Documentaire de la RTS
En immersion avec le DRA 10

Pour la première fois, des caméras de la RTS ont pu suivre le Détachement de reconnaissance de l'armée 10. Une immersion dans le secret le mieux gardé de l'armée suisse, dont Blick a pu suivre les coulisses. Reportage.
Publié: 04.11.2022 à 06:10 heures
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Dernière mise à jour: 04.11.2022 à 08:27 heures
Les caméras ont tourné durant deux ans pour ce reportage exceptionnel.
Photo: Ruedi Weiss
Ruedi Weiss

Le Super Puma plane à dix mètres au-dessus du niveau de l'eau. La porte latérale s'ouvre et laisse apparaître Philippe*. Le jeune homme de 25 ans s'assied sur le seuil de la porte, ajuste sa tenue de combat et saute dans le vide. Il est suivi par trois camarades.

Les rotors du Super Puma agitent l'eau, ce qui complique l'intervention.
Photo: Ruedi Weiss

Les quatre hommes sont de futurs soldats d'élite du Détachement de reconnaissance de l'armée, le fameux DRA 10. Ces jours, ils s'entraînent à sauter dans le lac Majeur depuis le Super Puma des Forces aériennes suisses dans le cadre de leur formation de base.

Le DRA 10 est le secret le mieux gardé de l'armée suisse. Il a été créé en 2004 en tant que partie du Commandement des forces spéciales (CFS) et est spécialisé dans la «libération et le rapatriement de Suisses de régions en crise à l'étranger». Pour la première fois, la RTS a réussi à suivre cette unité spéciale avec des caméras. Des équipes de «Temps Présent» ont ainsi pu réaliser un film exceptionnel, sous la direction du réalisateur Mauro Losa.

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Sur ordre du Conseil fédéral

Les soldats d'élite du DRA 10 ont été engagés pour la dernière fois il y a deux semaines, lorsqu'ils ont accompagné le président de la Confédération Ignazio Cassis en voyage surprise en Ukraine, où il a notamment rencontré le président Volodymyr Zelensky.

Les soldats du DRA 10 ont permis la rencontre entre les deux hommes d'Etat.
Photo: Twitter/Ignazio Cassis

Il s'agissait de la deuxième (en tout cas officiellement) intervention dans une zone de guerre pour le DRA 10 cette année, puisque l'unité d'élite avait déjà fait les gros titres fin février en emmenant l'ambassadeur suisse Claude Wild et d'autres collaborateurs de l'ambassade hors de Kiev pour les mettre en sécurité. Les engagements du DRA 10 doivent être autorisés par le Conseil fédéral et sont soumis au contrôle politique des Commissions de la politique de sécurité et de la politique extérieure de l'Assemblée fédérale.

La procédure d'autorisation n'est pas allée aussi loin pour le cinéaste romand Mauro Losa. Mais le réalisateur de 55 ans n'a pas pu agir à sa guise. «Les informations sensibles sur le DRA 10 restent secrètes pour protéger la sécurité opérationnelle et personnelle», explique à Blick Nicola Guerini, commandant du commandement des forces spéciales.

Mauro Losa, 55 ans, a réalisé le documentaire pour «Temps Présent».
Photo: Ruedi Weiss

Mauro Losa n'avait donc pas le droit de filmer les «vraies» missions des soldats d'élite. Il n'était pas non plus autorisé à communiquer dans le film des informations sur la technique et la tactique d'intervention de la troupe. Les détails sur les missions effectuées par cette unité spéciale et les informations sur les soldats devaient également rester secrètes.

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Malgré ces grandes restrictions, Mauro Losa et son équipe de tournage ont réussi à suivre cette troupe d'élite pendant plus de deux ans et à capturer son quotidien. «Cela n'avait jamais été filmé auparavant et reste méconnu du public suisse», s'enthousiasme le réalisateur. Pour lui, il était important de montrer dans le film que la Suisse «dispose d'une unité spéciale professionnelle et efficace capable d'intervenir à l'étranger».

Les «rambos» ne sont pas les bienvenus

Comment intègre-t-on le DRA 10? «Celui qui veut faire partie de notre équipe doit avoir des capacités mentales et physiques supérieures à la moyenne et s'engager à 100% dans les objectifs de nos missions», explique Alain*, 53 ans. Il est instructeur au DRA 10. «Quiconque voudrait jouer les Rambo n'a rien à faire chez nous».

