Plus de 36’000 caméras
Souriez, vous êtes filmés dans les transports publics

Rien que depuis 2015, les CFF ont installé près de 10'000 caméras supplémentaires. Pour le plus grand plaisir de la justice qui peut consulter les enregistrements pour élucider des affaires. Mais cette surveillance se fait-elle vraiment au bénéfice de la population?
Publié: 05.03.2023 à 15:46 heures
1/5
En 2015, les CFF avaient installé 14'600 caméras dans les trains et les gares. Selon leurs propres indications, ils en exploitent aujourd'hui 24'400.
Photo: Keystone
Blick_Portrait_1606.JPG
Thomas Schlittler

Les CFF ont récemment fait l’objet de violents reproches qui ont découlé d’un article du magazine «K-Tipp». Dans ce dernier, on pouvait lire que les chemins de fer voulaient installer des caméras à reconnaissance faciale dans les gares afin d’analyser le comportement d’achat des pendulaires. L’ancienne régie fédérale s’est défendue contre ces accusations et a souligné que le nouveau système de mesure ne permettait pas d’enregistrer des données personnelles et qu’aucune reconnaissance faciale n’était prévue.

Indépendamment de ce débat, les recherches de Blick montrent que la vidéosurveillance dans les transports publics a significativement augmenté ces dernières années. En 2015, les CFF avaient déjà installé 14’600 caméras dans les trains et les gares. Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à 24’400, selon leurs propres indications.

La situation est la même pour les autres principales entreprises de transport. La deuxième entreprise ferroviaire suisse, le BLS, a multiplié le nombre de ses caméras en dix ans, passant de 630 à 2880, les Chemins de fer rhétiques de 95 à 1723. Dans les trains du Südostbahn, le nombre de caméras est passé de 380 à 1910 depuis 2017. Dans l’ensemble, les pendulaires sont contrôlés par plus de 36’000 caméras, sans compter les systèmes de surveillance des nombreuses petites entreprises de transport du pays.

Chez les CFF, les caméras vidéo sont la norme

Les entreprises de transports publics expliquent cette augmentation par l’extension de leurs offres et de leurs flottes, mais aussi par le fait que les caméras vidéo font partie de l’équipement standard. «La vidéosurveillance fait partie intégrante de notre concept de sécurité. C’est pourquoi il s’agit d’un élément important pour pouvoir continuer à augmenter les standards de sécurité dans les trains pour nos collaborateurs et nos clients», nous explique une porte-parole des CFF.

En cas d’agression contre le personnel, les images constituent des preuves importantes pour une éventuelle plainte pénale, poursuit-elle. De plus, la surveillance aide aussi à mettre en place une aide immédiate en cas d’urgence: «Si quelqu’un appuie sur le bouton SOS dans le train, des images sont transmises à la centrale d’intervention de la police des transports pour la suite des opérations.»

Une mesure judicieuse au final? Pas pour tout le monde. Francisco Klauser, professeur de géographie politique à l’université de Neuchâtel, mène depuis 20 ans des recherches sur les effets des caméras dans l’espace public et conclut qu'«elles ne rendent pas la société plus sûre».

Des caméras pour réduire le personnel

Selon l’expert, les caméras n’empêchent pas les délits commis sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, par exemple. De même, le sentiment de sécurité de la population n’augmente pas durablement avec la présence d’une caméra dans chaque train.

«Les caméras ne résolvent pas les problèmes, elles les déplacent juste ailleurs», explique le professeur. Exemple: au Royaume-Unis, les centres-villes ont été presque entièrement équipés de caméras. Mais le taux de criminalité n’a pas diminué pour autant.

Francisco Klauser reconnaît que les images de surveillance peuvent être utiles pour élucider les actes de violence. Mais le problème est que l’installation de caméras vidéo va souvent de pair avec une réduction du personnel. «Dans les trains, par exemple, il y a certes plus de caméras qu’avant, mais moins d’agents.» Dans les villes et les communes, la présence policière a diminué pour cette raison. Selon lui, «cette évolution est discutable».

Les villes et les communes s’y mettent aussi

Pourtant, des caméras de surveillance sont installées à un rythme effréné dans les villes et les communes. Le processus est toujours le même. À un problème de drogue, de violence ou de vandalisme, une caméra est toujours présentée comme la solution.

Il n’existe pas de chiffres sur le nombre de caméras dans toute la Suisse. Mais là où des données fiables sont disponibles, la tendance est clairement à la hausse: dans les cantons de Schwytz, Obwald et Nidwald, par exemple, le préposé à la protection des données comptait 190 caméras vidéo dans l’espace public en 2012. Aujourd’hui, il y en a 610. Dans les villes, les chiffres sont encore plus impressionnants: Bâle enregistre désormais 1260 caméras de surveillance dans l’espace public. À Zurich, on parlait déjà de 800 caméras en 2019 – et ce, uniquement pour les bâtiments scolaires de la ville.

Les autorités, tout comme les entreprises de transports publics, sont convaincues que les caméras sont synonymes de davantage de sécurité. D’un point de vue scientifique, cela reste controversé. Mais il est clair que les autorités de poursuite pénale recourent volontiers, et de plus en plus souvent, aux enregistrements. En 2016, les chemins de fer fédéraux n’ont reçu que 80 à 100 demandes de ce type par mois. En 2022, les Ministères publics ont envoyé environ 200 requêtes par mois, rien que du côté des CFF.


Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la