Monsieur Chiesa, vous glissez dans les colonnes du «Tages-Anzeiger» que Thomas Aeschi, le président de votre groupe parlementaire, a affirmé prématurément que l'UDC allait réélire Alain Berset au Conseil fédéral. Votre parti compte-t-il lui refuser sa réélection?
Je pense surtout qu'il est peu probable qu'Alain Berset se présente à la réélection en décembre. La Suisse connaît aujourd'hui une crise institutionnelle. La faute en revient aux informations que son ancien porte-parole a envoyées au chef de Ringier* sur les mesures contre le Covid-19.
Votre parti confirmera-t-il Alain Berset dans ses fonctions, oui ou non? Ne pourriez-vous pas préférer une candidature des Vert-e-s à celle du PS, si ceux-là ne perdent pas trop de voix d'ici là?
Cette situation est trop hypothétique pour que nous nous prononcions. Nous n'en savons pas encore assez. En l'état actuel des choses, il n'y a que deux options. Soit Monsieur Berset savait pertinemment que son porte-parole informait Ringier des décisions gouvernementales à l'avance. Il devrait alors abandonner sa fonction. Soit Alain Berset n'était pas au courant que Peter Lauener faisait fuiter des informations, et ne s'en est pas rendu compte. Dans ce cas, il doit aussi en assumer conséquences.
Vous demandez donc de toute façon la démission du Fribourgeois.
Son retrait du gouvernement pourrait être une bonne chose. Observez ce qui s'est passé en Autriche. Le chancelier Sebastian Kurz a remis son poste en jeu. Et cela a donné un nouvel élan à la politique autrichienne. Mais pour le moment, tout ce que je veux, c'est une explication claire. Si Alain Berset estime qu'il avait des raisons valables d'agir comme il l'a fait, nous aimerions les connaître.
Je suppose que vous vous engagez pour que ces explications soient aussi divulguées au sein de la commission de gestion du Conseil national (CdG).
Bien sûr. Les procès-verbaux de l'audition de Monsieur Berset doivent être rendus publics. Tout comme les échanges qui ont eu lieu entre Peter Lauener et le CEO de Ringier Marc Walder. Et le public devrait aussi avoir accès à ce qui s'est dit entre ce dernier et Alain Berset.
Mais une telle divulgation pourrait couper l'herbe sous les pieds de la justice. Ne faudrait-il pas laisser la place au troisième pouvoir?
Je le répète: nous sommes en crise. La population a perdu foi en Alain Berset. Le rapport de confiance au sein du Conseil fédéral est détruit. Le fonctionnement même de cette autorité collégiale est remis en question. Et la réputation des médias souffre aussi de cette affaire. Une défiance de la population envers la presse ne peut avoir que de mauvaises conséquences. Le quatrième pouvoir doit être indépendant. Dans une telle situation, la transparence est essentielle. Ces procès-verbaux doivent donc être mis sur la table - il en va de l'avenir de notre pays!
Vous avancez que la CdG va rapidement examiner ces fuites. Pourrait-on même créer une commission d'enquête parlementaire (CEP) à cette fin?
L'UDC n'est pas la seule à demander des comptes. Même les Verts en ont assez de ces secrets. Selon mes informations, une majorité veut connaître les dessous de cette affaire. Une CEP a peut-être une chance d'aboutir. Et rappelons que ce n'est pas la première fois qu'une CdG doit se pencher sur les dossiers d'Alain Berset. Des socialistes avouent à demi-mots qu'ils en ont marre, que les actions de leur conseiller fédéral les embarrassent. Ce qui n'est pas étonnant. Cela ne peut pas continuer ainsi! Alain Berset devrait tirer un trait sur le Conseil fédéral.
*La maison d'édition Ringier publie entre autres Blick.