Le Parlement a approuvé une réforme des caisses de pension en cette année électorale. Mais les milieux de gauche, ainsi que le magazine alémanique des consommateurs «K-Tipp», s’y opposent et ont lancé un référendum. «Bon à savoir» le soutient également.
En première ligne, le patron des syndicats et conseiller national vaudois Pierre-Yves Maillard dénonce une diminution des rentes pour la classe moyenne. Lors d’une interview avec Blick, le président de l’Union syndicale suisse (USS) a annoncé que le référendum contre la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP) avait abouti. Les électeurs auront donc le dernier mot. Le référendum passera probablement par les urnes en mars 2024.
Monsieur Maillard, vous semblez très satisfait. Etes-vous parvenus à réunir assez de signatures pour le référendum contre la réforme de la LPP?
Absolument. Nous avons déjà récolté plus de 120’000 signatures. Nous déposerons le référendum à la Chancellerie fédérale fin juin. D’ici là, des milliers d’autres paraphes devraient encore nous parvenir. Or, l'afflux massif de signatures confirme que les gens sont inquiets pour leurs retraites. La colère gronde face au démantèlement des rentes. Même le magazine suisse alémanique des consommatrices et des consommateurs «K-Tipp», qui est politiquement indépendant, soutient activement le référendum et cette collecte de signatures.
Pourtant, les petits revenus et les femmes travaillant à temps partiel pourraient se constituer une rente LPP plus élevée grâce à cette réforme.
Mais pour un montant beaucoup trop élevé! Les assurés paieraient des cotisations bien plus hautes et la grande majorité ne recevrait même pas un franc de compensation. Par exemple, une femme de 25 ans qui a un salaire mensuel de 5400 francs devrait à l’avenir payer 80 francs de plus chaque mois, pour 30 francs supplémentaires par mois après sa retraite. Et une femme de plus de 50 ans débourserait 50 francs de plus, pour recevoir 130 francs de rente en moins. En fin de compte, on voit bien qu'elles seraient perdantes.
Mais il y a aussi des exemples où les assurés sont gagnants.
Oui – mais beaucoup trop peu. La réforme prévue est un pur programme d’économies: elle aura pour conséquence des baisses de rentes à grande échelle. Au bout du compte, toute la classe moyenne y perdrait et les petits revenus ne profiteraient pas d’une véritable amélioration, car leurs prestations complémentaires seraient réduites.
La baisse du taux de conversion reste pourtant une nécessité au vu de l’augmentation de l’espérance de vie.
C'est faux. La plupart des caisses ont constitué d’énormes réserves. Et, avec le retournement des taux d’intérêt, ces rendements vont encore augmenter. La baisse du taux de conversion est ainsi tout simplement devenue inutile. La situation financière des caisses de pension est incroyablement bonne. Depuis l’an 2000, elles ont plus que doublé la somme de leur bilan, passant de 500 à plus de 1100 milliards de francs. L’argent pour les rentes est donc disponible.
Mais l’année dernière, de nombreuses caisses de pension ont perdu beaucoup d’argent en raison d’une mauvaise entrée en bourse.
Depuis le début de l’année, les rendements sont en nette augmentation. Il y a bien sûr eu des fluctuations, mais le volume des caisses a tendance à croître. Les taux d’intérêt devraient donc, eux aussi, augmenter. Ce qui améliorerait encore leur situation.
Devrions-nous donc renoncer à une réforme?
Non. Une réforme est indispensable. Mais il faut que celle-ci offre une véritable amélioration aux retraités. Regardez ce qui se passe avec l’inflation qui frappe notre pays. Personne ne fait rien! Il faut une réforme qui, comme pour l’AVS, veille à ce que les rentes LPP soient régulièrement adaptées au renchérissement. Sans compensation de l'inflation, les assurés continueront de perdre du pouvoir d’achat, année après année.
Mais cela coûtera à nouveau de l'argent. Et il ne tombe pas du ciel.
Mais beaucoup d’argent tombe droit dans les poches du secteur financier. Ce dernier empoche des frais administratifs. Et le secteur des assurances se fait des bénéfices écrasants. Chaque année, ce sont des milliards qui sont soustraits aux assurés. C’est là que nous devons intervenir dans le cadre d’une réforme. Mais la majorité bourgeoise du Parlement ne veut rien savoir. Elle préfère faire pression sur les 1er et 2e piliers pour pousser les gens à se tourner vers des assurances privées très chères dans le cadre d’un 3e pilier.
Revenons au référendum. Les électeurs se prononceront probablement sur le projet en mars 2024. Vous devrez alors affronter l’UDC et les Vert’libéraux.
Mais ce bloc présente déjà de profondes fissures. Dans le camp bourgeois, beaucoup ont remarqué que le projet coûte beaucoup et n’apporte rien. C’est le cas des agriculteurs, par exemple. Ou du secteur de la restauration. Ils sont très critiques par rapport à ce projet, voire opposés.
Vous pouvez donc déjà mettre le champagne au frais en prévision d'une victoire dans les urnes.
Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Contre nous, nous aurons des forces puissantes. Et beaucoup d’argent de l’industrie de la finance et des assurances. Je me prépare à une campagne difficile.
Il est possible que l’initiative de l’USS pour une 13e rente AVS soit soumise au peuple en même temps que le référendum. Qu'en pensez-vous?
Je m’en réjouirais. Avec cette initiative, nous proposons une solution rapide, pour de meilleures rentes. Les trois milliards de francs issus de la réforme de la LPP seraient bien mieux investis dans l’AVS. Tous les retraités profiteraient alors d’une meilleure situation.