Sifflements, regards lourds et commentaires déplacés. Marcher tranquillement dans la rue quand on est une femme ressemble parfois à un parcours du combattant, ou plutôt, de combattante. Et encore, c'est sans parler des insultes, des mains baladeuses et autres violences... de quoi sérieusement craindre pour sa sécurité en sortant de chez soi.
Le harcèlement de rue est une affaire courante dans la vie d'une femme. Quant aux agressions verbales, sexuelles ou physiques, certes pénalement répréhensibles, elles sont rarement rapportées ou alors largement sous-estimées et donc souvent impunies.
Toutefois, il existe des solutions pour que les femmes se sentent un peu plus en sécurité. Parmi elles, l’application française The Sorority qui vient de débarquer en Suisse et déjà téléchargée par quelque 500 personnes en l’espace d’un mois. La plateforme également active en Belgique, en France, au Luxembourg et en Algérie compte au total 14'500 profils certifiés et vérifiés. Elle permet notamment à une victime d’alerter d’autres femmes dans les environs pour qu’elles puissent lui venir en aide.
Après avoir été victime de plusieurs agressions, Christelle a décidé de télécharger The Sorority au moment de sa sortie il y a un mois. «Ce qui est génial avec cette app, c’est qu’il y a une communauté de filles qui sont prêtes à intervenir en cas de besoin. C’est concret et on peut agir dans la réalité», confie-t-elle à Blick. Si la Vaudoise de 33 ans n’a encore jamais dû se résoudre à appeler à l’aide sur l’app, elle explique avoir déjà été contactée par une utilisatrice: «Une femme a lancé une alerte et je me suis empressée de lui écrire pour savoir si elle était en danger. Heureusement, il s’agissait simplement d’un test». Même si Christelle semble déjà convaincue par l’efficacité de l’app, elle avoue être encore en phase de découverte.
The Sorority: mode d’emploi
Le fonctionnement de l’app est simple: les utilisatrices indiquent leurs coordonnées et sont ensuite géolocalisées. Si elles sont témoins ou victimes d’une agression dans la rue, elles peuvent appuyer sur un bouton d’alerte. Une notification push est alors envoyée à toutes les personnes qui se trouvent dans les environs.
Elles pourront ensuite appeler la personne qui a lancé l’alerte ou lui envoyer un message sur le chat. Certaines utilisatrices proposent même des «lieux sûrs» où se réfugier en cas de besoin. Il est également possible d’appeler des numéros d’urgence ou d’activer une alarme en cas d’absence de réseaux.
Un marché en pleine croissance
The Sorority n’est pas la seule application qui lutte contre le harcèlement de rue. En novembre 2019, la ville de Lausanne avait mis en place une plateforme en ligne pour dénoncer les agressions. Quelques mois plutôt, soit en juin 2019, l’app EyesUp voyait le jour sous l’impulsion de la conseillère nationale verte Léonore Porchet, alors députée au Grand Conseil vaudois.
Si l’app The Sorority s’apparente à un relais dans le monde réel en invitant les utilisatrices à s’entraider, les deux plateformes déjà existantes proposent simplement d’indiquer des faits de harcèlement de rue, en tant que victime ou témoin. Les données sont ensuite collectées afin d’élaborer des statistiques sur le harcèlement. En septembre dernier, EyesUp publiait ses premiers résultats. L’application aurait permis de signaler 633 actes de harcèlement. Quant au bilan global de la ville de Lausanne, il sera publié cette année.
Alors se contenter de chiffres sans proposer une aide directe n’est-il pas un peu réducteur? Pour Olivier Glassey, sociologue spécialiste des usages du numérique à l’Université de Lausanne (UNIL), c'est un premier pas: «A l’image du mouvement #MeToo, il s’agit de rendre visible l’ampleur du problème. C’est une étape nécessaire pour ensuite aller plus loin».
Toutefois, face à la multiplication de l’offre, il faut surtout pouvoir faire un choix. «Beaucoup d’acteurs peuvent avoir des idées de mises en œuvre en apparence similaires. Reste à savoir quelle option utiliser, si elle est reconnue par les autorités et surtout d’être au clair sur le type de soutien que l’on recherche», précise l’expert à Blick.
La porte ouverte aux potentiels agresseurs?
Malheureusement les dérives sont toujours possibles, même sur ce type d’applications. En juin 2020, l’application française Handsaway avait décidé de suspendre temporairement son service après avoir collectionné de fausses alertes et des propos à caractère sexiste ou sexuel.
Toutefois, Priscilla Routier-Trillard, la fondatrice de The Sorority, se veut rassurante: «Pour le moment l’app est réservée aux femmes et aux personnes issues des minorités de genre histoire d’éviter qu’un conjoint, ex-conjoint violent ou harceleur ne s’en prenne à l'une de nos utilisatrices». Quant aux hommes, ils sont invités à apporter leur soutien et en parler autour d’eux.
