Malgré la hausse massive des coûts de l'énergie, le Conseil fédéral ne voit aucune raison d'intervenir sur le marché concerné. La semaine dernière, le gouvernement a parlé de 13 mesures de soutien pour les ménages et les entreprises - et les a toutes rejetées. «Différentes variantes de retour des entreprises du marché libre de l'électricité à l'approvisionnement de base ont notamment été discutées», a indiqué le gouvernement dans un communiqué succinct, sans ajouter plus de précisions.
Un document du département de l'économie du conseiller fédéral UDC Guy Parmelin, que Blick a obtenu sur la base de la loi sur la transparence, montre de quelles mesures il s'agit.
Pas d'argent supplémentaire pour les ménages
Cinq mesures au total visaient principalement à soulager les ménages privés. Trois d'entre elles ont imaginé différentes formes d'allocations énergétiques pour les personnes à faible revenu, qui sont particulièrement mises à contribution par les frais supplémentaires.
Par exemple, via une réduction des primes d'assurance maladie. Une augmentation de 30% de la contribution fédérale coûterait 913 millions de francs. Néanmoins, pour les cantons, une mise en œuvre en 2023 «ne serait possible qu'au prix de grands efforts» et un supplément limité à un an serait «politiquement difficile à communiquer et à imposer», indique le document.
La variante consistant à facturer le supplément énergétique via les assureurs maladie par le biais des primes ou des participations aux coûts a également été rejetée. Définir quels ménages auraient droit à l'allocation est apparemment trop compliqué, et le risque que des différences cantonales conduisent à des injustices est trop important.
Une autre possibilité qui a été examinée: passer par l'impôt fédéral direct. Une allocation serait versée aux personnes dont le revenu ne dépasse pas un certain seuil. L'objectif d'alléger la charge des ménages à faible revenu pourrait ainsi être atteint «avec une assez grande précision». Le problème: comme il faut une base légale, le versement ne serait pas possible avant 2024.
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Pas de coup de pouce aux bénéficiaires de prestations complémentaires
Une autre mesure discutée est l'allègement des frais annexes pour les bénéficiaires de prestations complémentaires. Seulement, un contrôle individuel du décompte des charges locatives serait trop compliqué à mettre en place pour les quelque 278'000 personnes concernées.
Cela a finalement été jugé «inutile», étant donné que le Conseil fédéral a déjà augmenté l'aide aux besoins vitaux généraux et aux loyers pour 2023. «Si le renchérissement devait encore augmenter l'hiver prochain, l'introduction d'un montant forfaitaire sous forme d'allocation énergétique pour les bénéficiaires de prestations complémentaires serait justifiée et devrait donc être examinée», précise le document.
Le Conseil fédéral n'a pas non plus pris en compte l'idée d'augmenter les subventions pour les organismes dits Pro - comme Pro Senectute, Pro Infirmis ou Pro Juventute. Ceux-ci aident par exemple les personnes âgées ou handicapées dans le besoin en leur fournissant des prestations uniques. Le coup de pouce financier serait par contre ciblé sur les bénéficiaires de rentes AVS et AI.
Le hic, c'est que «les personnes qui ne sont ni âgées, ni veuves, ni orphelines, ni invalides» ne seraient alors pas prises en compte. De plus, les associations Pro ne sont pas conçues pour soutenir de larges groupes de la population, mais pour aider de manière ciblée les cas sociaux difficiles.
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Pas de «tarif de retour» à l'approvisionnement de base pour les entreprises
Le Conseil fédéral a également mis sur la table huit mesures d'allègement pour les entreprises. La mesure qui a le plus intéressé le gouvernement est de permettre aux firmes qui achetaient jusqu'à présent de l'électricité sur le marché libre de revenir dans l'approvisionnement de base, comme le demande l'Union des arts et métiers.
Environ 34'000 entreprises achètent déjà actuellement leur électricité sur le marché libre. Comme le montre le document, seuls celles «qui ne pourraient pas supporter les coûts élevés» pourraient revenir à l'approvisionnement de base. Les sociétés qui choisissent cette option devraient ensuite rester sept ans dans l'approvisionnement de base.
Pour éviter que les clients existants ne paient la note, le modèle prévoyait deux tarifs: le tarif de base et un «tarif de retour» plus élevé. Ce dernier aurait été défini sur la base de la moyenne des prix prévisionnels du marché, c'est-à-dire des prix de gros.
Mais la question du financement serait un obstacle. De plus, relativement peu d'entreprises sont concernées à l'heure actuelle et celles-ci pourraient également s'aider par le biais de crédits bancaires. Le Conseil fédéral a donc balayé la proposition d'un revers de main.
Contre le plafonnement des prix de l'électricité
Le gouvernement ne veut pas non plus entendre parler d'un plafonnement des prix de l'électricité en faveur des entreprises grandes consommatrices d'électricité.
