La conseillère aux États verte Céline Vara (C.V.) et le conseiller national libéral-radical Christian Lüscher (C.L.) courent partout. Il faut dire qu’avec mon collègue vidéaste Pierre Ballenegger, nous ne faisons rien pour leur faciliter la tâche. La Neuchâteloise et le Genevois s’apprêtent à entrer sur le plateau parisien de Léman Bleu pour débattre des résultats du 1er tour de l’élection présidentielle française avec des sommités hexagonales. Nous sommes dimanche soir et nous devons nous dépêcher si nous voulons les attraper.
Nous les faisons d’abord passer, un à un, par un petit studio improvisé dans les couloirs de l’hôtel cinq étoiles où nous nous trouvons. Face caméra, nous tentons de les faire rire, de les déstabiliser, gentiment. L’heure est à la déconnade. Le sérieux viendra un peu plus tard.
Il est temps: le débat est terminé. J’attrape Céline Vara et Christian Lüscher au 8e étage du petit palace, j’ai d’autres questions à leur poser. Ils sont en retard. Ils ont rendez-vous au restaurant. Vite, je commence à les interroger pendant qu’ils réunissent leurs affaires. Avec eux, je me faufile dans un ascenseur puis déboule sur le trottoir. Fin de l’interview. Nous avions moins de cinq minutes, nous avons été efficaces.
Qu’est-ce que vous faites à Paris, alors qu’à quelques pas de chez vous se joue l’avenir du canton de Vaud pour les cinq prochaines années? Un canton romand, c’est moins important que la France?
C.V. Non, pas du tout. Nous avons suivi à la seconde près les résultats vaudois. Vraiment.
C.L. J’étais en contact avec «mes» candidats vaudois, j’ai pu les féliciter par écrit et par oral. C’était une préoccupation constante. Mais nous avons su les résultats définitifs vers environ 15h tandis, qu’à Paris, les premiers résultats tombaient à 20h. Donc nous avons eu le temps de switcher.
Quel rapport personnel avez-vous avec la France?
C.V. Je n’ai pas la nationalité française mais j’ai la double nationalité suisse et italienne. Les Français sont tout simplement nos voisins. En termes culturels, d’histoire… Nous sommes relativement proches et nous parlons la même langue. Ce qui est important pour moi, puisque j’ai un problème de langue récurrent à Berne (rires). Je souhaite vraiment le meilleur aux Français, d’autant plus que la stabilité de la France a un impact sur la Suisse.
C.L. Moi, à Genève, j’ai 108 kilomètres de frontière avec la France et quatre avec la Suisse. Donc mes rapports sont quotidiens.
Qu’est-ce que ça vous inspire, le fait qu’environ 50% des votants ont choisi un extrême de l’échiquier politique? Ça vous effraie?
C.V. En France, ce n’est quand même pas la même température qu’en Suisse. Il y a des problématiques sur lesquelles on ferme un peu les yeux ou alors sur lesquelles on n’a pas de réponse assez franche et claire. Cela fait que ces gens ne se sentent pas entendus, pas écoutés. Et quand c’est le cas, on ne leur répond peut-être pas correctement. Je crois que c’est un problème qui touche aujourd’hui tous les partis traditionnels.
C.L. J’estime que, contrairement au citoyen suisse, l’électeur français ne peut pas s’exprimer assez souvent. Ce qui fait que les colères s’accumulent et s’expriment, voire explosent, à l’occasion des élections présidentielles. Je pense qu’il faudrait, de ce côté-là, revoir le système.
Est-ce un signal, y compris pour chez nous en Suisse?
C.V. Non, pas à mon avis.
C.L. Non, je ne crois pas non plus. Précisément par le fait que nous avons un système totalement différent, dans lequel nous sommes obligés de parvenir à des compromis. Faute de quoi, le peuple nous tape sur les doigts. Donc, ce qui se passe ici ne pourrait — à mon avis — jamais se produire en Suisse.
Une chose flagrante ressort ce dimanche soir. Nous sommes en pleine crise climatique et, pourtant, l’écologie politique n’a pas existé dans le débat et dans les votes en France. Pourquoi?
C.V. À cause de l’absence de programme environnemental de la plupart des partis, déjà. Il n’y a que Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon qui avaient des propositions climatiques, ce qui est dramatique. Il y a un président en place qui n’en a aucune et qui est en retard sur tous les objectifs environnementaux. Un autre problème: il n’y a pas d’écologie, de durabilité, sans stabilité politique. On sent, en France, des extrêmes qui se manifestent de manière très, très forte. Du coup, ça déstabilise toute la politique climatique qui est une politique sur le moyen et le long terme.
C.L. Pour nous, l’écologie est une préoccupation constante. Mais nous sommes en Suisse et, pardon de le dire, dans un pays un tout petit peu en meilleur état. Ce qui fait que nous avons davantage le temps, le loisir et les moyens de nous occuper d’écologie. En ce moment, j’ai l’impression que la France a mis ça au deuxième plan.