«C’est une gifle pour les femmes»
Le supplément de rente AVS pourrait ne pas être adapté à l'inflation

Les femmes devront travailler plus longtemps. Un supplément de rente leur a été proposé en compensation. Mais Alain Berset va présenter une ordonnance qui exclut l'indexation de ce supplément de rente au renchérissement. Explications.
Publié: 24.03.2023 à 07:59 heures
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Dernière mise à jour: 24.03.2023 à 09:26 heures
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Le Conseil fédéral et son ministre compétent Alain Berset ne veulent pas adapter au renchérissement le supplément de rente pour les femmes.
Photo: AFP
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Ruedi Studer

La réforme de l’AVS a été adoptée de justesse en votation, mais clairement contre une majorité de femmes. Elles devront à l’avenir travailler jusqu’à 65 ans. Une génération de transition de neuf ans recevra en compensation un supplément de rente pouvant aller jusqu’à 160 francs par mois.

Il pourrait toutefois s’agir d’une très maigre compensation. Le ministre de l’Intérieur Alain Berset veut exclure ce supplément de rente de l’évolution des salaires et des prix. Cette mesure est prévue dans la nouvelle ordonnance sur l’AVS, en consultation jusqu’à vendredi. Ce qui signifierait que, même en cas de renchérissement majeur, ce supplément de rente ne serait pas adapté. Il resterait donc fixe, même si la vie devait devenir bien plus chère en Suisse. Et rappelons que, l'année dernière, l'inflation était de 2,8%.

Les suppléments de rente perdent de leur valeur

«C’est une gifle pour les femmes concernées, déclare sans ambages la directrice de Travail.Suisse Edith Siegenthaler. Selon l’évolution de l’inflation, les suppléments de rente perdraient beaucoup de valeur, et le pouvoir d’achat diminuerait.»

La faîtière syndicale a calculé l’ampleur de ladite perte de valeur. Pour une durée de vie de 22 ans après la retraite et un renchérissement moyen de 2%, le supplément perdrait plus d’un tiers de sa valeur, et même près de la moitié en cas de hausse des prix de 3%. «Une fois de plus, on économise sur le dos des femmes», charge la syndicaliste.

Rappelons que le Conseil fédéral et le Parlement ont déjà refusé aux retraitées la pleine compensation du renchérissement de l’AVS. Pour Edith Siegenthaler, l’exécutif et le législatif poursuivent leur volonté d’économie en pénalisant les femmes. «Alors qu’il s’agit précisément de la génération féminine qui a déjà été désavantagée, tonne-t-elle encore. Alors qu’elle a déjà perçu des salaires sensiblement plus bas simplement en raison de son genre.»

Pas de thème dans la campagne de votation

Pourtant, les rentes AVS ordinaires doivent normalement être adaptées tous les deux ans à l’évolution des salaires et des prix. Elles sont soumises à ce que l’on appelle l’indice mixte.

Comment les services d’Alain Berset justifient-ils cette étrange exception? Ce supplément serait «versé en dehors du système des rentes», selon les documents mis en consultation. «Une fois fixé, le supplément de rente est donc versé sans changement pendant toute la durée de perception de la rente de vieillesse», indique encore le texte.

Interrogé à ce sujet, l’Office fédéral des assurances sociales confirme que, sans cette spécificité, le Parlement aurait dû étendre l’indice mixte au supplément de rente. «Ce qui n’a volontairement pas été fait», admet-il.

Une différence qui n’a pourtant pas été énoncée dès le début. Il n’a jamais été question, ni dans les débats aux Chambres, ni dans la campagne de vote, que la compensation du renchérissement ne s’applique pas au supplément de rente. Le document «Ce que la réforme signifie pour les femmes», publié par la Confédération en amont de la votation, n’en dit pas un mot. Il était même souligné dans un autre texte que le supplément de pension resterait en dehors du système de pension, afin qu’il ne soit pas soumis au plafonnement des couples. Un retournement de veste surprenant.

Clause interprétée contre les femmes

C'est précisément ce qui fâche les Vert-e-s. «Lors de l’élaboration des mesures de compensation, le législateur a explicitement veillé à ce que les suppléments ne soient pas soumis au plafonnement.» Or, le Conseil fédéral «utilise maintenant cette même clause au détriment des femmes issues de la génération de transition», déplore le parti écologiste.

Edith Siegenthaler partage cet avis. Elle juge l’argumentaire des autorités caduc. «Le Conseil fédéral laisse tout bonnement tomber les femmes, tonne-t-elle. Alain Berset doit corriger le projet de toute urgence!»

Qu’en disent les organisations de défense des seniors? L’association Pro Senectute plaide bien sûr pour l’application de l’indice mixte. Nombre des femmes concernées «n’ont souvent pu effectuer que de faibles versements dans le deuxième pilier en raison des circonstances sociales durant leur période de cotisation active», pointe-t-elle du doigt. Il serait donc essentiel de lutter contre une dévalorisation des suppléments par une adaptation régulière.

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