Les explications de Loïc Parein
«La Suisse n'est pas plus clémente qu'ailleurs»

Les disposition pénales en matière sexuelle sont en pleine refonte aux Chambres fédérales. Une actualisation bienvenue pour corriger un dispositif devenu pour partie archaïque, mais sans tomber dans le piège d'une rigidité excessive, estime Loïc Parein, avocat.
Publié: 16.04.2023 à 06:14 heures
Loïc Parein est docteur en droit et avocat au sein de l'étude Avocats-ch, à Lausanne.
Photo: KEYSTONE/CYRIL ZINGARO
8 - Adrien Schnarrenberger - Journaliste Blick.jpeg
Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

France dans les années 1970, Italie en 1996, Allemagne en 1998: tous nos pays voisins ont fait évoluer leur droit pour prononcer des peines plus sévères à l'égard des auteurs de violences sexuelles. La Suisse est allée à contre-courant en faisant du surplace. De plus, elle a longtemps gardé une définition très restrictive du viol.

En 1991, lors de la révision partielle du droit pénal régissant les infractions d'ordre sexuel, le Conseil fédéral avait rejeté l'idée d'étendre l'infraction de viol aux victimes de sexe masculin. «Le viol constitue depuis longtemps une infraction ne pouvant être commise que sur une femme, cela a toujours été compris ainsi», estimait-il alors.

Un reliquat de Napoléon

Avec la réforme du droit pénal protégeant l’intégrité sexuelle, le viol va enfin être étendu à tous les genres, en plus d'autres dispositions nouvelles (la pénalisation du «revenge porn», par exemple). Pour Loïc Parein, sommité du droit pénal, cette évolution est bienvenue. «On est sur le point de modifier un système excluant le viol des hommes. Même si ce sont les femmes qui sont majoritairement agressées, une protection universelle sera désormais garantie, ce qui est la marque d’une juste loi à mes yeux. C'est la fin de certaines représentations dépassées à bien des niveaux, relève le Vaudois. Il ne faut pas oublier d'où l'on vient: dans le code pénal de Napoléon de 1810, un époux qui tuait son épouse en flagrant délit d’adultère n'était pas punissable.»

Pour autant, cette «évolution nécessaire du système patriarcal» va se faire sans révolution, en maintenant notamment les peines plancher de un an ou le sursis intégral, comme celui prononcé en première instance dans le cas de Julie Hugo, comme nous l'avons raconté jeudi.

Une Suisse pas plus clémente

Ne risque-t-on pas par conséquent de conserver une certaine clémence en Suisse à l'égard des auteurs de viol en comparaison avec l'étranger? «Je ne connais pas de chiffres établissant un laxisme des juges en Suisse par rapport à nos pays voisins, coupe le spécialiste en droit pénal. De toute façon, si la peine est jugée trop clémente, un recours est toujours possible au niveau cantonal puis fédéral.»

«Pour ma part, poursuit Loïc Parein, je considère que la révision, telle qu’elle se dessine maintenant, est sur le point de produire un résultat équilibré permettant aux tribunaux de rendre des jugement conformes aux représentations sociales actuelles. C’est important car le droit est avant tout culturel.»

Le Parlement a donc évité, selon l'avocat, de céder à une dérive émotionnelle de couper toute marge de manœuvre aux juges. «Bien sûr que l'on pourrait mettre un plancher à cinq ans de prison pour un viol, par exemple. Mais ce serait à la fois une rupture avec le principe pourtant central d’individualisation des peines permettant de faire du sur-mesure et une marque de défiance injustifiée à l’égard des magistrats, souligne l'expert. En ce sens, l’évolution de la révision est rassurante puisque l’on renonce à renverser la table pour tordre le bras au juge.»

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la