Il est midi sur le béton de la Riponne, à Lausanne. Ruben*, blond, cheveux très courts, cicatrice sur la gauche du crâne, jeune, héroïnomane, attend sa prochaine dose. «Ça m’énerve, il n’aurait pas dû se shooter comme ça, en pleine rue. Il y a des gens qui passent, des familles. Ce n’est pas aux enfants de subir les conneries de ceux qui se piquent!»
Comme beaucoup ce lundi en Suisse romande, il a vu la photo choc publiée par «20 minutes», en page 5 de sa version imprimée. L’image semble montrer une personne, torse nu, en train de s’injecter, debout, sur un trottoir de Lausanne. A quelques mètres passe un gosse sur une trottinette.
Ce 21 août, à l’ombre de la toile blanche où se réunit une vingtaine de personnes toxicodépendantes, beaucoup d’yeux divaguent. Absences. Là, une cuillère. Ici, un garrot. Alentour, les ruelles, les buissons et les toilettes publiques voient les aiguilles percer les épidermes à longueur de journée. Souvent au vu et au su des passantes et des passants.
«Beaucoup n’ont aucun respect»
Dans le quartier, il n’est pas rare de retrouver des seringues usagées dans les fourrés, derrière les hangars à vélo, voire des excréments. Blick a encore pu le constater. «Beaucoup n’ont aucun respect, déplore Ruben, très critique envers celles et ceux qui, comme lui, n’arrivent pas à se défaire de leur addiction. Ils laissent tout traîner derrière eux. Moi, je laisse toujours l’endroit plus propre que ce qu’il était à mon arrivée.»
Ruben et ses doigts rongés, noircis de saleté, ont l’habitude de se cacher dans les toilettes pour se droguer. Le local d’injection du Vallon, cofinancé par la Ville et le Canton à hauteur de 1,2 million par an, à dix minutes à pied d’ici? «Je l’utilise souvent, c’est bien. On s’y sent en sécurité, on y est bien encadré. S’il y a un problème, il y a quelqu’un.» Pourquoi alors sont-ils si nombreux à se défoncer en public et en plein jour? «Parce qu’ils ont la flemme de marcher, ils n’ont pas envie d’attendre après avoir acheté leur came.»
Quartier à bout de nerfs
Un nouvel espace de consommation sécurisé ouvrira cet automne. A la Riponne, justement. Un projet pilote de deux ans au moins. «C’est très bien, ça va aider à apaiser la situation. Mais il est prévu qu’il soit ouvert de 15h30 à 21h30. Il faudrait des horaires plus étendus et un local de repos.» Histoire de ne pas devoir zoner dans la rue directement après avoir sniffé ou s’être injecté. «Désolé, je dois y aller. Non, pas de photo, merci.»
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Dans le quartier, le voisinage est à bout de nerfs. «Je vois cela tous les jours, mais devant l’enfant, c’en est trop», s’indigne l’homme à l’origine du cliché diffusé par «20 minutes», cité dans l'article du quotidien gratuit.
Ce dernier précise que la Municipalité a mis sur pied de nouvelles mesures pour lutter contre le phénomène. Par exemple, une équipe de travailleuses et travailleurs sociaux va à la rencontre des toxicomanes depuis le 1er août. Objectif: réduire les nuisances et les risques sanitaires encourus par les personnes dépendantes.
*Prénom d’emprunt