Porte bloquée, une discrimination?
Impossible pour lui de sortir du train en fauteuil roulant, il dénonce les CFF

Arrivé à Lausanne, Nouh Latoui n'a pas pu sortir de son train, inadapté à son fauteuil roulant. Dans une lettre adressée à la direction des CFF, le jeune socialiste dénonce des discriminations envers lui-même et plus généralement les voyageurs handicapés.
Publié: 10.04.2024 à 06:07 heures
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Dernière mise à jour: 10.04.2024 à 10:04 heures
Membre du parti socialiste, Nouh Latoui avait participé à la session parlementaire des personnes handicapées en mars 2023.
Photo: Keystone
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Léo MichoudJournaliste Blick

Dans les trains CFF, tout le monde ne vit pas la même galère en arrivant devant l'affichette rouge indiquant une «porte défectueuse». À l'arrivée de son train à la gare de Lausanne, Nouh Latoui a trouvé porte close, ce samedi 6 avril sur son trajet depuis Vevey.

Pour celui qui a été la première recrue en chaise roulante de l'histoire de l’armée suisse, impossible de rallier en vitesse l'échappatoire le plus proche. Le voilà bloqué, alors que le train redémarre direction Genève.

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Ces petites affichettes rouges sont régulièrement présentes dans les trains CFF pour indiquer une porte défectueuse.
Photo: Nouh Latoui/DR

En cause? La largeur de l'espace entre les sièges. Dans le couloir central des RegioExpress, celle-ci n'atteint pas les 90 centimètres nécessaires pour laisser passer le fauteuil du membre de la Jeunesse socialiste vaudoise, récent candidat malheureux au Conseil national.

Ses appels à l'aide restent sans réponse. Il pourra enfin descendre du wagon trois arrêts plus loin, à Allaman, et arriver à destination avec une demi-heure de retard.

Un cas plutôt commun

La faute aux CFF, fustige celui qui s'estime victime d'un nouveau cas de discrimination. «Si cela ne concernait que moi, je vous aurais dit de ne pas faire d'article, concède Nouh Latoui à Blick. Mais ça arrive plusieurs fois dans l'année, et pas qu'à moi. C'est systématique et il n'y a pas de progression! Plus on avance et moins ça se passe bien.»

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Le lendemain de sa mésaventure, le jeune homme de 24 ans partage sur ses réseaux sociaux une lettre cinglante à l'attention du directeur général des Chemins de fer fédéraux. Il y fait le constat d'un «échec» des «services pour les personnes à mobilité réduite» de la régie fédérale.

«Je me vois dans l'obligation de vous adresser cette lettre, qui se veut l'écho d'une indignation profonde et d'une exigence de respect des droits fondamentaux des passagers», commence le vingtenaire engagé pour l'accessibilité à l'espace public des personnes handicapées de Suisse — au nombre d'1,8 million en 2021, selon l'Office fédéral de la statistique (OFS).

Galères en série

Paraplégique de naissance, le Vaudois en appelle aussi bien à la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées (CPDH), ratifiée par la Suisse, ainsi qu'à la Loi fédérale sur l'égalité pour les personnes handicapées (LHand). «Cet acte constitue une entrave directe à mon droit à la mobilité», assure Nouh Latoui.

Pour le membre du comité de plusieurs associations de défense des personnes handicapées, les CFF ont fait preuve de «manquement à l'assistance immédiate», de «négligence» et d'une «absence de flexibilité et de compréhension». De quoi souligner «un déficit de formation du personnel aux procédures d'urgence et aux droits des passagers handicapés».

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«Ne pas m'avoir accordé d'attestation pour revenir à Lausanne est une preuve supplémentaire du peu de considération accordée à des situations déjà pénalisantes»
Nouh Latoui, en colère contre les CFF après sa mésaventure
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Arrivé à Allaman, le contrôleur qui a finalement permis à Nouh Latoui de s'extraire du train lui a refusé l'attestation qu'il demandait pour rejoindre la capitale olympique sans billet additionnel. «Une preuve supplémentaire du peu de considération accordée à des situations déjà pénalisantes», selon le jeune homme en colère.

Passer sous-voie et arriver sur le bon quai s'avère difficile dans la petite commune vaudoise. «Le problème, c'est que la gare d'Allaman n'a pas d'ascenseur, déplore le socialiste. Et la montée pour atteindre le quai depuis le passage sous-voie est extrême.» Entre les gares pas ou peu adaptées, le couloir trop étroit et le fait d'avoir été conduit vers une porte déficiente, Nouh Latoui juge avoir vécu plusieurs discriminations d'un coup.

Des excuses pour le «contre-temps»

Contactés, les CFF ont répondu lundi à Blick par l'intermédiaire du porte-parole romand de l'entreprise ferroviaire. «Je suis désolé pour la mésaventure subie par ce client la semaine dernière avec cette porte de train défectueuse», commence Jean-Philippe Schmidt, dans son e-mail. «Même s’il s’agit d’un incident rare, nous le prenons très au sérieux.»

Pas de systématique, donc, pour le représentant. Mais un incident isolé qui peut arriver lorsque 19'000 portes de train sont activées chaque jour en Suisse. Même topo sur Instagram. En commentaire de sa publication, Nouh Latoui a reçu lundi des «excuses pour les contre-temps» auxquels il «a dû faire face».

«Ce n'est pas un contretemps, c'est une discrimination, corrige l'homme engagé. Je veux des actes, et non des promesses.» Dans sa lettre, en plus d'excuses formelles de la direction et du remboursement de son billet superflu, Nouh Latoui demande «une enquête approfondie sur cet incident, ainsi que des mesures correctives immédiates pour qu'une telle situation ne se reproduise plus».

Les solutions ont du retard

Pour Jean-Philippe Schmidt, «les CFF ont à cœur de transporter l'ensemble de leur clientèle, y compris les personnes à mobilité réduite, qui prennent le train en toute autonomie.» Mais pour Nouh Latoui, il y a un hic. Le texte de la LHand est entré en vigueur en 2004. La Suisse et les CFF avaient jusqu'au 1er janvier 2024 pour se mettre à la page et réaliser des améliorations destinées aux personnes en situation de handicap.

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«Ces 20 dernières années, beaucoup de choses ont déjà été faites, mais il reste encore du travail»
Jean-Philippe Schmidt, porte-parole des CFF
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«Les CFF ont 20 ans de retard!» pour Nouh Latoui, qui ne laisse pas de place au bénéfice du doute. «Ces 20 dernières années, beaucoup de choses ont déjà été faites, mais il reste encore du travail», consent à répondre le porte-parole, qui renvoie à l'état de situation le plus récent publié par les CFF

Jean-Philippe Schmidt l'affirme, une partie de la solution réside dans le Contact Center Handicap, un numéro de téléphone — le 0800 007 102 — que proposent les CFF depuis quelques années déjà. «Si une cliente ou un client se trouve dans la même situation désagréable que ce client, nous pouvons lui conseiller d’appeler ce numéro, afin de trouver une solution rapide», conseille le porte-parole. Durant son voyage prolongé, Nouh Latoui n'y a pas eu recours: «Je me suis dit que cela ne servait à rien d'appeler le call center, car ils n'auraient pas directement trouvé de solution.»

Son aventure revêt selon lui une dimension politique. «La population doit comprendre que les personnes handicapées sont sans cesse confrontées à des problèmes dans les transports publics», assène-t-il. Le cas de la régie fédérale commence à le faire rire jaune: «Avec les CFF, c'est aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire», conclut le jeune homme.

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