Une sensation! À Strasbourg, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a tranché ce mardi. La politique climatique de la Suisse a violé les droits à la vie et à la santé des «Aînées pour la protection du climat». C'est la première fois que la CEDH condamne un État pour ne pas avoir suffisamment lutté contre le réchauffement climatique. Après huit ans de procédure, l'association, composée de plus de 2000 retraitées âgées en moyenne de 73 ans, obtient une victoire historique. Interview à chaud avec sa coprésidente et ancienne conseillère nationale genevoise verte (2013-2015) Anne Mahrer.
Anne Mahrer, vous vous attendiez à une telle victoire?
Nous nous attendions à un résultat positif. Là, c’est vrai que c’est très positif! Ce verdict est très important, une décision qui nous réjouit. Nous sommes très émues.
C’est le résultat d’une longue procédure. Vous aviez été déboutées tour à tour par le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC), puis par le Tribunal fédéral en 2020, avant de porter l’affaire devant la CEDH.
C’est un magnifique accomplissement. Effectivement, c’était un marathon de huit ans qui a porté ses fruits, puisque la CEDH reconnaît qu’il y a eu des fautes dans la mise en œuvre de mesures suffisantes pour lutter contre le changement climatique. Donc, qu’il y a eu violation de la Convention européenne. C’est un verdict très important et une première.
Vous aviez déjà été des pionnières avec les «Aînées pour le climat» dès le début de votre engagement en 2016.
Oui, en déposant une requête en Suisse, puis en l’amenant jusqu’à la CEDH. En 2022, notre requête a été renvoyée à la grande chambre et ses 17 juges, réservée à des procédures exceptionnelles. Tout simplement incroyable! Lors de l’audience, le 29 mars 2023, Jenny Sandvig, une représentante norvégienne du réseau européen des institutions nationale des droits de l’homme, s’est adressée aux membres de la Cour en leur disant: «Peu de personnes ont le pouvoir de changer le cours de l’histoire, vous, vous l’avez.» Elle a été entendue. Ils l’ont fait et nous avons écrit l’histoire.
Et que ressent-on?
C’est très fort. C’est magnifique. Cela donne le sentiment d’avoir accompli quelque chose. Par seulement pour nous. Mais pour les générations futures. Et ça, je l’ai dit aux jeunes Portugais extrêmement déçus qui étaient aussi présents aussi à Strasbourg.
Ces six étudiants dont la requête, dirigée contre 32 pays afin de les forcer à respecter leurs obligations climatiques, a été jugée irrecevable par la CEDH?
Oui, je les ai embrassés très fort et leur ai dit que notre victoire était aussi la leur, car cette décision fait jurisprudence. L’ensemble des pays du Conseil de l’Europe y sont soumis, dont la Suisse, qui est très loin — très loin — de ce qu’elle devrait faire en matière de politique climatique.
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L’an dernier, à l’issue de l’audience à la CEDH, vous aviez déclaré: «Les juges nous ont vues et nous ont entendues. À eux de faire le job, puisque le gouvernement suisse ne le fait pas.» Qu’attendez-vous de la Suisse dorénavant?
Qu’elle mette en œuvre les décisions de la Cour. Ces arrêts sont contraignants et nous allons nous y intéresser de près. On ne va pas rester les bras ballants à attendre. Ce qu’on n’a jamais fait durant ces huit dernières années.
Donc, la retraite, ce n’est pas pour tout de suite?
Ah non. Tant qu’on a la santé et l’énergie, on va continuer à rester attentive et à se battre!
Vous avez été conseillère nationale (Les Vert-e-s/GE), peut-on dire que vous tenez votre plus belle réussite politique?
J’ai envie de dire oui. Cette victoire, même si elle n’est pas à proprement parler «politique», aura des incidences politiques. C'est certain.