Un professeur de droit répond aux principales questions
La condamnation de Pierin Vincenz a été annulée: et maintenant?

La Cour suprême de Zurich devait rouvrir l'affaire Pierin Vincenz en juillet. En lieu et place, elle a annulé le jugement prononcé en première instance contre l'ex-patron de Raiffeisen. Il ne s'agit pas là d'une décision de fond, mais bien d'un choix purement technique.
Publié: 20.02.2024 à 18:34 heures
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La condamnation de l'ex-patron de Raiffeisen Pierin Vincenz est annulée.
Photo: STEFAN BOHRER
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Sarah Frattaroli

Ce n'est pas vraiment un triomphe pour l'ex-patron de Raiffeisen Pierin Vincenz, mais c'est tout de même une victoire d'étape: la Cour suprême de Zurich a annulé le jugement du tribunal de district contre Pierin Vincenz et ses co-accusés. Blick répond aux principales questions sur les derniers développements de «l'affaire Vincenz».

Pourquoi la Cour suprême a-t-elle annulé le jugement contre Pierin Vincenz?

La Cour suprême a identifié de «graves vices de procédure». Concrètement, l'acte d'accusation de 364 pages était trop complet, «en partie excessif», ce qui outrepassait le cadre légal. L'un des accusés – de langue maternelle française– n'a en outre pas reçu de traduction complète de l'acte d'accusation.

Peter Kunz, professeur de droit à l'Université de Berne, n'est pas particulièrement surpris par l'annulation du jugement: «L'acte d'accusation était d'une nullité crasse», déclare-t-il à Blick. Il se dit même surpris que la Cour suprême ait mis presque deux ans à reconnaître ces défauts.

Cela signifie-t-il que Pierin Vincenz est innocent?

Non. L'annulation du jugement par la Cour suprême est de nature purement technique. «La décision de renvoi ne se prononce pas sur la question de la culpabilité ou de l'innocence», écrit la Cour suprême à ce sujet. La présomption d'innocence continue de s'appliquer.

Qui est responsable de ce gâchis?

C'est surtout le procureur en charge du dossier, Marc Jean-Richard-dit-Bressel, qui doit désormais essuyer des critiques. «Pour lui, la décision de la Cour suprême est une gifle», précise Peter Kunz. À ses yeux, le tribunal de district semble également fautif, car l'acte d'accusation aurait dû être renvoyé au parquet dès le début. «Je suppose que le tribunal d'arrondissement voulait rendre un jugement le plus rapidement possible afin d'éviter que les délits ne soient prescrits», suppose-t-il.

La prescription menace-t-elle désormais?

Non, le jugement de première instance du tribunal de district a stoppé la prescription. Dans sa décision, la Cour suprême estime que le renvoi du jugement n'y change rien. Néanmoins, l'affaire ne doit pas traîner pendant des années, assure Peter Kunz. «Le Ministère public et la justice laissent Vincenz et ses coaccusés en plan. Ils ont droit à une condamnation rapide – ou à un acquittement.»

Que se passera-t-il ensuite?

La balle est à nouveau dans le camp du Ministère public zurichois. Il doit améliorer l'acte d'accusation. Il pourra ensuite déposer une nouvelle plainte auprès du tribunal de district. Théoriquement, il pourrait aussi abandonner l'affaire. Mais cela semble peu probable pour le moment. Peter Kunz estime qu'il faudra à nouveau environ deux ans avant qu'un nouveau jugement du tribunal de district ne soit rendu. «Ensuite, il y aura probablement un nouveau recours devant la Cour suprême, puis devant le Tribunal fédéral, ce qui prendra facilement six ans au total.» À ce moment-là, Pierin Vincenz sera au milieu de sa 70e année. Il saura alors définitivement s'il doit aller en prison ou non.

La villa de Vincenz au Tessin sera-t-elle malgré tout vendue aux enchères?

Oui, car les avoirs de Pierin Vincenz restent gelés. La vente forcée de sa propriété vieillissante de Morcote (TI) est prévue en avril, elle devrait rapporter plusieurs millions. Ceux-ci ne reviendront toutefois pas à l'ex-patron de Raiffeisen, mais à ses créanciers. Les avoirs financiers de Pierin Vincenz sont bloqués pour les années à venir – jusqu'à ce que la procédure soit définitivement close. «C'est accablant et douteux du point de vue de l'Etat de droit», critique Peter Kunz.

Que pensent les personnes concernées de ce renvoi?

Ni Pierin Vincenz ni son coaccusé Beat Stocker ne se sont jusqu'à présent exprimés sur les derniers développements de l'affaire. Mais il est clair que pour les accusés, l'annulation du jugement est une victoire d'étape. Ce n'est en revanche pas un triomphe, car ils resteront dans l'incertitude pendant des années. Sollicitée par Blick, la banque Raiffeisen, qui s'est portée partie civile lors du procès, n'a pas souhaité réagir.

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