En allemand, ce tweet a été vu près de 50'000 fois et a animé les réseaux sociaux outre-Sarine durant le week-end de l'Ascension. Son contenu: «Nous devons urgemment faire le ménage dans les universités!» Son auteur? Andreas Glarner, conseiller national UDC, l'un des politiciens les plus à droite de Suisse et un provocateur-né.
La raison du courroux de l'Argovien? Une interview de Vincent Kaufmann, professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), publiée vendredi par Blick, en deux langues.
L'expert, spécialisé en sociologie urbaine et en analyse des mobilités, y proposait notamment une solution pour lutter contre les bouchons et la pollution: abaisser la vitesse autorisée à 60 km/h sur les autoroutes. Objectif: inciter la population à moins se déplacer au quotidien.
«Les théories absurdes» du professeur
Joint lundi matin, Andreas Glarner persiste et signe. «Nous, contribuables, qui finançons de telles théories absurdes, devons débarrasser les universités de ces professeurs de gauche, qui sont trop nombreux!»
Lorsqu'on lui rétorque que Vincent Kaufmann est un expert dans son domaine et base ses prises de position sur des études et modèles scientifiques, le parlementaire alémanique saute au plafond. «Je pourrais aussi publier une étude pour dire qu'il faudrait plutôt rouler à 180 km/h! Les chercheurs doivent faire de la recherche, pas de la politique. Limiter la vitesse autorisée à 60 km/h sur les autoroutes enverrait notre économie et notre industrie droit dans le mur.»
«Fascisme» et «inquisition»
Sur le fond, Andreas Glarner soutient le Conseil fédéral et sa volonté d'élargir les autoroutes. «La Suisse compte 700'000 voitures de tourisme de plus qu'en 2010. Pour lutter contre les embouteillages, il faut développer notre réseau routier, mais aussi mettre fin à l'immigration de masse!»
La prise de position de l'entrepreneur alémanique a généré bon nombre de réactions outrées. Plusieurs appellent à faire le ménage au Conseil national et à débarrasser le Parlement d'Andreas Glarner. D'autres parlent «d'inquisition» ou de «fascisme». «Toute personne qui s'intéresse à l'Histoire, sait où 'faire le ménage dans les universités' nous mène», écrit un utilisateur.
«Rien à voir avec le nazisme»
L'élu balaie ses critiques. «Cela n'a rien à voir avec le nazisme et avec cette période horrible du 20e siècle, assure Andreas Glarner. Aujourd'hui, dès que je dis quelque chose, la gauche crie au fascisme pour me museler. C'est trop facile, c'est une façon de couper court au débat.»
Contactée, l'EPFL «défend évidemment le travail de [ses] chercheuses et chercheurs, ainsi que leur liberté d'expression et d'opinion, pour autant que leur propos reposent sur des bases scientifiques». Ce qui était le cas dans l'entretien publié sur nos plateformes, souligne Emmanuel Barraud, porte-parole.
Petit tacle de l'EPFL
«En l’occurrence, et c’est bien ce que dit M. Kaufmann dans votre interview, ce chiffre de 60 km/h a été articulé dans le contexte d’une étude montrant qu’il s’agit là de la vitesse théorique au-delà de laquelle le trafic ne peut plus s’écouler de façon fluide (effet accordéon, entre autres), écrit-il. Il s’agissait ici de démontrer que seules des mesures extrêmes de cette ampleur auraient un véritable effet sur le report modal.» En d'autres termes, le passage de la voiture aux transports publics.
Mais, appuie le communicant, «ce n’est même pas là le propos principal du chercheur, pour qui la seule solution est que les gens se déplacent moins, et moins loin». Notamment en se rapprochant de leur lieu de travail ou en privilégiant le travail à domicile. Enfin, «l’EPFL regrette que certains ne retiennent qu’un chiffre et ne se préoccupent ni du raisonnement sur lequel il est fondé, ni de son utilité au sein d’une démonstration scientifique».