C’est une véritable boucherie qui se poursuit dans le secteur de la presse romande. Un massacre à la tronçonneuse qui effectue une authentique saignée au sein des effectifs de nos médias régionaux. TX Group, propriétaire de Tamedia, vient en effet d’annoncer la suppression de près de 300 postes, répartis entre les rédactions et les imprimeries.
Cette cure d’amincissement imposée s’ajoute à la longue liste des restructurations de ces dernières années, comme il convient d’appeler ce processus en novlangue libérale. La trentaine de postes supprimés il y a un an à «20 Minutes», les 41 du «Matin» en 2018 ou encore la disparition de «l’Hebdo» en 2017 en sont quelques exemples.
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La rentabilité avant la démocratie
Madame Peppel-Schulz, directrice de Tamedia et pur produit des business schools, le clame sans ambages, l’entreprise qu’elle dirige ne répond pas aux exigences de rentabilité imposées par le sacrosaint marché. Il faut donc licencier, c’est strictement mathématique.
Pourtant, TX Group a, ces 15 dernières années, distribué plus de 670 millions de dividendes, dont 65 millions versés en mars de cette année et a ainsi pu engraisser ses actionnaires par la même occasion. Drôle d’arithmétique… Le grand capital a ses diktats que personne n’a le droit d’ignorer, même quand il s’agit de la viabilité d’une démocratie.
Car oui, rançonner les médias sur l’autel des dividendes, c’est s’attaquer frontalement à l’accessibilité à une information de qualité et diversifiée. Un élément pourtant essentiel pour la citoyenneté à l’heure des Elon Musk, des fake news et des deepfakes.
Vers une bollorisation du 4ème pouvoir
Dans un environnement ultra-concurrentiel où l’argent dicte sa loi, les médias locaux, régionaux et indépendants font partie de l’ancien monde et se font broyer petit-à-petit ou racheter par d’immenses conglomérats cherchant à diversifier leur portefeuille d’actifs.
Ce sont des gens comme Bolloré qui se frottent les mains face l’effritement de la sphère médiatique. Ce milliardaire détient des chaînes de télé, de radios et des titres de presse écrite. Il distille insidieusement sa vision du monde à travers ses nombreux pantins dont le plus connu se nomme Hanouna.
En ce sens, Bolloré devient un leader d’opinion qui peut imposer son agenda politique. Blocher poursuit par ailleurs la même stratégie… La rentabilité dans le secteur médiatique tue petit-à-petit des journalistes mais elle sape aussi les fondements de nos démocraties.
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Une information fiable et diverse est un bien public!
L’Etat doit reprendre la main sur ce secteur essentiel. Jusqu’à présent, il s’est contenté d’un rôle passif, déplorant la stratégie de Tamedia sans proposer de réelles solutions. Pire, il a même participé à l’étiolement du secteur de l’imprimerie romande en annonçant l’arrêt de la publication papier de la Feuille des avis officiels du Canton de Vaud.
Plutôt que de jouer les sparring partner des actionnaires, l’Etat doit enfin reconnaître le fait que les médias et plus spécifiquement l’accès à l’information n’est pas un bien économique comme les autres. Il doit agir comme il le fait avec d’autres biens publics et se donner les moyens de son ambition.
Aides directes substantielles, éducation à la presse écrite et numérique pour les jeunes de 15 à 25 ans, impossibilité d’être actionnaire majoritaire d’un média privé, instauration d’une gouvernance paritaire composée à moitié par des salarié-e-s, favoriser les modèles économiques de forme associative ou coopérative.
Une fondation publico-privée pourrait racheter «24 heures» et la «Tribune de Genève»… Le salut de la sphère médiatique et de notre vie démocratique passera forcément par des changements législatifs et des interventions publiques.