«Ce n'est pas pire qu'une journée de neige», ironise André Schneider. Devant les journalistes, le directeur général de Genève Aéroport sort cette punchline pour évoquer la période de 4h à 10h durant laquelle aucun avion n'a pu décoller ou atterrir.
Mais il n'est pas le seul à avoir eu la langue bien pendue. Durant ce vendredi de grève, syndicats et patrons se sont envoyés des piques bien senties, à double sens ou emplies de colère. Les voyageurs, eux, n'ont pas manqué de participer au pugilat. Vendredi soir, les deux acteurs ont finalement trouvé un accord pour mettre fin à la grève.
Une prise d'otages?
«La volonté de grève reste le fait d'un tout petit groupe», a par exemple minimisé peu après 12h30 le président du Conseil d'administration de Genève Aéroport, Pierre Bernheim. Lors d'une conférence de presse au goût amer, celui-ci était visiblement peu satisfait du mouvement de sympathie à l'égard des grévistes.
«On ne peut pas continuer à prendre en otage nos clients et nos partenaires», a insisté le président. Une «prise d'otage» dans un aéroport, c'est le scénario d'un film catastrophe, pas d'un mouvement social.
De son côté, le directeur général de Genève Aéroport André Schneider n'y est pas non plus allé avec le dos de la cuillère. Il estime que son équipe a montré à plusieurs reprises son ouverture au dialogue, sans réponse. «Nous nous heurtons à une position très dogmatique. Ils ne voient aucune possibilité de faire un pas vers nous», a déclaré celui qui a présenté ses propositions au personnel en matinée, avant de repartir sous les huées.
Juste de quoi faire passer la pilule
Une table-ronde en septembre pour discuter des conditions de travail et une prime de participation indexées sur les bénéfices réalisés par l'aéroport: telle était la teneur des termes de la désescalade proposés par Genève Aéroport vendredi matin.
«Quelques mesures d'accompagnement pour mieux faire passer la pilule», a commenté Jamshid Pouranpir, secrétaire syndical du SSP. À main levée, la poursuite de la grève avait été votée à la quasi-unanimité pour vendredi, a-t-il précisé.
Les grévistes se sont rendus visibles par des pancartes devant l'entrée du terminal. «Je ne suis pas une variable d'ajustement économique», pouvait-on lire sur une banderole. Le plan salarial initialement prévu par la direction a été qualifié de «scandale» par les syndicats.
La Suisse prendrait exemple sur la France
Coincés dans ce duel entre employés et employeur, les voyageurs passant par Cointrin ont eu le loisir de choisir leur camp. Face aux annulations et aux retards, certains se sont montrés compréhensifs à l'égard des grévistes. D'autres ont laissé exploser leur amertume, face aux journalistes ou sur les réseaux sociaux.
Un voyageur suisse en partance pour Nice et dont le vol est apparemment annulé raconte à Blick: «C'est incompréhensible. Sur mon application, le boarding pass indique que mon vol part toujours.» Ce quinqua vacancier se rend auprès d'une amie. Il assure qu'il n'est pas trop grave pour lui de prendre un avion plus tard dans la semaine, mais se montre véhément envers les employés ayant grippé la machine. «Je ne comprends pas les grévistes et leurs revendications. La Suisse est en train de devenir comme la France. Les grévistes n'ont aucune raison valable de se mettre en grève!»
Les observateurs externes étaient aux loges d'un spectacle historique: la première grève de l'histoire de Genève Aéroport pour les employés de droit public.
Les frontaliers travaillant à l'aéroport n'étaient pas en odeur de sainteté. Certaines discussions ont dérapé sur des considérations francophobes.
La veille, à quelques heures de la pagaille, une célébrité de Twitter mentionnait justement la ville du bout du lac dans un message absurde à fort caractère humoristique. Genève avait assurément sa place sur la plateforme à l'oiseau bleu en ce jour de grève.