Le 30 novembre dernier, Robert* ne se sent pas très bien sur le chemin du travail, dans la capitale vaudoise. Il a tendance à faire de l'asthme, mais ce jour-là, son inhalateur est resté chez lui. «Je vais supplier à la pharmacie, annonce-t-il à ses collègues pour les prévenir de son retard. Pas sûr que ça marche.»
Eh bien oui, ça marche, et pas qu'un peu. Un pharmacien vend à Robert un spray de Ventolin moyennant «quasi zéro question». «Pourquoi le pharmacien me vend ça sans ordonnance», se demande Le Chaux-de-Fonnier. S'agit-il d'un dérapage?
La nuit aux urgences pour rien
Pas du tout. Cette possibilité existe depuis 2019. Un saut de quatre ans dans le temps permet de comprendre ce qui se vend, ou non, dans les officines. Les professionnels de la santé constataient alors que les cabinets de médecins bouchonnaient.
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Les urgences aussi, en soirée et le week-end. Pourtant, «près de 80% des gens qui consultent aux urgences ressortent sans traitement», souligne Rémi Lafaix, président de PharmaGenève. Comprendre: les maladies bénignes se guérissent de toute façon après un passage en pharmacie et l'achat du bon produit. Pas besoin de passer la nuit dans une salle d'attente pour une toux ou une infection urinaire.
Sirop à la codéine, spray à la cortisone
Un groupe d'experts de l'Office fédéral de la santé (OFSP) s'est alors penché sur une liste de médicaments, qu'ils ont retiré de la vente libre. Ils sont depuis accessibles après une consultation avec le pharmacien. C'est par exemple le cas de sirops à la codéine, ou de sprays à la cortisone.
À l’heure du bilan, Rémi Lafaix espère l’arrivée du dossier électronique, pour partager les informations des patients entre toutes les pharmacies. «Cela rendrait le système encore plus efficace». Christophe Berger, lui, le reconnaît: «on n'a pas tout de suite été très bon pour compiler les informations». Il n'y a donc pas encore de chiffres, en francs ou en volume de produits vendus, qui existent. «On a commencé avec une liste assez courte, puis de plus en plus de produits ont été ajoutés. On a compris que c'était important, alors on a mis en place un code spécial pour les médicaments vendus après ces consultations. L'an prochain, nous pourrons donner des chiffres.» PharmaSuisse, la faîtière nationale, ne peut pas non plus nous faire parvenir de chiffres.
À l’heure du bilan, Rémi Lafaix espère l’arrivée du dossier électronique, pour partager les informations des patients entre toutes les pharmacies. «Cela rendrait le système encore plus efficace». Christophe Berger, lui, le reconnaît: «on n'a pas tout de suite été très bon pour compiler les informations». Il n'y a donc pas encore de chiffres, en francs ou en volume de produits vendus, qui existent. «On a commencé avec une liste assez courte, puis de plus en plus de produits ont été ajoutés. On a compris que c'était important, alors on a mis en place un code spécial pour les médicaments vendus après ces consultations. L'an prochain, nous pourrons donner des chiffres.» PharmaSuisse, la faîtière nationale, ne peut pas non plus nous faire parvenir de chiffres.
Ce système empêche justement les dérapages, estime Christophe Berger, président de la Société Vaudoise de pharmacie (SVPH). «On a dû se former aux consultations, notre champ de compétence a été élargi, explique le Lausannois. On ouvre un dossier au patient, une trace reste. Si la personne revient tous les jours acheter le même produit, on la repère.» L'asthme, comme celui de Robert, est reconaissable facilement «en posant les bonnes questions».
«Je vois bien venir le loup»
Même son de cloche du côté de PharmaGenève. «Un Monsieur d'un certain âge avec une toux sèche depuis plusieurs jours, qui me décrit ses symptômes et ne sait pas ce dont il a besoin, je peux lui vendre un sirop à la codéine, amorce le président, Rémi Lafaix. Mais quand un ado de 16 ans me dit qu'il tousse et que rien ne marche sauf ledit sirop, je vois très bien venir le loup. Je ne suis pas fou.»
Un choix qui brille par sa logique. Mais n'y a-t-il pas une petite part d'aléatoire dans les critères utilisés par les pharmaciens, au moment de vendre, ou non, un produit à un client? Un service «à la tête du client»? Notre rédacteur en chef se pose la question dans sa newsletter. Toutefois, pour les pharmaciens, ça n'est pas le cas. «Ce système aide, affirme Rémi Lafaix. Il pousse les pharmaciens à poser des questions, à ouvrir un dossier. Cela dit, il y a des mauvais exemples, comme dans tous les métiers.»
Entre les mailles du filet
C'est peut-être ce qui s'est passé avec Robert. Le Ventolin ne fait pas partie des médicaments reclassifiés en 2019; mais depuis la même époque, les officines peuvent prescrire des antibiotiques et autres produits sous ordonnances. Le contexte est différent. «Il y a une liste de questions précises, une évaluation clinique de la personne pour s'assurer du problème et de son historique, explique Christophe Berger. Puis éventuellement une mesure physiologique, notamment en cas d'infection urinaire. Une trace est gardée.»
L'idée est de dépanner les patients qui auraient, comme Robert, fini un emballage d'un produit qu'ils ont l'habitude de prendre. «Cela évite de les renvoyer chez eux sans solution. Beaucoup viennent d'ailleurs avec l'emballage vide.»
Un client régulier sera accueilli avec plus de confiance. Dans le cas de Robert, c'est tout l'inverse qui s'est produit: les mains vides, il ne connaissait pas le pharmacien, et n'a pas répondu à un questionnaire de santé. Il est passé entre les mailles du filet. Peut-être sa tête est-elle revenue au droguiste?
*nom connu de la rédaction