Les soldats voguent vers leur mission du jour.
Photo: Ruedi Weiss

Le jour de notre visite, Alain dirige la leçon d'instruction sur les amphibiens dans un lieu tenu secret au Tessin. Il s'agit d'une attaque de six futurs soldats d'élite depuis l'eau sur une position à terre. La troupe est assise dans le canot pneumatique, prête à intervenir, et attend le signal. Sitôt qu'il le décide, Alain envoie ses hommes lourdement armés dans l'eau.

L'un d'entre eux s'appelle Marc *. A 29 ans, il a franchi avec succès une procédure de sélection exigeante. Depuis neuf mois, ce diplômé en gestion d'entreprise peut donc suivre la formation de base pour le DRA 10. Marc ne donne pas d'autres informations sur sa personne. Seuls les membres de sa famille et un cercle d'amis très restreint savent qu'il fait partie de cette unité spéciale. «Pour tous les autres, je suis simplement un soldat professionnel de l'armée suisse», explique-t-il. Il considère cette «transparence dosée» sur sa personne et son activité professionnelle comme un «exercice d'équilibriste», comme il le dit.

Une extrême protection est de mise au sujet des membres du DRA 10.
Photo: Ruedi Weiss

Mais c'est nécessaire. Pour sa protection et celle de l'unité. Pour lui, les tâches qui incombent au DRA 10 en cas d'urgence sont «stimulantes et exigeantes sur le plan physique et mental, surtout si l'on doit résoudre les tâches avec des méthodes non conventionnelles». C'est le cas de l'unité d'exercice amphibie d'aujourd'hui: le point culminant, pour Marc et ses collègues, sont des sauts depuis l'hélicoptère dans le lac Majeur, suivis d'un vol de retour sur la corde de sauvetage, bien au-dessus de l'eau, pour revenir à la base de l'aérodrome de Locarno.

Une caméra sur un soldat

«Filmer ces scènes était particulièrement difficile», raconte Steven Blatter. Ce caméraman indépendant de 44 ans a tourné au Tessin aux côtés du réalisateur Mauro Losa. «Les rotors de l'hélicoptère faisaient tourbillonner énormément d'eau dans l'air et créaient de hautes vagues. Pour filmer, on privilégie plutôt les situations calmes...

C'est la première fois qu'une équipe de télévision a pu suivre le DRA 10.
Photo: Ruedi Weiss

Mais Mauro Losa et son équipe ont mis du leur pour capturer les scènes les plus captivantes possibles: le quinquagénaire a lui-même sauté dans l'eau avec une caméra étanche pour accompagner les soldats alors qu'ils mettaient en scène une attaque sur une position à terre.

Et, afin de capturer les sauts de l'hélicoptère dans l'eau de la manière la plus réaliste possible, le réalisateur a attaché une petite caméra manuelle à la ceinture d'un soldat prêt à sauter dans l'hélicoptère et chargé de diverses armes et ustensiles de survie, afin que la phase de vol de l'hélicoptère dans l'eau soit également documentée dans le film.

De moins en moins de critiques

Malgré le secret qui l'entoure, le DRA 10 n'obtient pas toujours le feu vert pour ses missions: en 2009, par exemple, des plans secrets visant à libérer l'homme d'affaires suisse Max Göldi, retenu en otage en Libye, ont été abandonnés.

Et en 2020, le DRA 10 devait protéger la représentation de la Direction du développement et de la coopération (DDC) à Kaboul. Mais cela n'a pas eu lieu non plus, car les médias ont rendu les plans publics, ce qui a conduit le Parlement à rejeter l'intervention.

En raison de tels «incidents», l'unité spéciale a parfois été politiquement controversée. Depuis les deux derniers engagements en Ukraine, qui se sont achevés avec succès, les voix critiques contre cette unité la plus secrète de l'armée suisse se sont apaisées.

La mission du jour des soldats: se glisser directement vers une cible terrestre depuis l'eau.
Photo: Ruedi Weiss

*Noms modifiés par la rédaction

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