Le jour de la plus grande défaite de l’une était le jour de triomphe de l'autre: le 13 juin dernier, alors que le peuple rejetait la loi CO2, l’échec personnel de Petra Gössi, qui avait tenté de faire prendre un tournant écologique au Parti libéral-radical suisse, était flagrant.
Thierry Burkart a peut-être vécu le vote de manière très différente. Le conseiller aux Etats argovien de 46 ans, qui avait voté contre cette loi au sein du PLR, rayonnait et faisait partie des gagnants. Le lendemain de la défaite, Petra Gössi annonçait sa démission de la présidence.
Thierry Burkart avait fait profil bas pendant la campagne. En revanche, la section cantonale argovienne du PLR, dont le président est l’un de ses plus grands partisans, a mené une solide campagne en faveur du non, tout comme l’association de transports routiers Astag — que Thierry Burkart dirige.
Un critique de Petra Gössi pour lui succéder?
Ce lundi, deux mois plus tard, Thierry Burkart annonce aux médias son intérêt pour le poste. Il est le seul candidat.
Cela semble pourtant curieux. Ce détracteur — un des plus sévères — de Petra Gössi a provoqué un tollé au sein de son parti, non seulement sur la question du climat, mais aussi dans le débat sur l’Europe.
En janvier, il a sévèrement critiqué l’accord-cadre dans une opinion diffusée dans les pages de l'«Aargauer Zeitung», au moment où l’accord était sous le feu continu des critiques des organisations libérales dans leur ensemble, comme Autonomiesuisse et Boussole/Europe.
Il revient en sauveur
Dans les deux cas, Thierry Burkart, un spécialiste des questions de transport et de sécurité, n’a pris aucun risque. S'il s'attaquait bel et bien à la doctrine officielle du parti, il savait qu’une minorité significative de ses collègues de parti étaient derrière lui.
Donner un sentiment de collégialité au sein du parti aurait été, à ce moment, bien plus utile pour les campagnes du PLR. Au lieu de cela, Petra Gössi a dû faire face à des francs-tireurs issus de ses propres rangs.
Le conseiller aux Etats argovien est donc en partie responsable de l’image de désunion que le parti a présentée ces dernières années. En déclarant devant les médias lundi qu’il souhaitait raviver le «feu libéral» en tant que président, Thierry Burkart s’impose donc quelque peu comme le sauveur du parti auquel il a lui-même bouté le feu.
Un stratège à la volonté de fer
Néanmoins, sa candidature suscite un grand soulagement au sein du PLR et l’enthousiasme, évident dans les conversations avec les parlementaires, est palpable.
Thierry Burkart est considéré comme un habile stratège ayant toujours trois coups d’avance. Ses collègues de parti attestent qu’il sait écouter et ses adversaires politiques louent sa fiabilité. En termes de style, il a tout du genre idéal que son parti apprécie: confiant, avec un esprit de gagnant et toujours tiré à quatre épingles.
Mais surtout, l’Argovien incarne les valeurs libérales-radicales de manière accomplie, avec un parcours personnel méritocratique autodéclaré: issu d’une «famille simple de la classe moyenne», il a gravi les échelons pour devenir un avocat d’affaires réputé. «Quand on veut, on peut» pourrait être sa devise.
Et Thierry Burkart en veut. Il veut aller plus haut, plus loin. En 2001, à l’âge de 25 ans, il est élu au Grand conseil cantonal argovien. En 2015, il devient conseiller national, et quatre ans plus tard membre du Conseil des États.
Ce succès est le résultat de la détermination et de la persévérance du politicien — ainsi que d’un réseautage implacable. Parce que Thierry Burkart ne laisse rien au hasard. Surtout pas sa carrière politique, à laquelle, semble-t-il, il a presque tout subordonné.
Un tenant classique de la ligne du parti?
En tant que vice-président du TCS de 2012 à 2020, il a visité section après section lors d’innombrables soirées, prononcé des discours, serré des mains. Il a organisé plusieurs fêtes de lutte, très populaires outre-Sarine, s’est impliqué dans le mouvement critique de l’UE Perspective CH et a cultivé des contacts avec des entrepreneurs influents tels que Hans-Jörg Bertschi, coprésident d’Autonomiesuisse.
C’est que Thierry Burkart se sent à l’aise au sein des cercles conservateurs, où prévaut une image économique et sociale traditionnelle. Des tablées d’hommes bien habillés et experts. Certains membres du parti craignent donc que le Parti libéral-radical ne se déplace plus vers la droite sous sa présidence. Quant à d’autres, c’est exactement ce qu’ils espèrent. Une chose est claire: Thierry Burkart représente un retour au libéral-radical traditionnel.
Des conflits d’intérêts en vue?
Cependant, l’un des mandats de Burkart fait actuellement l’objet de plus de discussions que la future orientation politique du PLR. Le politicien aimerait conserver son poste de président de l’association de transports routiers Astag, salaire compris.
Il ne veut pas non plus divulguer le montant de sa rémunération, pour ne pas trahir le salaire de ses prédécesseurs à ce poste, dit-il. Selon les informations du «Tages-Anzeiger», il s'agit une somme élevée à cinq chiffres, proche de 100’000 francs, alors que le poste de président du parti, lui, n’est rémunéré que d’environ 50’000 francs par an.
L’insistance de Thierry Burkart provoque le ressentiment de certains membres du parti: «Quels intérêts représente-t-il, demande un parlementaire en privé, s’il gagne plus d’argent pour son travail de lobbyiste qu’en tant que président du parti?»
La balle est dans son camp
Thierry Burkart balaie ces objections d’un revers de la main. Il souligne que le bien-être du parti est sa première priorité. Dans les «cas très rares et théoriques» où il pourrait y avoir un conflit d’intérêts ou de loyauté entre le parti et l’Astag, il dit être prêt à se mettre en retrait.
En outre, il a indiqué de manière transparente au comité de sélection, dès le début, qu’il désirait garder la présidence de l’Astag. «Ma candidature est une offre faite au parti», déclare-t-il. «Si on me fait savoir un refus sur les conditions que je propose, je l’accepte volontiers.»
Thierry Burkart sait que la balle est dans son camp. Après tout, il est le seul candidat à s’être officiellement présenté. L’élection par l’assemblée des délégués le 2 octobre devrait être une simple formalité.
La présidence d’un parti est un travail usant. Un job toujours dans le mouvement, où la gratitude vient par petites bouchées et la critique à gogo. Un travail uniquement possible si l’on a le cuir épais tout en arrivant à garder son feu intérieur. Et à gérer les francs-tireurs de son parti. Si Thierry Burkart devient président, il y en aura au moins un de moins au Parti libéral-radical.