Ce sont deux hommes qui évoluent dans des mondes différents. Ils se sont rencontrés à Kiev et sont devenus pour un bref instant des alliés de circonstance: l'Ukrainien Volodymyr Zelensky, président d'une nation qui subit depuis bientôt deux ans des tirs de missiles quotidiens de la part de la Russie, et Ignazio Cassis, ministre des Affaires étrangères d'une Suisse qui bataille pour clarifier sa position vis-à-vis de cette guerre.
Sur la guerre en Ukraine
En décembre, le Tessinois a tremblé pour sa réélection au Conseil fédéral, disait-on dans son entourage. Il a donc dû frapper un coup politique. Une semaine avant l'élection, le 7 décembre dernier, les journaux de Tamedia ont fait état d'un projet pompeux mené par le chef du DFAE: un méga-paquet de 6 milliards de francs pour la reconstruction de l'Ukraine.
L'information, qui a fait les gros titres, a été remarquée à Kiev. Trois jours plus tard, le président Zelensky annonçait via X qu'il viendrait prochainement en Suisse pour des pourparlers de paix. Pour le magistrat PLR en difficulté, c'était la confirmation d'un gain d'image précieux: sous sa responsabilité, la Suisse et sa politique de bons offices étaient à nouveau en première ligne sur la scène internationale, trois jours seulement avant le jour de l'élection. Comme on le sait, malgré les manœuvres de perturbation de la gauche, le Tessinois a été confirmé dans ses fonctions.
Mauvais timing
Pour Volodymyr Zelensky en revanche, les événements n'ont pas joué en sa faveur. Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le monde s'est détourné de la tragédie ukrainienne. Sur les six milliards d'aide à la reconstruction promis par son «ami» Ignazio Cassis, aucun franc n'a encore été versé.
Il faut dire que le chef du DFAE s'est heurté à l'opposition du gouvernement: le Conseil fédéral a ajourné l'affaire. Les représentants du Parti socialiste (PS) ont exprimé leur crainte que le budget régulier de la coopération internationale (CI) n'en souffre. Et la droite – Karin Keller-Sutter en tête – aurait fait part d'une autre crainte: comment annoncer un paquet d'aide pour l'Ukraine et en même temps demander à la population de faire des économies?
En outre, l'initiative sur la 13e rente AVS est suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des politiciens bourgeois en charge du budget. Un Oui dans les urnes serait un fiasco. «KKS» a déjà menacé d'augmenter les impôts. Bref, la visite de Volodymyr Zelensky tombe au plus mal. Ignazio Cassis devra accueillir son illustre visiteur les mains vides.
La conférence de Davos sur l'Ukraine, dont le thème est la «solution de paix» en dix points de Volodymyr Zelensky et le soutien suisse au déminage, ne sont que de maigres consolations pour l'invité. Un président en guerre ne fait pas le tour du monde pour de simples confessions diplomatiques. Il a un besoin urgent d'argent et de matériel militaire.
Démonstration de bonne volonté au WEF
Ignazio Cassis, quant à lui, a suscité la nervosité de toutes parts en prenant les devants dans la Berne fédérale. Les partis se disputent sur l'importance de l'aide à l'Ukraine. En coulisses, les ONG font déjà du lobbying contre l'idée de prélever trop d'argent sur la cagnotte habituelle, soit douze milliards sur quatre ans pour Kiev.
Difficile de savoir si le marathon de discussions mené par l'Ukrainien débouchera sur des résultats tangibles. Les observateurs se montrent sceptiques. Car tant que la Russie ne sera pas présente à la table des négociations, la paix restera une utopie.
La semaine du Forum économique mondial de Davos a tout de même débuté par des démonstrations de bonne volonté. Samedi, l'ATS rapportait que «le président ukrainien Volodymyr Zelensky a félicité la nouvelle présidente de la Confédération suisse Viola Amherd pour sa présidence et l'a remerciée pour le soutien suisse à l'Ukraine».