Alain Berset est-il coresponsable de «l’inaction climatique» qui vaut à la Suisse d’être le premier État au monde condamné pour ce motif par une cour internationale? En théorie, la réponse est évidemment oui. Durant son long passage au Conseil fédéral, le Fribourgeois a été associé à toutes les politiques de la Confédération en ce qui concerne la lutte (jugée insuffisante) contre le réchauffement de la planète.
Le voici donc, après ce jugement, lesté d’une bien lourde valise sur la route de Strasbourg où il espère toujours décrocher le poste de secrétaire général du Conseil de l’Europe, lors de la session de son assemblée parlementaire qui aura lieu du 24 au 28 juin 2024 dans la capitale alsacienne.
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La bataille politique en cours vient, en effet, avec cette décision historique des juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), de prendre un virage difficile à négocier pour l’ancien chef du Département fédéral de l’Intérieur. La CEDH dépend du Conseil de l’Europe, cette institution aux 46 pays membres, dont le siège et l’hémicycle se trouvent à quelques centaines de mètres de ses salles d’audience.
C’est aux ministres représentant les pays membres de ce conseil de ce conseil que reviendra la supervision des mesures exigées de la Suisse pour remédier à ses manquements. Imaginer que les adversaires d’Alain Berset, l’Estonien Indrek Saar et le Belge Didier Reynders, se priveront d’agiter ce chiffon rouge du possible conflit d’intérêts lors de la dernière ligne droite de leur campagne, n’est dès lors pas réaliste. La condamnation historique de la Suisse, à propos de laquelle l’actuelle présidente de la Confédération s’est dite «surprise», est assurée de laisser des traces diplomatiques.
Une victoire claire et nette
«Obtenir une victoire aussi claire, aussi nette, avec des développements juridiques aussi courageux de la cour, c’est vraiment une immense satisfaction» s’est félicité à Strasbourg, le conseiller national vert vaudois Raphaël Mahaim, membre du collectif d’avocats des Ainées pour le climat.
Traduisez: ce jugement, sur lequel vont maintenant se pencher toutes les organisations écologistes de la planète, est potentiellement un formidable levier pour une CEDH très souvent pilonnée par les critiques pour ses condamnations des États en matière de gestion des migrants. La Suisse et son gouvernement, en conséquence, vont devenir un terrain de jeu et d’affrontement juridique dont le Conseil de l’Europe sera aussi le théâtre. Ce qui rend encore plus compliqué, pour Alain Berset, d’aller chercher les voix indispensables à sa nomination.
Société civile
La Cour européenne des droits de l’homme est indépendante. La décision de sa grande chambre composée de 17 juges, qui ne peut pas faire l’objet d’un appel, va être évidemment soumise à interprétation. Mais comment justifier, désormais, que certains des 27 pays de l’Union européenne portent leur voix sur Alain Berset, alors que l’actuel Commissaire européen à la justice est en lice pour diriger le Conseil de l’Europe, après avoir raté la marche du secrétariat général en 2019?
La mobilisation des partis verts, des organisations écologistes issues de la société civile, et aussi celle des médias, seront dans les prochaines semaines de terribles chambres d’écho pour le candidat d’une Helvétie aujourd’hui fustigée.