C’est un dossier émotionnel. Et la nouvelle ordonnance par le Conseil fédéral met de l’huile sur le feu. Tirer préventivement le loup sera autorisé à partir du 1er décembre pour une durée limitée — jusqu’au 31 janvier 2024. «Ce texte a libéré la hargne d’un certain nombre de politiques, de chasseurs et d'éleveurs pour réaliser un véritable abattoir, c’est indigne!», fustige Philippe Roch, ancien directeur de l’Office fédéral de l’Environnement (OFEV) et du WWF Suisse, contacté par Blick.
Il implore Berne: «Cette ordonnance doit être retirée de toute urgence. C’est une erreur scientifique et démocratique.» Et pour cause, le ministre de l’Environnement Albert Rösti souhaite réduire jusqu’à 70% la population du grand prédateur: passant de 32 meutes à 12.
L’ancien directeur de l’OFEV, qui était en fonction entre 1992 et 2005, rejoint la position des différentes ONG défenseuses de l’environnement: cette ordonnance contournerait les mécanismes démocratiques en ne respectant pas les volontés des Suisses, qui avaient refusé la révision de la loi sur la chasse en septembre 2020 à hauteur de 51,9%. Alberto Mocchi, député vert au Grand Conseil vaudois et secrétaire général de la section cantonale de ProNatura, insiste: «Le Conseil fédéral a mis en consultation cette ordonnance de manière cavalière, ce qui va totalement à l’encontre de la votation.»
Sur les loups
Le remède serait pire que le mal
Si le Vaudois ne se risque pas à employer des termes tels qu'«anticonstitutionnel» ou «antidémocratique», il soulève toutefois de nombreux «paradoxes». Selon lui, l’ordonnance «a été faite à la hâte, sous l’influence d’une forte pression politique du milieu agricole». Cette manière de faire lui donne l’impression que le ministre de l’Union démocratique du centre (UDC) cherche à satisfaire les pressions de son parti et de sa base électorale. Il assène: «Ce texte n’est pas solide juridiquement.»
Plus généralement, pour Alberto Mocchi et Philippe Roch, les tirs ne sont pas une solution efficace. Ils rappellent que la Suisse est entourée de pays avec de grandes populations de loups. Le prédateur pourrait par conséquent tout simplement revenir chez nous.
Aussi, moins de loups ne signifierait pas moins d’attaques. «Si l’on commence à tirer sur les meutes, on déstructure complètement l’organisation du groupe, estime l’élu écolo. Des individus s’isolent, et ce sont eux qui causent le plus de dégâts. Le remède pourrait finalement être pire que le mal en lui-même.»
Prolifération exponentielle?
Le Conseil fédéral justifie cette rapide mise en vigueur par l’augmentation jugée exponentielle des meutes. Certes, la Suisse ne comptait que onze meutes en 2020, contre 32 aujourd’hui. Mais le membre du Grand Conseil vaudois souligne toutefois que, malgré la hausse du nombre d’individus, les attaques ont baissé de 29% en 2023 à l'échelle nationale, et ce, grâce aux mesures de protection mises en place.
Il déclare que ce prédateur, comme de nombreuses autres espèces animales, s’autorégulera: «Cette idéologie de l’expansion exponentielle du loup ne tient pas compte du fonctionnement même du règne animal. Quand le loup aura atteint son potentiel d’occupation de l’espace, la population arrêtera d’augmenter.»
«Une attitude profondément moyenâgeuse»
Alberto Mocchi reste néanmoins conscient des défis que le loup engendre. «Nous comprenons et ne nions pas les difficultés des éleveurs lorsqu’ils font face à la perte de leurs bétails. D’ailleurs, les protecteurs de l'environnement ne sont jamais opposés au tir du loup comme dernier recours.» Mais il est convaincu que les mesures ciblées de protection, telles que les clôtures, les chiens de garde ou les colliers de phéromones, sont davantage efficaces et peuvent permettre une meilleure cohabitation.
L’ancien directeur de l’OFEV ne conteste pas non plus les difficultés concernant le loup. «Je comprends la souffrance des éleveurs face à ce problème qui est réel, glisse-t-il. Mais la méthode choisie est inefficace, et elle émane d’une attitude archaïque, moyenâgeuse.»
- En Suisse, il y a 32 meutes pour environ 300 loups.
- Le nombre d'attaques à baisser de 29% entre 2022 et 2023, passant de 1200 bêtes tuées à 850.
- Dans les Grisons, le nombre d'attaques a chuté de 500 à 259, alors que 1200 animaux de rente sont morts de maladies ou d'accidents.
- En Valais, 325 bêtes ont été tuées en 2023, contre 376 en 2022. Mais 80% de ces animaux de rente ne possédaient aucune protection. La mortalité par attaques de loups dans le canton est la plus élevée de Suisse: 44%. A Glaris, les attaques ont chuté de 80%.
- Dans les cantons de Vaud, Tessin et Saint-Gall, les chiffres restent stables.
Source: Pro Natura
- En Suisse, il y a 32 meutes pour environ 300 loups.
- Le nombre d'attaques à baisser de 29% entre 2022 et 2023, passant de 1200 bêtes tuées à 850.
- Dans les Grisons, le nombre d'attaques a chuté de 500 à 259, alors que 1200 animaux de rente sont morts de maladies ou d'accidents.
- En Valais, 325 bêtes ont été tuées en 2023, contre 376 en 2022. Mais 80% de ces animaux de rente ne possédaient aucune protection. La mortalité par attaques de loups dans le canton est la plus élevée de Suisse: 44%. A Glaris, les attaques ont chuté de 80%.
- Dans les cantons de Vaud, Tessin et Saint-Gall, les chiffres restent stables.
Source: Pro Natura
Les cantons se positionnent
Le Valais et les Grisons — les deux cantons avec la plus grande population de loup — se sont déjà prononcés: l’ordonnance sera appliquée fermement par les deux autorités. Alberto Mocchi espère que Vaud sera plus modéré.
La semaine prochaine, au Grand Conseil vaudois, une résolution portée par un député libéral-radical (PLR) souhaitant appliquer strictement les mesures de l’ordonnance devrait être débattue. Le membre de la majorité demande au Canton de mettre à disposition les moyens humains nécessaires, comme le Service de la chasse, de la pêche et de la faune (SCPF) du Canton du Valais qui recrute des volontaires pour «la régulation du loup» via un formulaire. Le parti écologiste s’y oppose fermement.