C’est LA star de la soirée. Dans les coulisses du plateau parisien de Léman Bleu, tout le monde l’attend. Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer du gouvernement d'Emmanuel Macron devrait arriver pour croiser le fer avec le gratin politique français et avec la sénatrice verte neuchâteloise Céline Vara et le conseiller national libéral-radical genevois Christian Lüscher. Mais personne n’est à l’abri d’un imprévu de dernière minute. Surtout pas ce dimanche, jour du premier tour de l’élection présidentielle.
Viendra, viendra pas? Au bout d’un moment, j’arrête de me poser la question. Je m’assieds dans un couloir de l'hôtel où nous nous trouvons, mon ordinateur sur les genoux. Je déguste un jambon-beurre et écris quelques notes. La nouvelle tombe: Emmanuel Macron affrontera Marine Le Pen au second tour. Comme en 2017. Soudain, je reconnais la voix du ministre. Une maquilleuse lui applique un peu de poudre sur le visage. Il est là, à côté de moi. Il faut y aller, il ne reste plus que quelques secondes avant son entrée sur le plateau. Interview dans une obscurité quasi totale.
Monsieur le Ministre, pourquoi avoir accepté de venir dans une émission d’un média suisse, alors que le gouvernement a rendez-vous avec les Français aujourd’hui?
Parce que la Suisse, c’est important. Il y a d’abord beaucoup de Français qui vivent en Suisse. Ensuite, parce que l'opinion publique en Suisse, ça compte aussi. La Suisse est une grande démocratie. Donc je suis content de pouvoir venir ici. Et puis, j’irai aussi voir les médias français.
Ce soir, vous aurez en face de vous deux politiciens suisses. Franchement, c’est important?
Oui, absolument. Pendant une élection, je pense qu’il est très bon d’avoir une perspective européenne et internationale. C’est aussi ce qui m'amène ici.
Ce soir, vous êtes dans quel état d’esprit?
Je suis très mobilisé et dans une posture de rassemblement. Parce que là, c’est quand même le choix entre une ouverture vers l’avenir ou une espèce de période de très grand chaos. C’est cela qu’il faut signifier.
Cette situation vous inquiète?
(Soupir) C’est la démocratie. C’est normal qu’il y ait du suspense et éventuellement de l’inquiétude.
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On voit que 50% des votants ont choisi un extrême de l’échiquier politique. Que se passe-t-il en France?
Ce phénomène existe dans le monde entier. La France s'en est plutôt bien sortie jusqu’à présent. Après, on voit de grandes tendances sociétales, entre les difficultés, les peurs diverses, qui ont des raisons d’être politiques. Il faut donc soigner ces peurs et donner des réponses rationnelles. Pour que la démocratie produise, au-delà de l’expression de ces peurs, de la gouvernabilité.
De plus en plus de votants s’éloignent des voix modérées. N’est-ce pas finalement d’abord l’échec de ces mêmes voix modérées? Le gouvernement dont vous êtes membre en est-il responsable?
Tout le monde est responsable de tout dans une démocratie. Nous sommes tous responsables de l’état de la société. La France a encore des difficultés, mais nous avons aussi fait de bonnes choses ces dernières années. Je n’ai pas à faire un mea culpa tous les matins. Si je prends le sujet de l’école, nous sommes — avec la Suisse — le pays qui a le moins fermé les écoles en Europe pendant le Covid. Et c’est une très bonne chose pour nos enfants.
Vraiment?
Nous n’avons pas du tout à rougir de notre bilan durant cette crise sanitaire. Après, bien sûr que le gouvernement aurait pu faire mieux et qu’il y a beaucoup de choses à faire mieux dans les cinq prochaines années. Mais la bonne volonté était là, tout comme l’esprit démocratique.
En bon voisin, le Suisse lorgne beaucoup le Français et vice versa. Y a-t-il quelque chose que nous faisons chez nous qui pourrait vous inspirer? Par exemple dans le domaine de la formation?
Oui! Ce que la Suisse fait en matière d’apprentissage nous intéresse beaucoup. Cela nous a d’ailleurs inspirés dans notre réforme de l’apprentissage pour aller vers un modèle à la française. Où il y a à la fois de l’apprentissage à la Suisse et du lycée professionnel, à l’intérieur duquel il y a aussi de l’alternance. Nous sommes en train de bâtir ce modèle avec de très bons chiffres quant au nombre d’apprentis. Nous en sommes à 700’000 alors que nous en étions à environ 300’000 auparavant. Cela fait partie des grands progrès de ces deux dernières années. Nous sommes donc évidemment attentifs au modèle suisse, qui a fait ses preuves.
Vous estimez que ces perspectives-là sont porteuses d’espoir pour la jeunesse?
Bien sûr. Au moment où je vous parle, il y a des jeunes — j’en connais — qui ont un avenir ouvert parce qu'ils sont pris en apprentissage grâce aux dernières mesures que nous avons prises.