Depuis plusieurs semaines, l'UDC fait campagne sur son thème fétiche: l'immigration. Elle a présenté ce jeudi sa nouvelle position sur la politique migratoire. Le parti demande notamment qu'il n'y ait plus de procédure d'asile en Suisse, que les migrants ne reçoivent plus d'aide sociale et que les naturalisations ne se fassent qu'à l'essai. Une personne naturalisée qui se rendrait coupable d'un crime devrait ainsi perdre sa nationalité suisse, estime l'UDC.
Pour elle, le pays doit clairement devenir moins attractif pour les immigrés. Ces derniers seraient responsables de la plupart des difficultés rencontrées par la Suisse. Vérité ou paroles en l'air? Blick fait le point.
Bientôt plus de 10 millions d'habitants en Suisse?
La Suisse est actuellement soumise à une pression migratoire sans précédent, peut-on lire dans la prise de position de l'UDC. Le parti craint que le chiffre des dix millions d'habitants soit bientôt atteint. Sur ce point, il a raison: si la population résidente a augmenté de 1,5 million de personnes depuis l'an 2000, c'est en raison de l'immigration. Il existe même des scénarios au niveau fédéral qui prévoient plus de 10 millions d'habitants d'ici à 2034. Mais les experts doutent de cette estimation. Le démographe Hendrik Budliger déclare ainsi à Blick: «Il est plus probable que nous ne dépassions jamais les 10 millions.»
Peu de spécialistes sur le marché du travail?
Pour l'UDC, une grande partie des immigrés sont «des personnes non qualifiées». Quatre immigrés sur cinq ne sont effectivement pas des spécialistes dans leur domaine d'activité, d'après une étude couvrant les années 2007 à 2016. Mais depuis, la Suisse a introduit la priorité des travailleurs indigènes et l'obligation d'annoncer les postes vacants. Elle a aussi adapté les contingents pour les pays tiers. Selon la dernière enquête suisse sur la population active, plus de 51% des actifs immigrés en provenance de l'UE disposent d'un diplôme de niveau tertiaire, seuls 8% sont considérés comme des auxiliaires.
Les étrangers bénéficient davantage de l'aide sociale
L'UDC évoque la volonté pour les immigrants de venir «vers un État social». Il faut dire que les Suisses bénéficient nettement moins souvent de l'aide sociale (2%) que les étrangers (6,1%). Le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale vivant en Suisse en tant que réfugiés ou personnes admises à titre provisoire a en outre augmenté.
Les immigrés responsables de la crise du logement?
Dans les grandes villes comme Zurich ou Genève, la dure réalité de la pénurie de logement se fait sentir. Selon l'UDC, les immigrés sont responsables de la situation. Le parti se réfère à une étude du Credit Suisse qui cite «la forte immigration persistante et l'afflux de réfugiés comme deux des principaux facteurs de la pénurie de logements». Oui, l'immigration aggrave la crise du marché du logement. Mais l'étude dit aussi que l'on construit massivement moins de logements qu'il y a quelques années. Cela est notamment dû à la hausse des taux d'intérêt, aux règles de construction et aux oppositions.
Le prix de l'électricité augmente-t-il à cause de l'immigration?
Toujours selon l'UDC, l'immigration nécessite davantage d'électricité et augmente ainsi le prix de cette dernière. Mais le parti ne tient pas compte du fait que c'est avant tout la guerre en Ukraine qui a fait grimper les prix et que de nombreuses centrales nucléaires françaises sont tombées en panne. Il a toutefois raison lorsqu'il constate qu'il y a toujours plus de besoins en électricité en Suisse.
Un système d'asile qui coûte des milliards
L'UDC écrit que la Confédération a eu des dépenses d'asile de 1,5 milliard de francs en 2021. Pour 2023, quatre milliards sont même prévus au budget. Ces chiffres se réfèrent probablement au budget du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM). Celui-ci présente des coûts d'asile de 1,2 milliard pour 2021 - 300 millions de moins. Pour 2023, 2,1 milliards supplémentaires ont en fait été budgétés, en raison de la guerre en Ukraine.
Les étrangers sont-ils responsables de la criminalité?
«La Suisse a un problème non résolu avec la criminalité des étrangers», écrit l'UDC en joignant un graphique de l'Office fédéral de la statistique. Selon celui-ci, à peine 23,1% des personnes en détention préventive ou de sécurité seraient suisses. Ces données existent effectivement, mais la majeure partie des détenus sont en réalité des étrangers sans permis de séjour. Il s'agit d'une sorte de tourisme criminel, sans que les personnes concernées entrent directement dans les données de l'immigration.
L'UDC a toutefois raison lorsqu'elle constate que sur les 67'286 prévenus en 2021, 60,7% étaient des citoyens suisses et 39,3% des étrangers, soit nettement plus que la proportion globale des étrangers dans la population, qui est d'environ 25%. Dans les prisons suisses, la proportion d'étrangers est également très élevée en comparaison européenne, avec environ 70%.
Trop de naturalisations?
Ah l'UDC et les graphiques! Le parti recourt régulièrement à des astuces pour maquiller les évolutions. Le nouveau graphique sur la migration en est le parfait exemple. Le graphique sur les «naturalisations en masse» donne l'impression que la Suisse offre de plus en plus sur le passeport rouge. Il est vrai que plus d'un million de personnes ont été naturalisées au cours des 30 dernières années. Mais il n'y en a pas plus chaque année, comme le suggère l'UDC. Depuis deux décennies, les chiffres oscillent entre 30'000 et 40'000 par an.