Un récit qui glace le sang
La nuit d'horreur de Fabienne W., tabassée par trois hommes à Schaffhouse

Il y a sept jours, un reportage de la chaîne publique alémanique SRF révélait que Fabienne W. avait été brutalement battue à Schaffhouse, suscitant un fort émoi en Suisse. De nouveaux détails sont aujourd'hui révélés.
Publié: 30.05.2024 à 15:05 heures
|
Dernière mise à jour: 30.05.2024 à 15:51 heures
1/5
Ici, un homme frappe Fabienne W.
Photo: Screenshot/SRF Rundschau
Bildschirmfoto 2024-10-14 um 07.40.08.png
Marco Mäder

Que s'est-il passé exactement cette nuit de décembre 2021 dans l'appartement privé d'un avocat? L'affaire de Schaffhouse a suscité une grande indignation dans toute la Suisse – et continue de soulever des questions.

Sur la vidéo montrée dans l'émission «Rundschau» de la chaîne publique alémanique SRF, on peut voir trois hommes porter des coups contre Fabienne W., avec une violence innommable. Mais comment a-t-on pu en arriver à un tel acte? Le reportage suggère que les hommes ont attiré Fabienne W. dans l'appartement pour lui faire peur. L'avocat aurait voulu la dissuader de porter plainte contre l'un de ses amis, lequel aurait violé Fabienne W. environ une semaine auparavant. «Elle suppose qu'il s'agissait d'intimidation», explique-t-on à la SRF.

Mais cet acte d'intimidation était-il prévu depuis le début? Les recherches du journal local «Schaffhauser AZ» amènent de nouveaux détails.

Récit d'une nuit d'horreur

Le journal dispose de dossiers de police, de procès-verbaux et d'enregistrements vidéo du salon de l'avocat. De plus, les journalistes ont pu s'entretenir avec plusieurs des auteurs présumés. Il en résulte le cynique récit d'une nuit d'horreur. Le soir en question, Fabienne W. est attirée par un ami dans l'appartement d'un avocat que la femme connaît et chez qui elle s'est déjà rendue «quelques fois».

L'avocat est connu dans la ville de Schaffhouse. C'est «un personnage haut en couleur», peut-on lire dans l'article. En fait, il serait surtout un adepte des nuits arrosées. Fin 2021, il aurait ainsi eu de gros problèmes d'alcool. On raconte qu'il était souvent ivre dès le matin et que des fêtes auraient eu lieu presque tous les jours dans son appartement. Il dispose d'ailleurs de caméras vidéos à son domicile, car il veut pouvoir contrôler si des personnes le volent alors qu'il n'est pas là ou qu'il est déjà au lit.

Au début, Fabienne W. est seule dans l'appartement avec son acolyte. Plus tard, l'avocat et un jeune Roumain de 22 ans les rejoignent. «Le repas était super et nous avons encore bu ensemble. C'était une bonne soirée», déclarera plus tard Fabienne W. à la police. Une grande quantité d'alcool est consommée.

Une autre personne se joint à la fête, en la personne du voisin du dessus, un ancien pratiquant d'arts martiaux. On danse, on chante, on braille. Finalement Fabienne W. quitte l'appartement dans la nuit. Elle oublie toutefois son téléphone portable qu'elle décide d'aller chercher dans l'appartement, peu avant cinq heures.

L'ambiance bascule soudainement

C'est la que tout bascule. Le journal «Schaffhauser AZ» évoque même «moment clé». L'avocat et le voisin déclareront plus tard à la police que Fabienne W. était «comme une toute autre personne» après son retour. Selon leur version des faits, elle devient «soudainement agressive et aboie contre le voisin», disent-ils. Sur les enregistrements, il est impossible de vérifier la véracité de leurs propos, les paroles de la femme étant incompréhensibles.

Le voisin du dessus se met alors à hurler sur Fabienne W.: «Tu sais qui je suis? Je n'ai jamais frappé une femme, j'ai du respect. Hey, je voulais t'aider aujourd'hui, être là pour toi.» Fabienne W. crie, elle pleure. Elle lance une chaise à travers l'appartement. Puis, elle lance un verre au voisin, qui la jette alors sur le canapé. «Elle n'a aucune chance contre moi!», aurait-il crié. De son côté, l'avocat craint de perdre son appartement à cause du bruit.

«
«C'est moi le putain de tueur! Je suis un homme et tu es une chatte!»
L'agresseur hurle sur Fabienne W. pendant qu'il la passe à tabac
»

Fabienne W. se rend dans la chambre à coucher. Elle n'en ressortira que sept minutes plus tard. Etant donné qu'il n'y a pas de caméra dans le pièce, on ne peut donc que supposer ce qu'il s'y est passé dans la chambre durant ce laps de temps. On peut toutefois entendre des voix. Le voisin se serait à nouveau mis à hurler «Je vais la tuer!»

Mais les hommes ne veulent pas expulser Fabienne W. de l'appartement, car ils craignent qu'elle fasse trop de bruit à l'extérieur. Au bout de sept minutes, tout le monde revient dans le salon. La femme et le voisin sont attachés l'un à l'autre avec des menottes.

C'est alors que se déroulent les scènes diffusée dans le reportage de «Rundschau»: le voisin étrangle Fabienne W. «Ça va deux minutes, puis tu t'évanouis, deux minutes. Crois-moi», aurait-il dit. Fabienne W. est alors battue avec violence. Quant au voisin, il crie, comme à son habitude: «Tu sais qui je suis? C'est moi le putain de tueur! Je suis un homme et tu es une chatte. Tu as eu quatre chances de bien faire!»

A 6h20, tout le monde quitte le salon. L'avocat et le voisin s'assoient à la table. «En fait, je devrais avoir honte de frapper une femme ici. Mais elle a eu l'occasion d'arrêter», aurait déclaré l'avocat.

Alcool et drogues dans le sang

Dehors, l'homme qui a invité Fabienne W. à l'appartement appelle l'ambulance. Celle-ci arrive accompagnée de la police. Fabienne W. est emmenée à l'hôpital. On détecte 2,05 pour mille d'alcool et de la cocaïne dans son sang. Les médecins constatent un traumatisme crânien et des hématomes autour des yeux. Quant au voisin du dessus, on trouve 1,52 pour mille d'alcool dans son sang.

Cette nuit s'est produite 12 jours après le viol présumé de Fabienne W. par un homme proche de l'avocat. Celui-ci a affirmé que les rapports sexuels étaient consentis. Le ministère public a classé l'enquête. Mais une plainte de Fabienne W. reste en suspens. La présomption d'innocence s'applique. Fabienne W. reproche aux autorités de se montrer trop molles avec ses agresseurs.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la