Le futur mandat décrypté
Suisse – Union européenne: ce que le Conseil fédéral ne dit pas

Le Conseil fédéral a fait un pas significatif en direction de Bruxelles en annonçant la reprise future des négociations bilatérales. Mais attention, chaque mot compte selon l'expert Gilbert Casasus.
Publié: 08.11.2023 à 18:34 heures
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Ignazio Cassis est en charge des futures négociations bilatérales avec l'Union européenne. Mais pour l'heure, le Conseil fédéral attend un mandat de négociation
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Alors cette fois, c’est reparti entre Berne et Bruxelles? En avant pour une reprise des négociations bilatérales qui ne soient plus seulement des «pourparlers exploratoires» avec l’Union européenne?

Officiellement, la réponse est oui: «Le Conseil fédéral a analysé les résultats des travaux internes et des discussions exploratoires avec l’Union européenne (UE). Sur cette base, il a décidé d’élaborer un mandat de négociation. Il se prononcera avant la fin de l’année sur son adoption» précise le communiqué de l’exécutif publié ce mardi 8 novembre.

Mais attention. La route vers un nouveau «paquet» d’accords bilatéraux dans les domaines de l’électricité, de la sécurité alimentaire et de la santé, et pour le retour de la Suisse dans les programmes de l’UE – qu’elle a quittée (en particulier le programme de recherche communautaire «Horizon Europe») – promet de rester sinueuse et escarpée. L’universitaire Gilbert Casasus, longtemps professeur d’études européennes à Fribourg, répond à Blick.

Gilbert Casasus, ça y est: le rejet unilatéral par la Suisse, le 26 mai 2021, du projet d’accord-cadre avec l’UE est derrière nous?
Oui, la page se tourne. Mais le train fédéral reste encore à quai sur les rails, en gare de Berne. La décision de ce jour n’est pas une non-décision, mais une décision attendue depuis belle lurette. Une sorte d’avancée dans une zone à vitesse très limitée. C’est tout, sauf une surprise.

Expliquez-nous: ça avance, mais vous, proeuropéen, vous êtes déçu?
Lisez bien le communiqué: «Avant la fin de l’année, le Conseil fédéral décidera de l’adoption d’un projet de mandat de négociation avec la Commission européenne et de sa mise en consultation.» Deux logiques vont donc continuer à s’affronter. L’une plaide pour des accords sectoriels, l’autre pour un contrat beaucoup plus pérenne entre Berne et Bruxelles. Comment en sortir? Avec un compromis de façade. Les uns se féliciteront d’avoir eu gain de cause sur les questions techniques et sectorielles et les autres pousseront un ouf de soulagement pour avoir enfin ficelé un paquet d’accords. Sauf que les questions de fond, celle du partenariat entre la Suisse et l’Union européenne, ne seront pas réglées. Mon inquiétude; c’est un accord bâclé. Ce qui n’est jamais un bon accord. On peut dès aujourd’hui prendre les paris en la matière. Le faux-semblant entre la Suisse et l’Union européenne n’a pas fini de nous étonner.

Mais les bonnes surprises, ça existe aussi. Et si la Suisse et l’UE parvenaient enfin à s’entendre sur un bon accord pour les deux parties?
La seule bonne surprise serait d’un accord de grande ampleur. Or je n’y crois pas/plus. On s’achemine selon moi vers un «minimum syndical» entre Berne et Bruxelles. C’est d’ailleurs ce que veulent les syndicats suisses qui déploient un minimum d’efforts.

Un accord avant les élections européennes de juin 2024, c’est jouable selon vous?
C’est peut-être la stratégie du Conseil fédéral. L’exécutif veut faire croire à la population suisse que tout est réglé, alors que ce n’est là que pure illusion. C’est un leurre politico-diplomatique. Signer un accord en 2024, c’est comme rendre une copie en n’ayant répondu qu’à un minimum de questions. Tout juste pour avoir la moyenne. On aura des accords techniques, et on repartira vers un prochain épisode du feuilleton Suisse-UE qui commence à lasser tout le monde. Vive le prochain mandat de négociation… en 2030!

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