Ancien professeur d’éthique et désormais éditeur, Thomas Gröbly connaît très bien le monde agricole: il y a travaillé pendant huit ans. Membre du comité de l’initiative contre l’élevage intensif, le Zurichois de 64 ans offre une approche éthique de la consommation de viande, en replaçant les intérêts des animaux, trop souvent oubliés, au centre de la question.
Nouvelle attaque injustifiée envers les paysans pour les uns, inévitable et nécessaire révolution de société pour les autres. Le 25 septembre prochain, les Suisses décideront s’ils veulent abolir ou non l’élevage intensif dans notre pays.
Pour mieux comprendre la réalité du terrain et les enjeux de la votation, Blick vous propose une série en six épisodes, et vous embarque dans les coulisses de l'élevage en Suisse romande tout au long de la semaine du 12 septembre.
Pourquoi la définition de l’élevage intensif crispe-t-elle autant les éleveurs alors que les initiants assurent vouloir les défendre? Peut-on se rendre aussi facilement dans un «gros» élevage que l’on se rendrait dans une petite ferme? Voici les deux premières questions qui seront abordées en introduction de cette série avant d’attaquer le terrain.
Après une immersion dans deux élevages de poules et poulets et deux élevages de porcs opposés à l’initiative, vous découvrirez le témoignage de l’un des rares éleveurs à s’afficher publiquement en faveur du Oui.
En conclusion de cette série, l'interview d'un ancien professeur d'éthique et agriculteur proposera une lecture philosophique et éthique de la question, tout en replaçant les principaux concernés au centre du débat: les animaux.
Nouvelle attaque injustifiée envers les paysans pour les uns, inévitable et nécessaire révolution de société pour les autres. Le 25 septembre prochain, les Suisses décideront s’ils veulent abolir ou non l’élevage intensif dans notre pays.
Pour mieux comprendre la réalité du terrain et les enjeux de la votation, Blick vous propose une série en six épisodes, et vous embarque dans les coulisses de l'élevage en Suisse romande tout au long de la semaine du 12 septembre.
Pourquoi la définition de l’élevage intensif crispe-t-elle autant les éleveurs alors que les initiants assurent vouloir les défendre? Peut-on se rendre aussi facilement dans un «gros» élevage que l’on se rendrait dans une petite ferme? Voici les deux premières questions qui seront abordées en introduction de cette série avant d’attaquer le terrain.
Après une immersion dans deux élevages de poules et poulets et deux élevages de porcs opposés à l’initiative, vous découvrirez le témoignage de l’un des rares éleveurs à s’afficher publiquement en faveur du Oui.
En conclusion de cette série, l'interview d'un ancien professeur d'éthique et agriculteur proposera une lecture philosophique et éthique de la question, tout en replaçant les principaux concernés au centre du débat: les animaux.
Monsieur Gröbly, en tant qu’éthicien mais surtout ancien agriculteur, soutenez-vous cette initiative?
Oui je la soutiens pleinement. Il est important de préciser que seules 5% des exploitations agricoles seraient concernées pour des aménagements si l’initiative passe. C’est ce qu’a estimé le Conseil fédéral. Il s’agit justement d’exploitations de type industriel qui abritent jusqu’à 27’000 poules, 1500 porcs ou 300 bovins dans leurs halles.
Études et formations
- Formation professionnelle d’agriculteur
- Ecole cantonale de maturité pour adultes (KME, Zurich)
- Etudes de théologie réformée
- Master of Advanced Studies in Applied Ethics Universität Zürich (Master d’études avancées en éthique appliquée), à l’Université de Zurich
- Professeur d’éthique à la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL et à la Fachhochschule Norwestschweiz FHNW (Haute école spécialisée)
Parcours professionnel
Après une formation professionnelle en agriculture, Thomas Gröbly (né en 1958) a empoché sa maturité par la deuxième voie de formation. Il a conclu ses études de théologie évangélique à Zurich et à Bâle par un mémoire de licence sur la biotechnologie et la faim dans le monde. Il est chargé de cours dans le domaine «éthique technique, économique, animale et environnementale» et dans le domaine «agriculture et éthique».
