitter, la Zurichoise a publié ce mercredi une image d'Élisabeth Baume-Schneider assise dans un train, en 1re classe. Ces mots accompagnent son cliché: «En route vers Saint-Gall. Par coïncidence dans le même compartiment avec notre merveilleuse conseillère fédérale #EBS (bien sûr sans gardes du corps). Elle aussi a dû montrer son billet, comme nous tous. Cela n'existe qu'en Suisse.»

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Incroyable, extraordinaire, fantastique! Alors que l'Alliance SwissPass vient d'annoncer que les prix des transports publics augmenteront dès décembre pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde, l'élue jurassienne du parti à la rose, qui a reçu, dans le cadre de ses fonctions, un abonnement général (AG) 1re classe d'une valeur de 6300 francs, a été contrainte de présenter cet onéreux sésame qu'elle n'a pas payé à un contrôleur. Face à tant de normalité, on aurait presque envie de s'incliner.

Et si on montrait les dents?

On peut évidemment s'autocongratuler en contemplant nos représentantes et représentants prendre le train comme l'ensemble des pendulaires — dans le confort des sièges réservés aux plus fortunés, du moins — sans devoir débourser un centime. On peut estimer que leur apparente simplicité participe à notre identité nationale commune. On peut railler nos voisins en persiflant leurs autorités bien moins accessibles que les nôtres. Mais tout cela est un réflexe primaire qu'il est désormais temps de dépasser.

Si les prix des transports publics vont prendre l'ascenseur, c'est notamment parce que la Confédération a annoncé une réduction de 7,8% des moyens alloués au trafic régional voyageurs pour 2024. Une gifle magistrale pour celles et ceux qui devront probablement payer 4080 francs dès la fin de l’année pour leur AG 2e classe, contre 3300 francs en décembre 2010. À noter que les prix de la 1re classe seront moins rehaussés que ceux de la 2e classe (+1,9%, contre +4,8%).

Une douloureuse massive pour avoir l'immense privilège d'emprunter des convois souvent surchargés aux heures de pointe. Le message en filigrane: malgré l'inflation et la crise climatique, tant pis pour les personnes pour qui les tarifs, généralement déjà exorbitants, deviendront rédhibitoires. Alors, si au lieu de féliciter le «naturel» de notre conseillère fédérale, on commençait plutôt à montrer les dents?

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