Depuis le début de la pandémie, la page Facebook de Stéphane Ducret déchaînait les passions. L’artiste installé à Genève faisait régulièrement part de son scepticisme par rapport aux vaccins anti-Covid. «D’une certaine manière, je suis un personnage public, beaucoup de monde me connaît via mon art ou mes ateliers de peinture. Donc mes publications étaient très commentées», raconte le Vaudois d’origine.
L'imparfait est de mise: ce lundi, l'artiste a effacé toutes ses publications sur le sujet, n'en laissant qu'une: un mea culpa. «Face au flot de réactions que mes prises de position provoquaient, j'avais formulé une promesse: si je constatais un jour avoir tort, je ferais un mea culpa en bonne et due forme.» Dont acte: ce fut chose faite ce lundi matin. Stéphane Ducret explique que la situation dans les hôpitaux lui a ouvert les yeux. «J’ai effectué un revirement à 180 degrés, mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis», écrit l’artiste et formateur installé aux Pâquis dans une tribune qui récolte beaucoup de commentaires positifs et de félicitations.
Comment expliquer cette volte-face, plutôt rare dans un contexte où les positions semblent arrêtées sur le Covid et la vaccination? Dans le cas de Stéphane Ducret, le mot-clé est la prise de conscience de la situation aux soins intensifs. Jusqu’ici, le Pulliéran d’origine ne percevait pas le Covid comme une menace. «J’ai 51 ans, mais je suis en pleine forme. J’étais persuadé que ce n’était pas nécessaire lorsque l’on est en bonne santé.»
«Je ne savais plus où se trouvait la vérité»
Les «effets secondaires du vaccin» plus inquiétants que la perspective de contracter la maladie? Le Genevois est emblématique d’une certaine frange de la population. «Je n’ai jamais été contre le vaccin par principe, j’étais simplement contre le vaccin pour moi-même», confesse l’artiste, dont le domaine d’activité a été très touché et qui a bénéficié d’une aide de l’Etat. «Toute cette situation a été très oppressante. Il y a eu tellement d’articles, tellement de posts sur Facebook que je ne savais plus vraiment où se trouvait la vérité. J’ai été pris dans une spirale où je ne faisais plus confiance à aucune source», explique encore Stéphane Ducret, dont le scepticisme affiché sur les réseaux sociaux a fait craindre à ses proches qu’il ne se fasse «embrigader par des anti-vaccins».
Dans les faits, le Vaudois aux cheveux longs ne s'est pas «radicalisé» — deux connaissances évoluant dans le milieu médical l'ont, au contraire, persuadé de faire confiance à la science. Le premier est médecin aux Hôpitaux universitaires de Genève et avait souvent buté dans ses tentatives de convaincre Stéphane Ducret. «Il m’avait écrit en privé et m’a souvent proposé de venir à l’hôpital», raconte l’artiste, qui a refusé pour «ne pas risquer d’infecter qui que ce soit».
Mais l’ancien professeur à l’ECAL a été définitivement convaincu par une autre amie, infirmière. «Elle venait de passer la semaine aux soins intensifs. Ceux-ci sont pleins de gens entre 30 et 50 ans qui reviennent de vacances et sont en pleine santé normalement. Ils souffrent de détresses respiratoires telles qu’ils sont aux soins intensifs. Je me dis que le vaccin est la seule manière de nous protéger, mes amis et moi, et que le danger est bien plus grand que d’éventuels effets secondaires. D’où mon mea culpa.»
Ironie de la situation, l’artiste publie cette prise de position alors qu’il… vient d’être infecté par le Covid. «La semaine dernière, je voulais fêter mes 51 ans avec une trentaine de personnes. Je me suis soumis à un test qui s’est révélé positif. Je n’ai eu que des symptômes légers», témoigne Stéphane Ducret, qui «recommande vivement de se faire vacciner, mais sans prosélytisme».