En tant qu’indépendant il fonde un think tank éthique, l’Ethik-Labor. Dans ce contexte, Thomas Gröbly tient des conférences, anime des forums de débats et donne des cours. Il est également est membre du Conseil de la recherche agronomique depuis 2012.
Publications
- «Die Zukunft ist ethisch – oder gar nicht.» (L’avenir sera éthique ou ne sera pas., ndlr), 2006
- «Hunger nach Gerechtigkeit. Perspektiven zur Überwindung der Armut» («La soif de justice. Perspectives d’éradication de la pauvreté», ndlr), 2011
- «Einen Augenblick staunen – Variationen über Sterben, Nachhaltigkeit und friedfertiges Leben», («Un instant d’émerveillement – Variations sur la mort, la durabilité et la vie pacifique», ndlr), 2022
Études et formations
- Formation professionnelle d’agriculteur
- Ecole cantonale de maturité pour adultes (KME, Zurich)
- Etudes de théologie réformée
- Master of Advanced Studies in Applied Ethics Universität Zürich (Master d’études avancées en éthique appliquée), à l’Université de Zurich
- Professeur d’éthique à la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL et à la Fachhochschule Norwestschweiz FHNW (Haute école spécialisée)
Parcours professionnel
Après une formation professionnelle en agriculture, Thomas Gröbly (né en 1958) a empoché sa maturité par la deuxième voie de formation. Il a conclu ses études de théologie évangélique à Zurich et à Bâle par un mémoire de licence sur la biotechnologie et la faim dans le monde. Il est chargé de cours dans le domaine «éthique technique, économique, animale et environnementale» et dans le domaine «agriculture et éthique».
En tant qu’indépendant il fonde un think tank éthique, l’Ethik-Labor. Dans ce contexte, Thomas Gröbly tient des conférences, anime des forums de débats et donne des cours. Il est également est membre du Conseil de la recherche agronomique depuis 2012.
Publications
- «Die Zukunft ist ethisch – oder gar nicht.» (L’avenir sera éthique ou ne sera pas., ndlr), 2006
- «Hunger nach Gerechtigkeit. Perspektiven zur Überwindung der Armut» («La soif de justice. Perspectives d’éradication de la pauvreté», ndlr), 2011
- «Einen Augenblick staunen – Variationen über Sterben, Nachhaltigkeit und friedfertiges Leben», («Un instant d’émerveillement – Variations sur la mort, la durabilité et la vie pacifique», ndlr), 2022
L’initiative ne risque-t-elle pas de peser encore plus sur le secteur agricole, déjà en souffrance?
L’initiative n’est pas du tout radicale, car elle ne demande que l’application du standard des exploitations bio. Et ces dernières s’en sortent souvent mieux que les autres sur le plan économique. Il est donc tout à fait possible pour un éleveur de gérer une exploitation qui fonctionne économiquement sans être obligé d’exploiter un animal et de lui faire subir des violences.
Le camp du «Non» estime pourtant que l’élevage intensif n’existe pas en Suisse…
Bien sûr, c’est ce que disent les opposants. Et c’est aussi en partie vrai, car seuls 5% des agriculteurs seraient concernés par l’initiative. La majorité élève donc correctement les animaux, selon le cahier des charges requis par l’initiative.
Pour vous, à partir de quand peut-on parler d’élevage intensif?
Lorsque les besoins fondamentaux des animaux de bouger, de jouer ou de se comporter conformément à leur espèce sont violés. Par exemple, détenir quinze poules par mètre carré ou allouer à un seul poulet l’espace d’une feuille A4, cela ne laisse guère plus de place pour bouger. Je pense qu’on peut également parler d’élevage intensif lorsque les animaux sont sous-occupés et n’ont pas de possibilités de jouer. Par exemple, les cochons ont besoin de creuser la terre et de se vautrer dans la boue. Les poules, elles, adorent prendre un «bain de poussière».
