Blick l'annonçait ce matin: les débats d'actualité d'«Infrarouge» seront désormais diffusés par la Radio télévision suisse (RTS) toutes les deux semaines, mais en «prime time», dès 2023. Contre une émission hebdomadaire actuellement en deuxième partie de soirée. Contacté en milieu d'après-midi, Pascal Crittin, directeur de la chaîne, se veut rassurant: «Le débat public sera complètement assuré. Placer «Infrarouge» en «prime time» veut dire davantage d’audience. Et, avec ce rythme d'une semaine sur deux, nous pourrons développer les débats interactifs avec le public sur le numérique.»
L'émission économique de la Radio télévision suisse (RTS) «Toutes taxes comprises» («TTC») sera quant à elle supprimée en juin 2022, mais remplacée par un nouveau magazine. «TTC se terminera quelques mois avant que le producteur (ndlr: Patrick Fischer) ne prenne sa retraite, explique Pascal Crittin. Début 2023, elle sera remplacée par un nouveau magazine, qui durera jusqu’à 21 heures. Nous allons analyser quelles thématiques intéressent le public le lundi soir, mais l’économie pourrait y avoir sa place.»
Certaines émissions seront écourtées, comme la très populaire «Passe-moi les jumelles», rabotée de 15 minutes, d'autres rallongées. «Nous raccourcissons la durée de certains magazines de sorte à ce qu'ils se terminent avant 21 heures, développe le directeur. Nous avons constaté que si les émissions finissent trop tard, nous perdons un certain nombre de téléspectatrices et téléspectateurs qui rejoignent les programmes de deuxième partie de soirée sur les chaînes françaises.»
Les sports aussi touchés
La grille d'été sera en outre prolongée d'un mois dès 2023: elle s'étendra de juin à août, selon un communiqué de la chaîne diffusé lundi. «La RTS réfléchit à doper son offre lorsque les beaux jours arrivent et à la différencier davantage de sa grille normale , justifie Pascal Crittin. C’est une grille qui rencontre un grand succès, sur lequel nous voulons capitaliser.»
Les sports ne seront pas épargnés. «Sport Dernière» passera en «tout image» du lundi au vendredi. En clair: il n'y aura plus de présentation en studio. Les résumés des compétitions de football européen seront proposés sur les plateformes numériques de la RTS. Mais un «rendez-vous football européen» hebdomadaire sera programmé en «prime time» le jeudi soir sur RTS 2. En outre, la grille de La Première sera «profondément revue». Le journal de 22h30 des samedis et dimanches seront supprimés, indique le communiqué, sans donner davantage de détails.
En parallèle, l'offre digitale sera développée afin de toucher de nouveaux publics. «Le numérique rencontre déjà un grand succès, se réjouit Pascal Crittin. L’an dernier, l’audience sur le digital a bondi de 40%, et ce n’est pas seulement dû à la crise sanitaire. «Tataki» touche désormais 70’000 jeunes par semaine! Nous voyons qu’il y a 25% de la population que nous ne touchons pas avec notre offre numérique. Nous voulons aller les chercher, notamment en développant des magazines thématiques sur le web.»
Soixantaine de postes en jeu
Ces mesures budgétaires ont été présentées par la direction aux équipes durant la journée de ce lundi 7 juin. Pour mémoire, la RTS avait annoncé en octobre devoir économiser 15 millions de francs d'ici 2024 et quelque 5 millions en 2025 pour faire face à la baisse structurelle des revenus publicitaires. Une soixantaine de postes sont sur la sellette, mais «le Conseil de direction s'engage à limiter au maximum les licenciements en privilégiant les départs à la retraite», selon le communiqué.
Hasard du calendrier ou pas, ces nouvelles interviennent un jour après l'annonce par l'UDC du lancement d'une nouvelle initiative contre la SSR. Dans le viseur: la redevance, comme «No Billag» il y a trois ans, et cette fois également la «composition idéologique» des équipes des rédactions.
Dans ce contexte tendu, Pascal Crittin a accepté de répondre à nos questions sur ces choix et la stratégie de l'entreprise.
Ces mesures d’économies étaient-elles inévitables?
Pascal Crittin: Oui. La SSR perd environ 15 millions de revenus publicitaires par an alors que la redevance est plafonnée. Je tiens à souligner que c’est la première fois que nous touchons autant aux programmes. Les dernières mesures ont affecté surtout la structure, l’administration.
Comment avez-vous fait vos choix? «TTC» et «Infrarouge», c’est le cœur du service public…
Pour «TTC», c’était une question d’opportunité avec le départ à la retraite de Patrick Fischer et aussi de repenser l’économie dans notre offre, notamment sur le digital. Ces décisions reposent sur une stratégie de diversification de l’offre, du contenu. Nous voulons nous concentrer sur nos points forts, le «prime time» et désinvestir dans les heures creuses.
N’est-ce pas suicidaire d’annoncer ces mesures alors que l’UDC veut lancer des initiatives contre la SSR?
Ce qui serait suicidaire, c’est de baisser la redevance à 200 francs. Cela signifierait la moitié de notre budget en moins. Alors que la redevance à déjà été abaissée de 90 francs en deux ans. Nous avons déjà fait beaucoup d’efforts.
Avez-vous réfléchi à tirer la prise du projet de campus à l'EPFL à 120 millions?
Bien sûr que nous y avons réfléchi! Mais ce sont des budgets différents. Les mesures annoncées aujourd'hui touchent le budget courant, parce que les revenus publicitaires sont en recul. Pour le campus à l'EPFL, c'est la SSR qui investit après avoir vendu des bâtiments qu'il aurait fallu rénover. Les nouveaux bâtiments coûteront 4 millions de moins par année.
À l'interne, des personnes estiment que c'est l'allocation des ressources de toute la SSR qu'il faudrait remettre en question. Comprenez-vous ces critiques?
Pas tout à fait. Il y a eu beaucoup de coupes au sein de la SSR et le coût de l’administration est en dessous des 8%. La direction générale a beaucoup dégraissé.
À l'heure où la SSR doit se serrer la ceinture, cette entreprise est-elle encore assez agile?
Mais elle fait preuve d’agilité! Le développement de l’offre numérique nous a permis d’augmenter massivement le nombre de personnes touchées. Prenez l’exemple de notre plateforme Play Suisse, qui fonctionne très bien. N’oublions pas que la SSR a perdu 100 millions de revenus publicitaires ces quatre dernières années, sans fermer de chaîne. Encore un signe d’agilité!
En tant que directeur, ces coupes à la RTS vous font-elles mal?
Oui, c’est douloureux, parce que derrière chaque émission de la RTS, il y a un public et des équipes. Je comprends les réactions affectives. J’aimerais pouvoir donner davantage d’émissions au public, jusque tard dans la soirée! Mais la baisse de nos revenus est très brutale.