L'avenir de nos retraites se joue à Berne
Assureurs et syndicats s'écharpent sur le taux d'intérêt minimal de la LPP

Employeurs, assureurs et syndicats se réunissent lundi à Berne pour discuter de la prévoyance professionnelle. Le bras de fer s'annonce tendu, notamment au sujet du taux d'intérêt minimal.
Publié: 04.09.2023 à 10:34 heures
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Dernière mise à jour: 04.09.2023 à 11:14 heures
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La Commission fédérale de la prévoyance professionnelle (commission LPP) se réunit ce lundi à Berne afin de discuter de la rémunération du deuxième pilier et du taux d'intérêt minimal
Photo: Keystone
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Peter Aeschlimann

En octobre, le Conseil fédéral déterminera les conditions sous lesquelles nos avoirs de vieillesse dans le deuxième pilier seront rémunérés l'année prochaine.

Mais déjà lundi, la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle (commission LPP) se réunit à Berne afin de préparer une proposition à l'attention du gouvernement. Et on le sait déjà: les exigences des participants à cette commission sont sensiblement différentes. Ainsi, alors que les syndicats insistent pour obtenir un taux d'intérêt minimal de 2% ou plus, les assureurs et les employeurs souhaiteraient réduire le taux d'intérêt minimal à moins de 1%.

L'enjeu est de taille. Le taux d'intérêt des cotisations au cours d'une vie professionnelle détermine à long terme, avec le taux de conversion, le montant de la rente mensuelle de la caisse de pension. Depuis 2017, le taux d'intérêt minimal pour l'avoir obligatoire dans le deuxième pilier est de 1%, alors qu'il était encore de 4% jusqu'en 2002.

Si l'on tient compte du renchérissement et d'autres facteurs conjoncturels, force est de constater que les avoirs ont perdu de la valeur au cours des trois dernières années.

Les banques ont la possibilité de réévaluer les taux d'intérêt, selon les syndicats

Pour les syndicats, ça suffit: le moment est venu de réévaluer les taux d'intérêt. Et ils ont un argument de taille: après des années difficiles au cours desquelles les institutions de prévoyance ont dû prendre de plus grands risques pour gagner de l'argent en raison des taux d'intérêt négatifs, la situation semble désormais beaucoup plus favorable.

De nombreuses banques proposent désormais des placements sans risque à des taux d'intérêt allant jusqu'à 2%. Et leurs bénéfices sur ces intérêts sont florissants! Aussi, «ne pas augmenter le taux d'intérêt minimal de la LPP dans un tel contexte est contraire à toute logique économique», souligne Gabriela Medici de l'Union syndicale suisse. Aldo Ferrari, du syndicat Unia, ne mâche pas non plus ses mots: «Le taux d'intérêt minimal doit augmenter, sinon c'est du vol.»

Mais les institutions de prévoyance s'accrochent. Elles auraient, selon leurs dires, pris un coup dans l'aile en 2022. Cette année-là, la plus mauvaise caisse aurait ainsi perdu 16,2% sur ses placements financiers, la meilleure «seulement» 1%.

Pour Ueli Mettler, président de l'association de consultants en caisses de pension SWIC, il est donc clair qu'il n'y a actuellement «aucun bon argument économique en faveur d'un changement du taux d'intérêt minimal de la LPP».

«Le taux d'intérêt minimal de la LPP se maintiendra près de son niveau actuel»

La commission LPP utilise comme base de discussion une formule compliquée qui tient compte du niveau actuel des taux d'intérêt ainsi que du rendement passé d'une stratégie de placement comprenant 25% d'actions.

Cette formule plaide en faveur d'une baisse du taux d'intérêt minimal d'environ 0,6%. Pour prendre leur décision, les membres de la commission ne tiennent toutefois pas seulement compte des formules mathématiques, mais aussi du contexte politique et social.

De son côté, Simon Tellenbach, du centre de gestion de fortune VZ, balaie tout espoir de voir un jour augmenter significativement le taux d'intérêt minimal. Selon lui, comme les taux de couverture des caisses de pension se sont nettement dégradés depuis fin 2021, la situation financière initiale des caisses de pension est exigeante: «Elles doivent à nouveau constituer des réserves jusqu'à ce qu'elles soient pleinement capables de prendre des risques.» Et de conclure: «Nous partons du principe que le taux d'intérêt minimal de la LPP se maintiendra près de son niveau actuel.»

L'Union patronale suisse avance, avec prudence

Il y a un an, l'Union patronale suisse s'était prononcée en faveur d'un taux d'intérêt minimal de 0,25%. Mais le porte-parole Stefan Heini refuse aujourd'hui de s'avancer quant à une légère augmentation: «De notre point de vue, il est clair qu'une grande prudence est de mise au vu du ralentissement économique qui se dessine en Suisse et dans les espaces économiques importants – en premier lieu aux Etats-Unis – et de la situation qui en découle sur les marchés financiers.»

L'Association Suisse d'Assurances (ASA) ne veut pas non plus se mouiller avant la réunion de lundi: «Pour nous, il est essentiel que la commission LPP puisse mener une discussion objective», déclare le porte-parole Jan Mühlethaler. Selon lui, la loi impose aux institutions de prévoyance de constituer des réserves et de faire les provisions nécessaires. «Dans ce contexte, l'ASA estime que le taux d'intérêt minimal de la LPP a toujours été fixé trop haut ces dernières années», conclut Jan Mühlethaler.

En novembre dernier, le Conseil fédéral a maintenu le taux d'intérêt minimal de la LPP à 1%. Il se défendait alors: «En raison de l'évolution globalement favorable des marchés financiers, une baisse du taux d'intérêt minimal ne se justifie pas. Cependant, les taux d'intérêt toujours bas et les attentes de rendement atténuées ne suggèrent pas non plus actuellement une augmentation du taux.»

Toujours est-il que pour Gabriela Medici de l'Union syndicale, «le moment est venu de relever le taux d'intérêt minimal. Les caisses de pension profitent du revirement des taux d'intérêt et ne répercutent rien sur les assurés. Cela doit cesser maintenant».

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