Près de 35 millions de francs d’impôts pour un événement musical? Pour l’Union Démocratique Fédérale (UDF), le parti «qui s’engage pour les valeurs chrétiennes en politique», accueillir la prochaine édition de l’Eurovision à Bâle, c’est du gaspillage d’argent public.
Le mouvement invoque, entre autres, les risques de dérives antisémites, à l’image des protestations anti-israéliennes qui ont eu lieu au concours de 2024, en écho à la situation israélo-palestinienne. Pour l’UDF, Bâle ne devrait pas prendre le risque d’entacher sa réputation, en autorisant de telles manifestations sur son sol.
Puis, il y aurait les artistes qui adoreraient Satan. En référence notamment – pour ce qui est du show de cette année – à l’irlandaise Bambie Thug, qui a joué sur la scène de l’Eurovision parée d’un costume aux symboles sataniques. Une vision d’horreur, pour le parti ultra-conservateur: «De tels cultes dangereux pour la jeunesse ne doivent pas être cofinancés par l’argent des contribuables.»
L’UDF veut ainsi bloquer, via un référendum, le crédit de 34,9 millions de francs accordé par le Parlement cantonal bâlois pour l’organisation de l’événement. Pour cela, au moins 2000 signatures certifiées sont nécessaires, et il reste au mouvement encore deux semaines pour les récolter. Pour un parti de la taille de l’UDF, le défi s’annonce très sportif.
Les ménages bâlois interpellés
«Nous sommes en pleine collecte» de signatures, confirme le président de l’UDF Daniel Frischknecht. Interrogé à ce propos, il refuse cependant de nous indiquer le nombre de signatures déjà récoltées à ce jour. Encore une fois, récolter 2000 signatures en 42 jours, ce n’est pas si facile.
De plus, de nombreuses personnes sont absentes, en cette période de vacances scolaires d’automne — ce qui ne facilite pas les choses. Pour tenter de booster la campagne, l’UDF a de toute évidence puisé dans les caisses du parti pour envoyer, la semaine dernière, des invitations à signer le référendum aux ménages bâlois.
L’Eurovision aura lieu dans tous les cas
«L’antisémitisme lattant est déjà plus visible aujourd’hui en Suisse», estime Daniel Frischknecht. Et l’Eurovision, «de plus en plus politisée», ne ferait qu’alimenter cette évolution.
Et le chrétien de déplorer la banalisation des «incidents blasphématoires» de toutes parts, comme la Cène lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, ou la fois (récente) où la politicienne suisse Vert’libérale Sanija Ameti a tiré sur une image représentant Marie et l’enfant Jésus.
Si le référendum de l’UDF devait aboutir, Bâle-Ville voterait le 24 novembre. Toutefois, même si les électeurs rejetaient effectivement le budget que souhaitent consacrer les autorités à l’événement, l’Eurovision aurait tout de même lieu à Bâle, simplement sans programme d’accompagnement. Et donc sans projection publique dans le stade de football voisin, sans Village de l’Eurovision à la Foire de Bâle, et sans l’Eurovision Street, qui devrait se situer dans la Steinenvorstadt.