Ce mardi, ce n’est pas un groupe de rock qui va se déchaîner au Hallenstadion de Zurich, mais les actionnaires de Credit Suisse. Ils n’ont pas pu donner leur avis lors de la reprise de la banque suisse. Et certains en ont gros sur la patate. Ils ont perdu beaucoup, beaucoup d’argent, à l'image d'un retraité qui a accepté de témoigner dans Blick la semaine dernière.
Ce mardi, ils pourront enfin s’exprimer. Et il y a fort à parier qu’ils ne vont certainement pas acclamer la direction de CS.
Une colère bien mûre
Leur mécontentement remonte à bien plus loin que la reprise de Credit Suisse. Les actionnaires de la grande banque ont été réduits au silence pendant trois ans à cause de la crise du Covid-19.
Ils ont donc dû subir bouche cousue la baisse croissante de la valeur de l’action CS. Avant d’être vendus à l’UBS à prix d'or. Voilà donc le président du conseil d’administration Axel Lehmann et le CEO de CS Ulrich Körner, assurés de subir la colère des propriétaires – grands comme petits. Alors que les deux financiers présideront pour la toute dernière fois une assemblée générale de CS.
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Axel Lehman parle de confiance
La mauvaise gestion des dirigeants de CS a coûté des milliards aux détenteurs d’actions. En temps normal, environ 1300 actionnaires participent l'assemblée générale de la banque. Mais cette fois-ci, le défilé devrait être nettement plus important: plus de 2000 copropriétaires en colère sont attendus. Pourquoi Ulrich Körner et Axel Lehmann ont-ils répété comme un mantra qu’ils étaient sur la bonne voie pour la grande transformation de la banque traditionnelle suisse? Les deux hommes peuvent se préparer à un interrogatoire musclé.
Quant à lui, Urs Rohner, président du conseil d’administration de CS pendant dix ans, ne sera pas présent à l’AG. Néanmoins, les actionnaires ont de quoi être en colère contre lui. Il a affirmé à plusieurs reprises qu'il ne rembourserait pas un centime des 52 millions de francs de rémunération qu’il a perçus lors de son mandat à CS.
Dépassés par les événements
Les actionnaires n’ont malgré tout plus grand-chose à dire. Ils sont dépassés par les événements. Tout comme la banque, d’ailleurs. Depuis le 19 mars, c'est bien clair pour tout le monde, le destin de Credit Suisse est scellé. Raison pour laquelle les actionnaires ont pris l’invitation datée du 14 mars à l’AG comme une moquerie. «J’aimerais profiter de cette occasion pour vous exprimer, chers actionnaires, ainsi qu’à nos clientes et clients du monde entier, mes sincères remerciements pour la confiance durable et le soutien continu», y a écrit Axel Lehmann.
Une confiance qui a été très mal récompensée. Le président de CS se trouve dans le collimateur des actionnaires, puisqu’il a contribué à la chute de la banque, à grands coups de communication ratée. Mais peut-être réussira-t-il à s’excuser auprès des propriétaires lors de l’AG.
Réélection du CA compromise
Ces derniers jours, les actionnaires ont particulièrement eu de quoi être frustrés. Il faut dire que l'ordre du jour de l’AG de CS a été de plus en plus allégé.
Ils n’ont ainsi plus vraiment leur mot à dire sur de nombreux sujets. Seuls points sur lesquels ils peuvent encore s’exprimer: les comptes annuels déficitaires, le rapport de rémunération et la réélection du conseil d’administration. Et cette dernière est cruciale. CS restera une entreprise indépendante jusqu’à la fin de la reprise, et a donc besoin d’organes de direction correspondants.
Mais des résistances se font déjà sentir. L’AG devrait être la plus longue de l’histoire de la banque et le nombre de votants mémorable. A la fin de ce rendez-vous, les actionnaires de CS auront droit au verre de l'amitié pour la toute dernière fois.
Sergio Ermotti prendra le relais après l’AG
Mais CS n’est pas le seul établissement qui devra caresser ses actionnaires dans le sens du poil. L’UBS a bien intérêt à sortir le café, les croissants et l'apéritif de qualité pour tenter d’apaiser ses actionnaires ce mercredi. Ceux-ci pourront certes se réjouir d’un cours de l’action à nouveau en hausse. Mais cela ne suffira probablement pas à dissiper la colère de ne pas avoir pu participer aux décisions lors de la plus grande acquisition d’entreprise de l’histoire de la banque. L’AG d’UBS aura lieu le lendemain de celle de CS à la Halle Saint-Jacques, située à Bâle.
La frustration des actionnaires ne devrait pas être le seul point intéressant. Tout le monde aura certainement les yeux rivés sur Ralph Hamers, qui fera sa dernière apparition à la présidence de l’UBS. Son mandat prendra fin avec l’AG. Et juste après l’assemblée des actionnaires, le conseil d’administration réélu de l’UBS confirmera lors de sa première réunion l’élection de Sergio Ermotti comme nouveau sauveur de la place financière suisse.