Négociations avec Kiev
Nous ne sommes pas tous Ukrainiens, et c'est tant mieux !

Formulée ce mercredi 8 novembre, la recommandation de la Commission européenne d'ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Ukraine n'effacera pas nos différences avec Kiev. Tant mieux. Ce qu'il faut, c'est les assumer.
Publié: 08.11.2023 à 14:56 heures
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Dernière mise à jour: 08.11.2023 à 18:42 heures
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Ce 8 novembre, la Commission européenne a adopté le paquet "Élargissement 2023", qui fournit une évaluation détaillée de la situation et des progrès réalisés par l'Albanie, la Bosnie-et-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie, la Turquie et, pour la première fois, l'Ukraine, la République de Moldavie et la Géorgie.
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Voici donc l’Ukraine récompensée pour ses efforts! En recommandant, ce mercredi 8 novembre, l’ouverture de négociations avec Kiev en vue de l’adhésion du pays à l’Union, la Commission européenne a d’abord validé une double stratégie: celle d’un futur élargissement possible vers un espace communautaire à plus de trente États membres (puisque d’autres pays, dont la Moldavie et la Géorgie, sont concernés), et celle d’une consolidation des réformes en cours en Ukraine, malgré la guerre imposée par la Russie et la souffrance endurée par sa population.

Ce double pari est géopolitique. Il part du principe que l’Union européenne, espace de paix et de liberté, doit répondre aux aspirations démocratiques du peuple ukrainien en lutte. Il est aussi économique et juridique. Si les dirigeants des pays membres de l’UE l’approuvent en décembre, cette ouverture de négociations aura pour but prioritaire de s’assurer que les économies des pays concernées sont compatibles avec le marché unique européen, et que l’État de droit y sera respecté à l’issue du long et très bureaucratique processus d’adhésion.

Des intérêts différents


Un point demeure toutefois, et il est essentiel de le redire, même si La Suisse n’est évidemment pas concernée par cette négociation: nous ne sommes pas tous des Ukrainiens. Nos intérêts ne sont pas tous alignés sur ceux de Kiev. Notre histoire n’est pas celle de l’Ukraine, comme elle n’est pas celle des Balkans occidentaux qui attendent depuis des années à la porte de l’Union. Notre agriculture n’est pas celle de ce grenier à blé mondial que sont les vastes plaines céréalières de l’Ukraine. Nos relations avec la Russie, aujourd’hui dictées par la résistance commune à la guerre d’agression de Vladimir Poutine, n’ont pas toujours été forgées par ce moule effroyable que fut l’Union soviétique. Notre horizon n’est pas nécessairement celui d’une Europe soudée militairement aux États-Unis, comme le souhaitent les Ukrainiens et leurs voisins.

Orban et Fico, semeurs de division

Lorsque la Hongrie de Viktor Orbán ou la Slovaquie de Robert Fico – deux premiers ministres nationaux populistes – annoncent cesser toute aide militaire à l’Ukraine pour ménager Moscou, leurs partenaires s’énervent à juste titre. Cette divergence-là affaiblit la crédibilité de l’Union et envoie à la Russie un dangereux signal de division. Dire en revanche haut et fort aux Ukrainiens qu’ils ne sont pas, malgré leur indéniable courage, porteur d’une quelconque vérité suprême européenne, et que l’UE doit aussi se protéger des dangers d’un élargissement accéléré, est un acte de franchise indispensable.

L’exigence de vérité

Oui, nous ne sommes pas tous Ukrainiens. Oui, le soutien économique et militaire à ce pays en lutte contre un régime russe tyrannique, impérialiste et prédateur, doit être dissocié des futures négociations. Oui, l’Europe sera plus forte si elle parvient à intégrer, demain ou après-demain, une Ukraine réformée, démocratique, et en paix.

Cette négociation d’adhésion avec l’Ukraine, pour être concluante, ne peut reposer que sur une seule exigence: celle de la vérité.

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