Sur le papier, j’aurais tout pour apprécier le Parti libéral-radical (PLR): de l’argent. Voilà, c’est tout.
C’est tout ce dont il y a besoin. Parce que niveau convictions, il n’y a pas grand-chose à quoi se raccrocher. Et même sur mes problèmes plus triviaux, les petits tracas du quotidien — ma montre en or blanc qui raie mon MacBook Pro quand j’écris — le PLR serait a priori le mieux placé pour faire quelque chose.
Mais non, dès qu’il faut s’intéresser aux problèmes des vraies gens, il n’y a plus personne. Enfin, je ne sais pas, cette question n’est pas abordée sur Smartvote.
Make Nantermod great again
À la place, il y a la responsabilité individuelle et la liberté, les «valeurs» du PLR. Entre guillemets, oui, tant ces termes sont vagues et permettent de défendre tout et n’importe quoi, et surtout n’importe quoi. La preuve avec la campagne PLR pour ces fédérales qui ressemble à un 69 en apesanteur: ça n’a aucun sens.
Ça commence avec un show à l’américaine. Mais où tous les protagonistes ont des casquettes qui font plus Peney-le-Jorat que New York City.
On enchaîne avec un programme libéral, mais doublé d’un slogan très conservateur: «Ensemble, rendons la Suisse forte.» (Quand vous voulez: ça fait 150 ans qu’on vous regarde).
Ça sonne un peu comme un «Let’s make Switzerland great together» (bande de «FDP 2023»)! Il aurait mieux valu utiliser Google Translate pour l’acronyme du parti que pour le slogan de Donald Trump. Mais de toute façon, flatter les déçus du système ne fonctionne pas quand on incarne autant le système que le PLR. L’Union démocratique du centre (UDC) est plus efficace dans ce domaine (ndlr: lire ma brillante analyse d’hier à ce sujet).
En bonus, on notera le récent don de 35’000 francs de la part de Philipp Morris, en pleine révision de la loi sur le tabac. Mais promis, les parlementaires PLR ne vont pas se faire influencer puisqu’ils soutenaient déjà les multinationales.
La hausse des prix? Super!
Ah et il y a aussi cette capacité à argumenter que plein de mesures sociales coûteraient trop cher à l’économie. Alors que depuis quelques années, ce qui coûte cher à l’économie, c’est surtout de sauver l’économie (COVID, Crédit Suisse).
Avec tout cela, le PLR perd des plumes. Ou alors, c’est peut-être l’inflation. En effet, le parti n’a pas vraiment empoigné le sujet. Probablement parce que la hausse des prix ne pose pas de problèmes aux PLR: ils aiment les trucs chers.
Il y a bien eu quelques propositions pour baisser les primes d’assurances maladies, mais ça consistait à parallèlement baisser les prestations ou à augmenter les franchises. Bonne nouvelle: nos dépenses de santé vont diminuer. Enfin, jusqu’à ce qu’on tombe malades: là, il faudra tout payer de notre poche.
Non, il y a un thème sur lequel on a beaucoup entendu le PLR: les militant·e·s du climat. Pas le climat, juste les militant·e·s. Parfois même juste le ·e·s. On sent qu’ils tiennent le bon bout de la question climatique.
Non, au PLR ils n’aiment pas les gens qui se collent les mains sur des routes ou des plateaux de télé, comme ici à Léman Bleu. Ce qui est peu ironique quand on sait que le seul qui s’est collé avec succès à un plateau de télé, c’est Nantermod à Infrarouge: il y est chaque semaine.
Cela étant, dans mon canton (Vaud/magnifique), le PLR essaie d’être vert: c’est chou. Et surtout très marrant. Je vous refais la chronologie de leur liste écolo:
- 16 août 2022: Le PLR vaudois lancera une liste «Écologie libérale».
- 5 septembre 2022: Le PLR renonce à sa liste «Écologie libérale».
La raison? Le nom était déjà pris. Ça promet: si déjà, ils n’arrivent pas à trouver un nom écolo, qu’est-ce que ça va être quand il faudra des idées? (L’argent liquide contre la sécheresse?)
Finalement, la liste existe, elle s’appelle «Énergie libérale». Mais je ne suis pas convaincu: il n’y a pas une fois le mot «écologie» dans le programme de la section vaudoise. Et sur les 14 fois où le terme «environnement» apparaît dans le programme, il y a: «Développer un environnement fiscal attractif» et «un environnement propice aux entreprises».
Donc à moins que vous ne soyez un taux d’imposition ou une Sàrl, le PLR ne peut apparemment pas grand-chose pour votre environnement. Et puis, pour être crédible sur les vraies questions environnementales, il faudrait peut-être revoir l’alliance avec l’UDC. Un parti qui ne vote que 4% du temps en faveur de l’écologie au Parlement. Cela dit, en Suisse romande, l’alliance consiste souvent à mettre des UDC sur une liste commune pour les tracer ensuite. L’avantage des vestes réversibles, c’est qu’elles ne sont jamais vraiment à l’envers.
Le climat est mort, vive la technologie!
Mais ce n’est pas grave. Parce que de toute façon — à écouter le PLR — l’innovation va nous sauver. Après, il faut voir laquelle… Toujours dans mon canton (Vaud/mieux que Genève), le candidat Nasrat Latif a développé une intelligence artificielle de lui-même. Cette dernière peut discuter avec les gens qui viennent sur son site internet.
C’est d’ailleurs sur Blick qu’on apprenait que personne ne l’avait fait avant. Je suis allé discuter avec le robot Nasrat Latif: j’ai compris pourquoi personne l’avait fait avant. Pour ne pas décevoir, le robot dit que le candidat est pour certaines mesures alors que ce n’est pas vrai (bon du coup, c’est réaliste: on dirait réellement un politicien en campagne).
Bref, avec tout ça, le PLR va rater son objectif de départ: devenir le deuxième parti de Suisse. À la place, ils pourront se consacrer à nous rappeler qu’ils ont un deuxième conseiller fédéral: Ignazio «quelqu’un a des nouvelles?» Cassis.
Même en 2022, l’année de sa présidence, on ne l’a pas beaucoup vu. 1er janvier: allocution. 21 septembre: poignée de mains polémique avec Sergueï Lavrov et merci bonsoir. À gauche, on défend la semaine de quatre jours. Ignazio Cassis invente l’année de deux jours. Comme quoi, le PLR essaie vraiment de gratter des voix de tous les côtés.