La demande et la consommation de viande n’ont cessé d’augmenter ces 20 dernières années, surtout pour la volaille. Est-il possible d’élever de manière rentable et productiviste toujours plus d’animaux tout en respectant leur bien-être?
C’est une bonne question, mais elle illustre bien le dilemme entre la rentabilité et le bien-être des animaux. D’un point de vue éthique, il n’y a aucune raison de limiter le bien-être des animaux pour des raisons de rentabilité. Même chez l’homme, nous limitons notre «exploitation» en imposant des limites maximales de temps de travail, et une alternance entre des périodes de repos, des vacances et des jours de congé en cas de maladie. Il y a beaucoup d’agriculteurs et d’agricultrices qui s’en sortent bien, surtout ceux qui ont une grande diversité de production dans leurs fermes. De nombreuses exploitations bio tournent également bien. Elles prouvent que c’est possible.
Est-ce que la «viande éthique» et durable existe?
C’est une vaste question, qui mérite d'être étayée un peu. Du côté de l’éthique, il y a deux points de vue: l’éthique écologique et l’éthique animale. Du point de vue écologique, l’élevage intensif est extrêmement problématique à cause de son impact climatique important, de la consommation d’eau et de l’importation d’aliments pour animaux en provenance du Sud, comme le soja, cultivé sur des surfaces de forêt tropicale déboisées. La bonne nouvelle c’est que l’élevage sans importation de fourrage existe. Il favorise la fertilité des sols et limite l’impact sur le climat. De ce point de vue, oui, il existe une «viande éthique».
Et du point de vue de l’éthique animale?
De ce point de vue là, il n’existe pas de «viande éthique», non. Éthiquement, je ne vois pas de légitimité à tuer un animal si des alternatives existent. D’autant plus un jeune animal. Nous mangeons presque toujours des bébés et des enfants. L’élevage intensif, en particulier, porte gravement atteinte à la dignité des animaux et les traite comme des marchandises et des produits quelconques. Les animaux ne sont pas des vélos, ni des couteaux, ni des fourchettes, ni des barbecues. Les animaux veulent vivre, ils veulent vivre longtemps avec des contacts sociaux et sans violence. De plus, l’élevage intensif ne fonctionne qu’avec des cultures comme le soja, et les surfaces disponibles pour l’alimentation se font rares. Pour la viande, il faut cinq à dix fois plus de surface pour la même quantité de calories. Donc, si l’alimentation mondiale devient incertaine, il n’est plus éthiquement justifiable d’utiliser les terres arables pour l’alimentation animale plutôt que directement pour l’alimentation humaine.
Va-t-on pouvoir continuer à consommer autant de viande qu’actuellement en Suisse?
Si nous voulons laisser à nos petits-enfants un monde où il fait bon vivre, nous n’avons pas d’autre choix que de manger moins de viande. L’importation de fourrage en provenance du Sud doit cesser. Si l’on met de côté les arguments d’éthique animale, une consommation d’environ 25 kg par personne et par an serait acceptable, car nous pourrions atteindre cette quantité avec du fourrage provenant de Suisse. La consommation actuelle par personne approche plutôt des 50 kg. D’un point de vue éthique, je réduirais encore plus la consommation de viande, car il existe de nombreuses alternatives très intéressantes. Paradoxalement, l’élevage est aujourd’hui bien plus subventionné que la culture de légumes par exemple. Cela doit cesser. Et cette initiative permet de mettre en place des alternatives. Pourquoi ne pas prendre au sérieux l’idée que nous nous faisons d’une agriculture respectueuse des animaux, qui est aussi magnifiquement présentée dans la publicité? Car il y a là un énorme fossé entre ce qui est affiché et la réalité.
Se dirige-t-on à terme vers un monde sans consommation de viande?
Peut-être que dans 100 ans, en effet, notre comportement actuel paraîtra aberrant à nos successeurs, car nous ferons peut-être plus d’efforts pour empêcher toute forme de violence évitable. Nous aurons peut-être le même regard d’incompréhension que nous avons aujourd’hui vis-à-vis de l’esclavage il y a 150 ans.