Une enquête du «Tages-Anzeiger» le révélait ce lundi: dans le cadre de nombreuses initiatives et référendums, des signatures ont été inventées, falsifiées ou copiées à grande échelle.
De nombreuses initiatives populaires en Suisse dépendent de collecteurs de signatures rémunérés pour atteindre le seuil requis de 100'000 signatures. Selon l'enquête, certains de ces collecteurs auraient recours à des pratiques frauduleuses systématiques pour remplir leurs quotas. Le Ministère public de la Confédération mène «plusieurs procédures pour soupçon de falsification de scrutin» contre différentes personnes physiques et contre des inconnus. La falsification inclut l'utilisation d'adresses inexistantes, de dates de naissance incorrectes et même la copie intégrale de feuilles de signatures provenant d'anciennes initiatives.
L'enquête porte sur des collecteurs et des collectrices de plusieurs entreprises qui collectent des signatures à des fins commerciales.
Service-Citoyen dépose plainte contre Incop
Bien que les autorités n'aient pas divulgué les noms des entreprises impliquées, la société Incop est explicitement mentionnée dans le rapport. Noémie Roten, co-présidente de l'initiative Service Citoyen, a découvert un nombre alarmant de signatures frauduleuses lors de la vérification interne. Incop avait proposé à son comité 10'000 signatures «validées» en un mois au prix de 4,50 francs par signature. Confrontée, une collectrice de signatures de Suisse romande a admis avoir copié des feuilles entières en collaboration avec d'autres collecteurs.
Soupçonnant une falsification électorale à grande échelle, Service Citoyen a déposé le 14 juin 2023 une plainte pénale auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) contre la société Incop, contre Franck Tessemo personnellement et contre X. Franck Tessemo n'a pas pris position auprès du «Tages-Anzeiger».
L'une des plaintes pénales sur le sujet émane de la Chancellerie fédérale. Les annonces de cas suspects concerneraient une douzaine d'initiatives populaires fédérales, selon son porte-parole Urs Bruderer.
Des cas de fraude depuis 2019
De nombreuses organisations suisses de collecte sont basées en Suisse romande, comme dans le canton de Vaud. Selon Vincent Duvoisin de l'administration cantonale vaudoise, les premiers signalements de fraude des communes auraient été reçus début 2019. Les cas seraient ensuite devenus de plus en plus nombreux. Le canton fournit également une liste d'une douzaine d'initiatives populaires pour lesquelles le plus grand nombre de fausses signatures a été constaté.
On y trouve par exemple l'initiative pro-nucléaire «Stop au black-out», l'initiative de l'UDC sur la neutralité, l'initiative sur l'élevage intensif, et l'initiative pour l'interdiction d'importer des produits à base de fourrure fabriqués dans des conditions cruelles pour les animaux.
L'ampleur du problème reste floue
Personne ne sait exactement quelle est l'ampleur réelle du problème. Selon Vincent Duvoisin, plusieurs milliers de fausses signatures ont été découvertes depuis 2019 dans le seul canton de Vaud. Mais elles pourraient être bien plus nombreuses en réalité, car une grande partie passerait entre les mains des communes.
«Nous devons partir du principe que nous avons voté ces dernières années sur quelques initiatives populaires qui n'auraient jamais dû aboutir», explique Marc Wilmes. L'homme possède une petite entreprise qui, après la collecte des signatures, pré-contrôle les feuilles, les trie, puis les envoie aux communes pour qu'elles les authentifient.
Selon le «Tages-Anzeiger», la Chancellerie fédérale ne partage toutefois pas cette appréciation. Elle écrit: «Le nombre d'indices ne permet pas de conclure que des référendums ou des initiatives auraient été soumis au vote avec moins de signatures valables que celles exigées par la loi.»
Balthasar Glättli veut être actif
Les premières réactions politiques ne se sont pas fait attendre. Ainsi, le conseiller national des Vert-e-s Balthasar Glättli voit le problème dans la collecte de signatures à titre professionnel. Il annonce donc sur X que son parti tentera de faire interdire cette pratique le plus rapidement possible.
Le conseiller national socialiste lucernois David Roth a, lui aussi, partagé sa frustration: «Ces entreprises sapent la confiance dans les partis. Arrêtons-les.» Le président des Vert'libéraux Jürg Grossen se montre lui aussi alarmiste: «Le Conseil fédéral ne doit pas faire voter sur une initiative populaire dont il doit supposer qu'elle a été lancée à tort», déclare-t-il à Blick.
Si le gouvernement savait effectivement que la prochaine initiative «Blackout» n'avait pas 100'000 signatures valables, «nous ne devons pas voter sur cette initiative», demande Jürg Grossen.