La mise en œuvre serait particulièrement complexe, ne serait-ce qu'en ce qui concerne la question des «prix appropriés» pour l'achat d'électricité sur le marché de gros. Les coûts risqueraient d'être répercutés sur la collectivité.
De plus, un plafonnement des prix ne serait pas compatible avec la concurrence. Le document laisse toutefois une porte de sortie ouverte: Si de tels plafonds de prix étaient introduits à l'étranger et menaçaient certains secteurs économiques en Suisse, le Conseil fédéral pourrait alors prendre une mesure basée sur la Constitution fédérale pour protéger l'économie nationale.
Le supplément réseau maintenu
L'idée de réduire temporairement le supplément réseau actuel de 2,3 centimes par kilowattheure a également été rejetée. Celle-ci ne pourrait en effet avoir lieu qu'en 2024. Mais surtout, il manquerait ainsi des fonds prévus, entre autres, pour le développement de la production d'électricité renouvelable. Chaque réduction de 0,1 centime ferait perdre 60 millions de francs. Ce qui irait à l'encontre des derniers efforts du Parlement.
De plus, cela n'aiderait pas vraiment les entreprises, car l'allègement serait négligeable. «Si la facture de 50 centimes/kWh pose un problème à l'entreprise, elle en aura toujours un avec 50-2,3 = 47,7 centimes/kWh à payer, vu la petite différence que cela implique», peut-on lire.
Une réduction du taux d'intérêt calculé pour le capital lié au réseau électrique a aussi été rejetée, ce qui aurait entraîné une baisse des rétributions d'utilisation du réseau. Un ménage normal n'aurait toutefois économisé qu'un peu plus de 15 francs avec une réduction de 1%. L'idée d'une adaptation des prix de l'électricité en cours d'année n'a également pas été approuvée, car peu ciblée.
De même, la proposition de rembourser les prix élevés de l'électricité aux entreprises grandes consommatrices d'électricité par le biais du fonds du supplément réseau ou d'un nouvel impôt sur le bénéfice de l'électricité a été rejetée - car cela correspondrait quasiment à un plafonnement des prix de l'électricité.
Pas de crédits d'aide à l'énergie de la part de la Confédération
L'octroi de crédits de cautionnement solidaire pour l'énergie - similaires aux crédits d'aide pendant la pandémie de Covid-19 - a été envisagé comme mesure de soutien. Le document conclut toutefois que la situation n'est pas comparable à celle de la crise de 2020, ne serait-ce qu'en termes de volume.
En plus de cela, les entreprises disposent cette fois-ci de suffisamment de temps pour ouvrir le dialogue avec leur banque, explique le document: «Alors que le confinement a frappé les entreprises sans crier gare au printemps 2020, le niveau des prix de l'électricité est élevé depuis des mois.»
Si la Confédération devait tout de même se décider pour un programme de ce type, elle devrait «probablement assumer un risque de perte plus élevé que dans le programme de cautionnement ordinaire pour obtenir un effet».
Dans le pire des cas, les experts ont estimé le besoin financier maximal à «près de 41 milliards de francs» pour toutes les entreprises. Pour celles dont le contrat d'électricité expire déjà à la fin de l'année, il s'agirait au maximum d'environ 8,5 milliards de francs. Le Conseil fédéral n'est pas entré en matière sur cette idée.
L'impôt sur les bénéfices n'est pas accepté
Enfin, l'idée d'un impôt sur les bénéfices excédentaires dans le secteur de l'électricité, pour laquelle la ministre socialiste de l'Énergie Simonetta Sommaruga avait publiquement manifesté son soutien, n'a pas non plus trouvé un écho suffisant au sein du gouvernement national.
Et ce, alors que les recettes auraient pu être redistribuées aux consommateurs ou investies dans la promotion des énergies renouvelables.
«L'introduction d'une taxation des surprofits peut susciter des doutes chez les investisseurs potentiels quant à la qualité du lieu d'implantation et affecter les investissements au-delà du secteur de l'électricité, dans d'autres secteurs également», avertissait le document.
Conclusion: il n'est pas nécessaire d'agir
Ainsi, le Conseil fédéral a refusé l'ensemble des 13 mesures de soutien. Toutes ces mesures seraient «liées à de fortes interventions, à des problèmes potentiels lors de la mise en œuvre et à des effets secondaires indésirables», écrit le gouvernement dans un communiqué relatif à sa décision.
Ni la situation économique ni l'inflation ne justifieraient donc une intervention à l'approche de l'hiver, selon le Parlement. La conclusion du Conseil fédéral est claire: il ne leur semble pas nécessaire d'agir pour le moment.
(Adaptation par Lliana Doudot)