Le réservoir plein, mais le porte-monnaie vide. Les prix de l'essence ont à nouveau atteint un niveau exorbitant: 1.90 le litre de sans-plomb (SP) 95, voire 1.88 à certains endroits pour les plus chanceux. Mais à Winterthour (ZH), le litre de SP vous coûte 1,65. Vous avez bien lu: 1.65 franc pour un litre!
Michael Knobel est à l'origine de ce prix. Cet homme de 43 ans gère un petit réseau de stations-service... et prend plaisir à mener la vie dure aux grandes chaînes de son voisinage: «Ce n'est pas que je sois particulièrement bon marché. C'est plutôt les autres qui sont étonnamment chères!»
Et les automobilistes le remercient: à chaque fois qu'une de ses stations-service «Etzelpark» ouvre, les prix dégringolent chez les concurrents des alentours. Mais qu'est-ce que cela veut dire concrètement pour les automobilistes? Payons-nous vraiment près de 20 centimes de trop par litre pour l'essence? Pour Blick, Michael Knobel révèle comment les prix de l'essence à la pompe sont fixés en Suisse – et qui en profite le plus.
Sur l'essence
L'entrepreneur dévoile ses comptes à Blick
Pour commencer, il faut prendre en compte le prix d'achat de l'essence, explique Michael. Celui-ci dépend du prix du pétrole et du cours du dollar par rapport au franc suisse. Le niveau du Rhin peut également faire la différence. S'il est trop bas, les bateaux-citernes peuvent moins charger.
«Supposons qu'un litre d'essence me coûte 1,57 franc à l'achat, explique l'entrepreneur. Le prix d'achat comprend les taxes, la TVA et la livraison franco domicile», précise le patron. A cela s'ajoute environ 5 à 7 centimes pour couvrir ses frais: loyer, salaires, frais de paiement par carte, entretien et petites dépenses comme l'électricité, Internet et l'assurance.
Il ajoute ensuite sa marge bénéficiaire de 3 à 10 centimes: «C'est ma zone de confort et j'ai l'impression de gagner suffisamment par litre. Si elle se situait plus haut, j'aurais l'impression de trop gagner», explique l'homme. En tout et pour tout, Michael Knobel vend le litre entre 1,65 et 1,72, selon l'emplacement de ses stations-service et les fluctuations du prix d'achat.
Les concurrents autour de Michael abaissent leurs prix
Selon le pompiste, le marché dans sa forme actuelle ne fonctionne pas. «Si je modifie mon prix au hasard, des stations-service proches de chez moi ont le même prix en l'espace de 24 heures.» Sa conclusion est sans appel: «Oui, les automobilistes suisses se font avoir!»
Dans la région, un élément frappe d'emblée: la concurrence à distance de la station de Michael est nettement moins chère que partout ailleurs. Dans sa station-service située à la Rue de St-Gall à Winterthour (ZH), Michael Knobel facture le litre de SP 1,65 franc. Aux alentours, deux concurrents: la station-service Coop et une de Migrol. Les prix y sont également avantageux: les deux demandent 1,69 le litre.
Mais plus on s'éloigne de Michael et de son fief, plus le prix augmente chez la concurrence. Prenons l'exemple de Coop: à la Rue de Wülflinger, à Winterthour, le prix est déjà de 1,83, soit 14 centimes de plus par litre. À Embrach, c'est 1,85 par litre. Et à Volketswil, le prix grimpe à 1,89 le litre.
«Des fluctuations de prix étranges»
Même son de cloche chez Migrol: la station proche de Michael propose un prix de 1,69. A quelques kilomètres de là, dans la commune de Au, le prix monte à 1,87. A Seuzach, Migrol propose le litre à 1,82. Un coup d'oeil dans l'application Migrol, où tous les prix actuels sont répertoriés, ne révèle aucune station-service de la chaîne qui puisse rivaliser avec la filiale située à proximité immédiate de Michael Knobel. A une seule exception: à Samnaun, dans les Grisons, où le litre est vendu à 1,45 grâce au statut hors taxes.
La réaction de Michael Knobel à la politique de prix de la concurrence est immédiate: il a encore baissé le prix à 1,64 entre-temps. «On verra bien ce qu'ils feront», s'amuse-t-il.
«Lorsque j'ai ouvert ma troisième station-service à Füllinsdorf (BL) en novembre, les prix de la concurrence ont également chuté. Pour moi, ce sont des fluctuations de prix étranges, déclare le pompiste, pensif. Si je peux proposer partout des prix aussi bas, pourquoi les grands ne le peuvent-ils pas le faire?» Un jour, un pompiste indépendant lui aurait dit: «Pourquoi tu ne fais pas la même chose avec tes prix?» Mais Michael Knobel n'y a pas pensé une seule seconde: «Ça m'a motivé encore plus!»
Michael Knobel veut porter plainte pour entente illicite
L'entrepreneur de stations-service est catégorique: il ne veut pas se laisser faire par le nivellement par le bas des prix autour de ses stations-service et compte déposer une plainte en matière de droit des cartels auprès de la Commission de la concurrence (Comco) pour entente sur les prix.
Sollicitée, la concurrence a brièvement répondu à la demande de Blick: «Nous vérifions régulièrement le niveau des prix dans l'environnement de nos stations. En raison de cette évolution, nous avons pu baisser les prix à plusieurs reprises ces derniers jours», déclare Migrol. Coop avance des arguments similaires: «En raison de la forte densité de stations-service et du grand nombre de fournisseurs différents, il règne une concurrence intense, et donc une forte pression sur les prix.» Mais cette pression sur les prix ne semble exister que là où les stations-service libres obligent les grands concurrents à pratiquer des prix bas.