Chronique de Benjamin Décosterd
Au PS: moins de toilettes non-binaires et plus de pouvoir d’achat

Les Fédérales du 22 octobre approchent à grands pas! Ce jeudi, on s'intéresse au Parti socialiste. L’occasion pour notre chroniqueur Benjamin Décosterd de parler de son enfance défavorisée, de la défense des opprimés, et des tote bags.
Publié: 19.10.2023 à 12:32 heures
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Dernière mise à jour: 22.10.2023 à 13:32 heures
On verra si les boss du Parti socialiste (PS) Mattea Meyer et Cédric Wermuth rigoleront autant ce dimanche 22 octobre.
Photo: Keystone
Benjamin Décosterd

Bon, puisque l’on s’attaque au parti qui défend la transparence — et qu’on m’a traité de gaucho depuis le début de la semaine — je dois l’avouer d’emblée: j’ai été élevé par des parents socialistes, sous les hauts plafonds de l’Avenue de Rumine, à Lausanne. Comme disait Tupac: «I didn't choose the thug life, the thug life chose me

Mais bon, il faut bien tuer son enfance un jour, alors allons-y. Et allons-y en commençant par admettre que la campagne du Parti socialiste (PS), jusqu’ici, c’est… ouais. Non, mais il y a quand même… Si! Les affiches!

Vous les avez vues, avec les photos grises sur fond rouge. Je le sais parce que ce sont les mêmes dans tous les cantons. Et une uniformité si reconnaissable au niveau national, c’était quand même une idée de malade (et pas juste parce que les candidats ont l’air malade sur les affiches).

Reste juste à définir si «malade» signifie ici mourant (Thomas Wenger) ou flippant (Samuel Bendahan).
Photo: D.R.

Mais sinon, pas grand-chose de fracassant. Heureusement pour les candidats socialistes que les prix montent, quoi. Malheureusement pour les sortants, ça fait plus d’un an que les prix montent. Et on a l’impression qu’ils ont passé plus de temps à Forum à nous dire qu’il fallait que ça arrête d’augmenter, plutôt qu’à trouver des solutions au parlement, mais enfin…

Quid du vin nat' et des toilettes non-binaires?

Quoi qu'il en soit, pour sa campagne, le PS nous ressort les mêmes thèmes qu’en 2019, parce qu’apparemment, la Suisse va toujours aussi mal, et à peu près de la même manière. À peu près, car les socialistes ne parlent plus de «justice sociale» mais de «pouvoir d’achat».

C’est d’ailleurs l’une des expressions qui revient le plus souvent (10 fois) dans le PDF de présentation de leurs thèmes de campagne (étonnamment aucune occurrence pour les termes: «vin nature» et «toilettes non-binaires», j’ai vérifié).

Sinon, il y a toujours: la gueulée contre le système de santé (qui est aux partis politiques suisses ce que la Margherita est aux restaurants italiens: un grand classique). Mais aussi l’investissement dans la transition énergétique (qui sert aussi à ne pas se faire doubler par Les Vert-e-s).

Les Vert-e-s dans la pomme

Et là, nous chatouillons LE point sensible du PS depuis quatre ans: sa rivalité avec Les Vert-e-s. Un duel bien plus rigolo que celui contre l’UDC, parce qu’ici les deux protagonistes sont supposés être des gens fondamentalement bien (car de gauche) et pas doués pour le conflit (car de gauche).

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«C’est à Neuchâtel, dans la course au Conseil des États, que le clash atteint son paroxysme»
Benjamin Décosterd
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En effet, les seules armes que les gens de gauche utilisent, ils les mettent sur leurs têtes. Ce sont les épées de Damoclès des valeurs qu’ils défendent: l’exemplarité, le bien commun et la défense des opprimés. Pas pratique pour se battre, donc. Ni pour faire de la politique. C’est à Neuchâtel, dans la course au Conseil des États, que le clash atteint son paroxysme. À ma gauche, il y a Baptiste Hurni. Socialiste positionné sur les questions de santé car vice-président de la Fédération suisse des patients (mais pas crédible car n’ayant pas l’air malade).

Baptiste Hurni on dirait juste Thomas Wiesel en fait. Avec les mêmes prémisses de gauche, mais sans la punchline.
Photo: D.R.

Et à mon autre gauche, il y a Céline Vara. Verte élue à la surprise générale il y a quatre ans et sortante convaincante (en effet, elle a donné naissance à une fille pendant son mandat: pour une fois qu’on accouche de quelque chose de concret aux chambres fédérales…).

Céline Vara qui ne ressemble pas du tout à Thomas Wiesel.
Photo: D.R.

Bon alors je vous rassure: personne dans cette guerre de gauche n’a été étranglé avec un tote bag ou assommé avec une quille de Mölkky. Non, Vara et Hurni ne vont pas se battre: ils sont les deux avocats (y a-t-il un lien avec les restaurants à tartines fréquentés par les bobos?). Et puis surtout, c’est la Suisse. On est passifs agressifs comme des vieux couples: on s’envoie des piques et on fait liste à part.

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«La fin du monde, c’est plus loin et moins souvent que la fin du mois»
Benjamin Décosterd
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Au-delà de cet affrontement local, c’est tout de même assez marrant de voir le PS copier la stratégie des Vert-e-s de 2019: surfer sur l’actualité en espérant que la vague dure jusqu’aux élections. Je ne sais pas si reproduire une stratégie qui avait permis de prendre des sièges au Parti socialiste est celle à privilégier pour le Parti socialiste. Faudrait voir pour essayer de battre d’autres gens que soi ou ceux qui ont les mêmes idées que soi.

Bien que là, en 2023, ça pourrait marcher: avec l’inflation, l’actualité est plus que jamais du côté du PS. Bon, vous me direz du côté des Vert·e·s aussi (ndlr: les stories #ÉtéIndien de la semaine passée), même si la fin du monde, c’est plus loin et moins souvent que la fin du mois. Cela dit, je ne suis pas sûr que les socialistes soient les mieux placés pour trouver une solution aux fins de mois. Parce que le seul ascenseur social qu’ils ont trouvé jusqu’ici, c'est de se faire élire en défendant les pauvres, histoire de ne plus en croiser.

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