La commune valaisanne de Grimisuat sera pionnière en matière de gestion de son eau, explique nos confrères du journal «Le Temps». Cette dernière a décidé de limiter sa population à 5000 personnes au maximum pour répondre à ses besoins en or bleu.
Le village, pourtant situé sur la rive droite du Rhône, n'a aucun accès direct au cours d'eau. Elle doit donc s’arranger avec ses voisins pour accéder à des ressources hydrauliques. Pour éviter des besoins excessifs, elle ne va pas chercher à développer sa commune davantage.
Pour comprendre ce qui explique ce manque d'eau dans un pays considéré comme le «Château d'eau de l'Europe», Blick a posé la question au professeur en hydraulique environnemental à l'EPFL, Christophe Ancey. Interview.
Christophe Ancey, comment un village suisse peut manquer d'eau en 2024?
On a un paradoxe sur la Suisse: c'est qu'on a une pluviométrie qui est extrêmement importante à l'échelle du pays, avec des régions très fortes et d'autres un peu plus sèches, mais une perméabilité des sols qui peut être considérable. La rive droite du Rhône est une partie relativement bien arrosée, mais dans toute la région entre Sierre et Sion, le sol est extrêmement poreux. L'eau descend rapidement en direction du Rhône et donc il n'y a pas beaucoup de stockage.
Au point de devoir limiter la population?
Le coût énergétique est colossal pour pomper l’eau et la remonter plus haut en altitude. De plus, il n'y a pas que ce village qui manque d'eau en Valais, donc il est difficile d'amener suffisamment d'eau partout dans le canton. Pour l’instant, c’est surtout un problème des alpages, mais à terme cela pourrait aussi poser problème dans des villages plus bas en pleine.
Est-ce que d'autres régions de Suisse romande vont devoir limiter leur population?
Le manque d’eau concerne beaucoup de zones. Historiquement, il y a des régions karstiques, comme le Jura. En 2003, il y a eu d’importants problèmes pour alimenter en eau les élevages dans les prés. Maintenant, c'est quasiment chaque été que des hélicoptères doivent faire des rondes pour apporter de l’eau. Le Val-de-Bagne est aussi très touché pour les mêmes raisons que Grimisuat. Et dans la région lémanique, il n'y a pas de nappe phréatique du tout parce que c'est un sol très sableux. Le seul avantage, c'est qu'il y a l'eau du lac, mais cela pose également des questions de pomper cette ressource. Alors malgré une offre en eau qui semble extrêmement importante, le problème de stockage est entier.
Comment endiguer ce problème?
Il y a des solutions technologiques. Il y a moyen de concevoir des bassins pour l'eau potable, mais cela a un coût de fabrication, de stockage et de traitement des eaux. Les Français l'ont fait et cela fait beaucoup débat. Mais technologiquement, c'est possible. Après, la Suisse n'est pas un pays africain: si on est capable d'intercepter une partie de la pluie, on est capable de la restituer en cours d'année. Cependant, les averses sont mal réparties dans l'année. Si l'on n'est pas capable de stocker, on aura des problèmes.