La jeune femme ajoute que chaque profil est vérifié «à la main». En effet, au début de chaque inscription, l’utilisatrice doit envoyer une photo de sa pièce d’identité ainsi qu’un selfie. Après avoir été validées, les données sont supprimées de la base de données.
Les technologies: solutions au harcèlement de rue?
Comme l’explique Caroline Dayer, experte en prévention et traitement des violences et des discriminations, ce genre d’applications existent car il y a un besoin. Néanmoins, si ces nouvelles technologies permettent de mettre certaines problématiques en lumière, elles ne sont pas une fin en soi. «Il s’agit d’un outil à disposition afin de briser le silence et apporter un soutien aux victimes, qui nécessite d’être ancré dans un dispositif global permettant de traiter les situations», précise la spécialiste.
«Pour contrer les violences sexistes et sexuelles, il convient d’articuler des mesures de prévention et d’intervention qui soient concrètes et cohérentes. Il faudrait par exemple parler de consentement dès le plus jeune âge». Finalement, si les applications anti-harcèlement rassurent, le réel enjeu se trouve en fait entre les mains des politiques.
C’est une poignée des semaines après sa sortie, soit un lundi matin, que je décide de télécharger l’application The Sorority. Avant même de pouvoir m’inscrire, on me demande d’envoyer un cliché de ma pièce d’identité accompagnée d’une photo de moi afin de certifier mon profil. Cela implique donc que tous les comptes inscrits ont été validés par l’app. Me voilà rassurée, je ne tomberai pas sur des trolls.
On m’explique qu’après avoir validé mes données, ces dernières seront supprimées. La manœuvre peut prendre 24 heures au maximum. Surprise: en l’espace de quelques heures, j’ai accès à l’application.
J'entre donc mon numéro de téléphone ainsi que les coordonnées de mes réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou encore LinkedIn. Si une utilisatrice a besoin de mon aide, je serai donc joignable par divers biais en plus du chat disponible sur l’app.
Une fois mon profil rempli, je me rends sur la carte et constate qu’une dizaine de femmes sont géolocalisées et potentiellement joignables en cas de besoin. La plus proche se trouve à moins d’un kilomètre. Par contre, je suis surprise de voir qu’aucune de mes amies n’est inscrite. Ah non, une consœur est aussi sur l’app.
Le soir venu, je me rends au restaurant avec des amis. En sortant mon téléphone au moment du dessert, je vois une notification m’annonçant qu’une utilisatrice «est en train d’être agressée» à environ 600 mètres de là. Malheureusement la notif date d’il y a une heure déjà... Je décide tout de même d’écrire à la concernée pour savoir si tout va bien. Elle me répond dans la minute, me remercie et m’explique que c’était une fausse alerte. Ouf!
Voilà quelques jours que je suis inscrite et je n’ai reçu aucun autre signalement. Je suis rassurée de savoir qu’on peut me venir en aide. Surtout, je me moins seule. Et pour la première fois depuis l’ère des smartphones et des applications, je suis contente de ne recevoir aucune notification.
C’est une poignée des semaines après sa sortie, soit un lundi matin, que je décide de télécharger l’application The Sorority. Avant même de pouvoir m’inscrire, on me demande d’envoyer un cliché de ma pièce d’identité accompagnée d’une photo de moi afin de certifier mon profil. Cela implique donc que tous les comptes inscrits ont été validés par l’app. Me voilà rassurée, je ne tomberai pas sur des trolls.
On m’explique qu’après avoir validé mes données, ces dernières seront supprimées. La manœuvre peut prendre 24 heures au maximum. Surprise: en l’espace de quelques heures, j’ai accès à l’application.
J'entre donc mon numéro de téléphone ainsi que les coordonnées de mes réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou encore LinkedIn. Si une utilisatrice a besoin de mon aide, je serai donc joignable par divers biais en plus du chat disponible sur l’app.
Une fois mon profil rempli, je me rends sur la carte et constate qu’une dizaine de femmes sont géolocalisées et potentiellement joignables en cas de besoin. La plus proche se trouve à moins d’un kilomètre. Par contre, je suis surprise de voir qu’aucune de mes amies n’est inscrite. Ah non, une consœur est aussi sur l’app.
Le soir venu, je me rends au restaurant avec des amis. En sortant mon téléphone au moment du dessert, je vois une notification m’annonçant qu’une utilisatrice «est en train d’être agressée» à environ 600 mètres de là. Malheureusement la notif date d’il y a une heure déjà... Je décide tout de même d’écrire à la concernée pour savoir si tout va bien. Elle me répond dans la minute, me remercie et m’explique que c’était une fausse alerte. Ouf!
Voilà quelques jours que je suis inscrite et je n’ai reçu aucun autre signalement. Je suis rassurée de savoir qu’on peut me venir en aide. Surtout, je me moins seule. Et pour la première fois depuis l’ère des smartphones et des applications, je suis contente de ne recevoir aucune notification.