À Genève, les cours d’éducation sexuelle ne commenceront finalement pas en 3e primaire, a appris Blick. Ces leçons «étaient un projet pilote qui a débuté à la rentrée 2023, et qui a été mené cette année dans quelques classes», nous explique la chargée de communication du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP). Et Lauranne Peman-Bartolini d’affirmer clairement: «Nous avons décidé de ne pas pérenniser ce projet.»
Pourquoi faire marche arrière, alors que la fondation PROFA prévoit, dans le canton de Vaud par exemple, deux périodes intitulées «programme d’éducation à la vie et prévention des abus sexuels» dès la 3e primaire? Le Département rechigne à se justifier: «Le but d’un projet pilote est de se donner les moyens de tester et de revenir en arrière si le projet ne s’avère pas concluant. Il a donc été décidé d’en rester à ce qui a toujours été fait, à savoir de commencer l’éducation sexuelle et affective en quatrième primaire.»
Mais encore? Lauranne Peman-Bartolini n’est pas très loquace. Elle précise simplement: «La conseillère d’État (ndlr: la libérale-radicale Anne Hiltpold) a estimé que l’offre actuelle en matière d’éducation sexuelle et affective était suffisante et adéquate en matière de contenu et d’âge des élèves. Il a donc été décidé de ne pas pérenniser le projet pilote, initié par ailleurs durant la législature précédente.»
Prévenir les violences avant tout
Contactée, Santé Sexuelle Suisse, l’organisation faîtière des centres de santé sexuelle et des services d’éducation sexuelle dans toute la Suisse, nous fait part de son étonnement. Caroline Jacot-Descombes, directrice adjointe et cheffe de projet d’éducation sexuelle au bureau lausannois, lance, au bout du fil: «Le programme que nous défendons au niveau Suisse fait commencer les cours d’éducation à la sexualité dès la première primaire, et ces cours sont toujours simplement complémentaires à l’éducation des parents.»
D’autant plus que, jusqu’à l’adolescence, ces leçons ne parlent pas vraiment de sexe, en réalité. «Le contenu est toujours adapté à l’âge des enfants. Dans les petites classes (ndlr: à l’école primaire), c’est la prévention des abus sexuels qui est au centre. Il s’agit de santé publique!» Pourquoi, alors, y avoir renoncé pour la 3e primaire à Genève?
«C’est dommage pour Genève»
Faute d’explications précises de la part de la magistrate Anne Hiltpold quant à l’abandon du projet, Caroline Jacot-Descombes ne souhaite pas commenter ce cas précis. Elle précise cependant: «Il y a des cantons qui ont une longue expérience d’éducation sexuelle en 3e primaire, où il n’y a que des retours positifs.»
Et la responsable de déplorer: «C’est donc dommage pour Genève. D’autant plus que c’est un canton pionnier, il fut dans les premiers à introduire l’éducation sexuelle dans ses écoles, dès la fin du siècle passé.»
Qui a influencé le Département?
Le Département aurait-il subi d’éventuelles pressions de la part des milieux conservateurs, ou du Collectif parents Suisse, qui s’était notoirement opposé à des cours d’éducation sexuelle en 3e et 4e primaire (notamment) à la dernière rentrée?
Interrogée à ce propos, la communicante du DIP Lauranne Peman-Bartolini réfute toute influence externe dans la décision de ne pas poursuivre le projet pilote. Elle souligne encore une fois le fait que c’est une idée héritée de la précédente magistrate, la socialiste Anne Emery-Torracinta.
Un malentendu?
Également appelée à réagir, l'ex-membre des Vert-e-s genevois et présidente de l’association ÉPICÈNE, Lynn Bertholet, fulmine face au rétropédalage des autorités: «Il s’agit simplement de sensibiliser les enfants au fait que, même s’ils sont encore enfants, leur corps n’appartient qu’à eux! Expliquer cela à un jeune âge permet de prévenir des violences sexuelles par la suite. En particulier pour les filles.»
Celle qui milite pour des thématiques liées au genre ajoute encore: «Souvent, les détracteurs de ces leçons ne comprennent pas vraiment de quoi il s’agit. Car il s’agit simplement d’expliquer aux enfants que leur intimité leur appartient, et que ni les inconnus, ni le tonton, ni la nounou, ni le papa n’ont le droit de mettre leurs mains dedans!»