Entre les statistiques délivrées par le Service sanitaire coordonné (SSC) et la réalité des soins intensifs, un certain fossé semble se creuser. Près de 853 lits ont été enregistrés par le SSC lundi, dont 287 sont occupés par des patients Covid. 376 autres sont occupés par des malades non-Covid et 190 étaient libres. Cela fait un taux d'occupation des soins intensifs de 78%.
Environ 200 lits de libre? Comment se fait-il, dès lors, que de nombreux hôpitaux indiquent que leurs unités de soins intensifs sont pleines et qu'ils doivent transférer des patients dans d'autres cantons? Le problème n'est pas le nombre de lit, mais le manque de personnel qualifié. Celui-ci n'est prévu que pour pouvoir être mobilisable sur un total estimé entre 750 et 800 lits, selon l'estimation de la Société suisse de médecine intensive.
Le taux d'occupation effectif des soins intensifs serait donc nettement plus élevé, si l'on prend en compte le nombre de soignants disponibles plutôt que le nombre de lits. Le danger d'une situation de triage des patients est-il envisageable? Afin d'éviter une surcharge, le conseiller fédéral en charge de la santé Alain Berset va peut-être décréter ce mercredi une extension de l'obligation du certificat Covid.
Pourquoi cette différence de chiffres?
Comment les chiffres peuvent-ils différer à ce point? Un retard dans le transfert d'information entre la Confédération, les Cantons et les hôpitaux l'explique. Le SSC collecte ses données sur les capacités hospitalières via un outil informatique, nommé SII. La Confédération se base ensuite sur ces données pour évaluer la situation.
En outre, ces données sont censées «permettre un équilibrage régional et national de l'utilisation des capacités hospitalières», comme l'écrit le SSC. Les chiffres transmis ont donc un impact réel sur le nombre de lits utilisables.
Les données en question sont saisies directement dans le système des hôpitaux. Michael Jordi, secrétaire général de la Conférence cantonale des directeurs de la santé (CDS), considère que les hôpitaux sont responsables.
«L'écart peut être expliqué par le fait que les chiffres ne sont pas régulièrement actualisés. Les hôpitaux doivent se secouer un peu et mettre à jour ces données.» Toutefois, il estime que la Confédération et les Cantons doivent également sensibiliser les hôpitaux à cette tâche.
Un personnel sous pression permanente
Quant au manque de personnel qualifié, il s'agit d'un vieux serpent de mer des milieux hospitaliers. «Nous ne pouvons pas juste claquer des doigts pour avoir assez de personnel, dit Michael Jordi. Tout d'abord, la formation prend deux bonnes années. Le recrutement de personnes intéressées est difficile également.»
Il contredit aussi l'accusation selon laquelle les cantons en ont trop peu fait depuis un an et demi. «Nous avons organisé de la formation complémentaire pour le personnel infirmier existant afin qu'il puisse être déployé pour soutenir les unités de soins intensifs», dit-il.
Le secrétaire général rappelle également que les équipes existantes ne peuvent pas être appelées à volonté pour toutes les tâches possibles et imaginables. «Le personnel des unités de soins intensifs est soumis à une pression constante depuis un an et demi. Entre les différentes vagues de Covid, il fallait rattraper les opérations reportées. Ça ne s'arrêtait jamais.» Il dit avoir observé des signes de grande fatigue parmi le personnel des soins intensifs.
Les directeurs de la santé en faveur de l'extension
Michael Jordi se dit agacé par la demande, par exemple de la part de l'UDC, de préparer simplement plus de lits de soins intensifs. «Ce n'est pas seulement quasi-impossible, c'est aussi très cynique», dénonce-t-il, car cela reviendrait à accepter davantage de patients Covid atteints de maladies graves plutôt que de prendre des mesures contre les nouvelles infections. En outre, les patients Covid passent beaucoup plus de temps que les autres patients dans les unités de soins intensifs.
La majorité des directeurs de la santé plaident donc pour une extension de l'obligation du certificat Covid. «L'extension ne fera que retarder l'augmentation des chiffres de l'infection», explique Jordi. «Si la mesure est prise en réaction à une surcharge des hôpitaux à l'échelle nationale, il sera déjà trop tard.»