Berne a connu un petit séisme ce mercredi: Jean-Daniel Ruch n'entrera pas en fonction au poste de secrétaire d'Etat à la politique de sécurité – il serait lui-même un risque pour la sécurité. Mais ça ne s'arrête pas là: parallèlement, le secrétaire général Toni Eder du Département de la défense (DDPS) de Viola Amherd quitte son bureau. Celui-ci faisait partie de la commission de recherche du secrétaire d'Etat à la sécurité. Le moment de son départ est toutefois purement fortuit, entend-on.
Jean-Daniel Ruch, actuellement ambassadeur de Suisse en Turquie, aurait dû prendre ses nouvelles fonctions le 1er janvier 2024. Mais il n'en sera rien, rapporte la radio SRF. Cette information corrobore les informations dont Blick dispose déjà: selon différentes sources, le fait que rien ne se fasse est lié à des éléments de la vie de Jean-Daniel Ruch. Ce dernier pourrait apparemment être soumis à un chantage, dit-on. Le DDPS ne veut pas s'exprimer plus en détail sur le départ abrupt de Jean-Daniel Ruch.
Viola Amherd devra informer ce mercredi ses collègues du Conseil fédéral que Jean-Daniel Ruch ne pourra finalement pas prendre son poste. Un revers cuisant pour la ministre de la Défense, qui advient juste après les élections parlementaires.
Des clarifications en arrière-plan
Depuis les attaques du 7 octobre contre Israël, la proximité de Jean-Daniel Ruch avec le Hamas a fait l'objet de nombreuses critiques dans les médias. Mais cela vient aussi du fait qu'il était chargé par l'ancienne ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey de chercher le dialogue avec le mouvement islamiste.
Mais de l'avis de nombreux observateurs, Jean-Daniel Ruch aurait mené ce dialogue de manière trop unilatérale en faveur du Hamas. Lorsque le conseiller national UDC Alfred Heer a qualifié le comportement de Jean-Daniel Ruch d'inacceptable en raison de ses amitiés avec le Hamas il y a deux semaines, la Confédération ne partageait pas (encore) ce point de vue.
En arrière-plan, des investigations étaient néanmoins en cours sur le comportement de l'ambassadeur, qui aurait évincé la favorite Pälvi Pulli, la cheffe de la politique de sécurité au DDPS, peu appréciée dans les milieux UDC. Par ailleurs, au moins un candidat appartenant à l'UDC aurait également été battu par Jean-Daniel Ruch lors de la procédure de sélection parmi 39 candidatures.
L'ex-chef des services secrets et la cheffe de Fedpol se sont trompés
La recommandation de la commission de sélection aurait été déterminante. Outre Toni Eder, membre du parti du Centre d'Amherd, son suppléant au secrétariat général du DDPS, Marc Siegenthaler en faisait également partie.
Le secrétaire général du Département des affaires étrangères, Markus Seiler (PLR) – l'ancien chef des services secrets – était également de la partie. Mais l'actuelle directrice de l'Office fédéral de la police (Fedpol), Nicoletta della Valle (PS), était elle aussi à bord. La commission de sélection a été complétée par Béatrice Métraux (Les Vert-e-s), ancienne conseillère d'État du canton de Vaud.
Le fait qu'une commission aussi prestigieuse, y compris l'ancien chef du Service de renseignement de la Confédération (SRC), se soit apparemment terriblement trompée sur Jean-Daniel Ruch, ne donne pas une bonne image du personnel dirigeant de l'administration fédérale.
Selon les informations de Blick, Ignazio Cassis, du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), avait toujours signalé au DDPS que «tout était au vert» avec leur ambassadeur à Ankara, qui avait auparavant travaillé comme ambassadeur suisse à Tel Aviv en Israël.
Le like sur Linkedin n'a pas été la cause du départ
Le fait que Jean-Daniel Ruch ait, peu de temps après sa nomination, liké un post sur le réseau social Linkedin d'un ex-diplomate qui critiquait la «ministre de la guerre» Viola Amherd avait déjà fait parler de lui.
Mais le départ avant l'entrée en fonction aurait été motivé par des raisons plus profondes. Apparemment si vastes que même le secrétaire général du DDPS, Toni Eder, ne puisse plus être retenu.
Contrairement à son prédécesseur Samuel Schmid, la ministre de la Défense Viola Amherd a retiré son haut fonctionnaire avant même qu'il n'entre en fonction. Déjà avant elle, Samuel Schmid avait trébuché sur son chef de l'armée Roland Nef pour ne pas l'avoir assez examiné.
La guerre en Ukraine a été le déclencheur
Le Secrétariat d'Etat à la politique de sécurité (Sepos) doit commencer son travail dès l'année prochaine et tenir compte du besoin accru de coordination entre les services impliqués. En collaboration avec le Service de renseignement de la Confédération, l'Office fédéral de la police et les services compétents du Département fédéral des affaires étrangères, il devra analyser la situation nationale et internationale en matière de sécurité.
C'est la guerre en Ukraine qui a donné l'impulsion au nouveau secrétariat d'Etat, avait déjà expliqué la ministre de la défense Viola Amherd en avril: «Cette guerre nous montre qu'il est urgent d'agir». Outre les moyens militaires, les guerres sont de plus en plus menées avec des moyens hybrides. Elles comprennent désormais les cyberattaques, la désinformation, l'influence, les tentatives de pression ou le chantage, voire les opérations clandestines. La Suisse notamment constate une augmentation des cyberattaques. Il est donc crucial d'unir les forces.
Mais la structure exacte du nouveau secrétariat d'État et les tâches qu'il devra accomplir en détail n'étaient pas connues jusqu'à présent. Le départ brutal de Jean-Daniel Ruch pourrait entraîner des retards.