Le Parlement britannique a approuvé dans la nuit de lundi à mardi un projet de loi permettant l'expulsion au Rwanda des demandeurs d'asile entrés illégalement au Royaume-Uni. La Suisse, elle, questionne toujours le bien-fondé d'une telle méthode, qui crée un tollé sur la scène internationale.
En janvier 2003, Ruth Metzler l'avait célébré comme une percée: l'ancienne ministre de la Justice avait signé un accord de transit avec le Sénégal, par lequel les demandeurs d'asile déboutés devaient être renvoyés dans leur pays d'origine – par exemple en Guinée, en Sierra Leone ou en Gambie, via Dakar. La magistrate PDC s'était rendue spécialement dans la capitale du pays d'Afrique de l'Ouest pour la cérémonie.
Accord dissous après deux mois
À l'époque, environ 10'000 migrants séjournaient alors en Suisse malgré le rejet de leur demande d'asile, souvent sans passeport – et sans indications sur leur pays d'origine: «Les demandeurs d'asile sont tombés du ciel», disaient les policiers à l'aéroport. Personne ne savait donc où les expulser.
En tant que pays de transit, le Sénégal avait offert son aide pour l'identification des personnes expulsées à Dakar, mais aussi pour leur rapatriement ultérieur. Mais en mars déjà, deux mois après la signature de l'accord, le Sénégal avait fait marche arrière et l'avait déclaré nul et non avenu: «Pour des raisons de politique intérieure», avait-on dit. Les critiques formulées à l'encontre de l'accord avec la Suisse – dans le pays comme à l'étranger – auraient contribué à ce retrait.
Le triomphe de Ruth Metzler s'est transformé en défaite cuisante.
Plusieurs idées pour le renvoi des Erythréens
Aujourd'hui, la «solution des Etats tiers», qui a échoué il y a plus de 20 ans, bénéficie à nouveau d'un soutien politique. En mars, le Conseil des Etats a approuvé par 26 voix contre 16 une motion de Petra Gössi. La représentante du PLR schwytzois souhaite que les demandeurs d'asile érythréens déboutés soient renvoyés dans leur pays d'origine via un pays tiers. Elle espère pour cela la mise en place d'un accord de transit avec un autre Etat.
Le ministre de la Justice Beat Jans a fait remarquer au Conseil des Etats qu'il considérait que l'idée de Petra Gössi n'avait aucune chance. Celle-ci rétorque que le Conseil fédéral anticipe déjà le résultat et limite ainsi d'emblée ses possibilités d'action. Selon la Schwytzoise, le Conseil fédéral procèderait sans idées et de manière indécise. Pour Petra Gössi, l'idée d'un accord de transit est l'une des nombreuses possibilités de rapatrier les Erythréens déboutés. Une autre serait par exemple la coopération avec d'autres pays, ou une rencontre avec le président érythréen pour chercher des solutions directement avec lui.
«Il est compréhensible que l'humeur d'une partie de la population suisse s'échauffe lorsque l'on voit régulièrement des images de réfugiés érythréens qui se battent entre eux ici», constate Petra Gössi. Elle estime que le Conseil fédéral doit en être conscient et prouver qu'il s'attaque au problème de manière conséquente.
La conseillère aux Etats fait référence aux récents affrontements entre les différentes communautés érythréennes en Suisse. Malheureusement, ces bagarres sont aussi le symbole d'une problématique plus profonde, en Suisse, comme en Erythrée, méconnue des politiques. Le conseiller communal lausannois Samson Yemane expliquait d'ailleurs: «Ces rixes sont instrumentalisées par la droite qui met toute la communauté érythréenne dans le même sac».
Jeudi, la commission compétente du Conseil national se penchera sur la motion de Petra Gössi.
Les circonstances ont changé
Lorsque la ministre de la Justice Ruth Metzler a signé l'accord avec le Sénégal en 2003, Eduard Gnesa était le chef de l'Office fédéral des étrangers. Il doute qu'un concept qui a échoué il y a plus de 20 ans puisse fonctionner aujourd'hui: «L'Erythrée ne reprend les compatriotes déboutés d'aucune nation au monde». Il est illusoire de penser que le gouvernement d'Asmara fera exception pour la Suisse. «D'autant plus que la reprise devrait fonctionner par l'intermédiaire d'un pays tiers», critique Eduard Gnesa, qui demande: «Quel pays accueillerait donc chez lui des requérants d'asile érythréens déboutés?»
Le contexte a également changé depuis 2003. À l'époque où Ruth Metzler était au Conseil fédéral, de nombreux demandeurs d'asile avaient dissimulé leur identité – les cantons ne pouvaient guère vérifier leurs données. Aujourd'hui, la Confédération a des possibilités plus étendues; elle collabore ainsi avec des représentations africaines à l'étranger pour l'identification des requérants d'asile, explique Eduard Gnesa. «Depuis 2003, la Suisse a conclu des accords de réadmission et de migration avec 66 Etats.»