Le débat sur le Covid s’envenime de plus en plus, comme l’ont démontré les récentes manifestations violentes à Berne et les débordements que craint la police bernoise pour jeudi soir.
Le ton monte également contre les médias. Complotistes, antivax et tous ceux qui s’estiment opprimés par un système que la presse renforce à leurs yeux, s’attaquent de manière de plus en plus virulente aux journalistes, et notamment à ceux du service public.
Une partie de leur haine se concentre sur les émissions de débat phares de la RTS et de la SRF, «Infrarouge» pour la Suisse romande et «Arena» pour les Alémaniques. Le présentateur de cette dernière, Sandro Brotz, déclarait sur Instagram recevoir une déferlante de haine et des menaces suffisamment explicite pour qu’il porte systématiquement plainte.
Alexis Favre, de son côté, constate une situation similaire, mais se veut moins dramatique: «C’est vrai qu'«Infrarouge» est un peu le paratonnerre de la RTS. Nous sommes une émission de débat, et sommes forcément très exposés. Nous avons choisi de ne pas inviter certaines personnes parce qu’on estimait que leur discours n’était pas assez pertinent, ce qui fait enrager beaucoup de monde.»
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Des enveloppes suspectes à la RTS
En tant que présentateur, il incarne l’émission, et il a donc reçu une poignée de menaces parfois violentes: «C’est dans la veine de 'on va te mettre contre un mur et te fusiller'». Il n’estime pas que ces menaces soient sérieuses. Il ne cache pas toutefois que le contexte a pu être chaud au cours des dix-huit derniers mois au sein de la RTS: «Nous avons eu pas mal d’alertes de sécurité sur le site à cause d’enveloppes un peu suspectes, qui ont nécessité la venue de la police. C’étaient heureusement des fausses alertes, à chaque fois.»
Pas la première menace contre Sandro Brotz
De l’autre côté de la Sarine, Sandro Brotz a déjà dû faire face à une menace contre la «vie et l’intégrité physique» en 2016. A l’époque, il avait confronté l’expéditeur qui avait fini par s’excuser. Mais l’animateur relevait déjà en 2016 la montée en puissance d’une culture délétère agressive, qui n’a pu que s’amplifier depuis la pandémie.
Il y a un mois, il nous révélait dans une interview: «Toute personne qui présente un programme controversé s’expose beaucoup, et cela amène malheureusement des coups bas ou de l’hostilité. Personnellement, je peux faire face, mais ça s’arrête quand ceux qui m’entourent sont touchés.» Il n’avait pas voulu nous dire à l’époque s’il portait plainte, tout en assénant: «Si vous franchissez la ligne, vous devez vous attendre à être tenu pour responsable. La haine n’est pas une opinion. Jamais.»
Une opinion que partage Alexis Favre: «Nous avons durci notre politique face aux insultes, car celles-ci ont augmenté de manière significative durant cette crise, tant au niveau de leur intensité que de leur volume.» Face au nombre d’insultes entrant dans le domaine du pénal, son équipe et lui ont dès lors décidé d’envoyer des courriers en recommandé à leurs détracteurs les plus virulents, les enjoignant à retirer leurs insultes sur les réseaux sociaux sous peine de poursuites juridiques. «Ça marche, car la plupart du temps les gens agissent sans trop réfléchir et sans intentions criminelles derrière».
La critique est appréciée, les insultes non
Très souvent critiqué de toutes parts, Sandro Brotz remercie ceux qui lui apportent des retours constructifs, qu’il dit accepter comme faisant partie du métier et c’est pour cette raison qu’il est accessible sur les réseaux sociaux.
Mais celui qui est aussi directeur adjoint d'«Arena» entend protéger son équipe: «Je ne laisserai rien entraver le travail de notre rédaction. Ils font un sacré bon travail. Nous ne pourrons jamais satisfaire tout le monde.» Cela ne serait de toute façon pas le but.
Un débat sans cesse sur une corde raide
Sandro Brotz pense que le débat est nécessaire, même s’il est fatigant. Il est par ailleurs régulièrement taclé chaque fois qu’il donne la parole à des anti-certificat Covid, se retrouvant accusé dès lors de mettre de l’huile sur le feu.
Alexis Favre admet marcher sans cesse sur une corde raide: «On se fait engueuler toute l’année par les antivax parce qu’on refuse d’inviter Jean-Dominique Michel, et dès qu’on invite quelqu’un issu des mouvements sceptiques, ceux dont on estime qu’ils ont un discours pertinent, c’est l’autre camp qui nous tombe dessus en nous accusant de vouloir faire monter la sauce.»
Le Covid cristallise tout le problème du biais à l’équité des médias: est-ce qu’une opinion contraire, même ultra-minoritaire et s’appuyant sur des faits manifestement faux, doit être entendue? «Ces derniers temps, de plus en plus de gens semblent croire qu’il y a un droit à être entendu, à avoir accès aux médias et à pouvoir y parler. Et la presse, par crainte d’être vue comme non impartiale, tend à s’inféoder au lectorat, aux communautés. Alors qu’on n’inviterait pas un platiste ou un astrologue à un débat sur le cosmos.»