Comment ne pas être soulagés? Comment ne pas être pressés d’en finir avec une année qui, du front ukrainien aux atrocités commises en Israël puis à Gaza, en passant par les dévastations au Soudan livré aux bandes armées, s’est avérée l’une des plus meurtrières de la décennie?
Souvenons-nous un instant de ce que nous espérions, il y a tout juste douze mois. Les plus optimistes voyaient déjà poindre la possibilité d’une négociation de paix entre Kiev et Moscou. D’autres prédisaient une reprise XXL du commerce mondial. Au final? C'est tout le contraire. La guerre s’éternise et les navires doivent se détourner du Golfe Persique, sous la menace des missiles tirés par les rebelles Houthis du Yémen. Non, vraiment: impossible de regretter l’année qui vient de s’écouler.
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2024, me direz-vous, pourrait bien nous offrir un engrenage encore plus violent. Vladimir Poutine, le président russe bien décidé à épuiser les Européens et à tenir tête à tous les alliés de l’Ukraine, est parti pour être réélu sans coup férir. La Chine, une fois que les électeurs taïwanais auront voté le 13 janvier, adoptera peut-être une posture bien plus agressive. Et même si l’Égypte accueille, ces jours-ci, une délégation du Hamas pour parler d’un cessez-le-feu, personne ne voit d’issue à court terme à l'atroce siège de Gaza, en riposte à l'assaut terroriste du 7 octobre contre Israël. Alors, comment être optimiste dans ces conditions?
La réponse est simple: parce que nous n’avons pas le choix. La Suisse, comme ses voisins européens, est tributaire de ces convulsions mondiales. Mais le pire serait, face aux chaos et aux risques qui s’accumulent, de baisser les bras.
Russie, Chine, Iran…
2023 nous a montré que la Russie, comme la Chine et les grands pays du Sud, sont des colosses aux pieds d’argile. L’économie de guerre russe oblige Poutine à se rapprocher de pays comme l’Iran ou la Corée du Nord, où seule la peur règne en maître, sans autre avenir que celui d’une oppression généralisée.
Les grandes métropoles chinoises, sous pression sociale, peuvent à tout moment se transformer en chaudron pour Xi Jinping si l’économie stagne, et que l’édifice financier public se fissure dans l’Empire du milieu. Tandis qu’en Afrique, la jeunesse ne restera pas calme longtemps si les nouveaux dictateurs aidés par les miliciens poutiniens de Wagner sont incapables de proposer autre chose qu’une guerre supplémentaire, avec son inévitable cortège de misères.
C’est une évidence: nos démocraties occidentales ne sont pas bien portantes. Les inégalités, les fractures, les passions identitaires, tout cela mine la nécessité de compromis.
Et alors? Trump est prêt à tout pour reprendre la Maison-Blanche à un Joe Biden affaibli, lâché par une partie des électeurs démocrates pour son soutien presque inconditionnel à Israël. En Europe, la vague nationale populiste semble inévitable aux élections de juin 2024.
Et après? Le monde de l’année à venir sera encore pire si nous perdons, en Suisse comme dans le reste de l’Europe, confiance dans la capacité de nos institutions et de nos sociétés à affronter ces dures réalités, et à encaisser ces chocs.
Devoir de réalisme
2024 nous impose par avance un devoir de réalisme. La possibilité qu'une majorité d’électeurs américains choisissent Trump, et qu'un grand nombre d’électeurs européens votent pour des partis nationalistes, ne doit pas être diabolisée. Telle est la loi des urnes qu'il faudra respecter, tout en se mobilisant sans relâche contre les possibles dérives autoritaires et extrémistes.
Osons l'écrire: tant qu’elles respectent les institutions, l'indépendance de la justice, les droits de chacun et les libertés fondamentales, les alternances radicales peuvent aussi être porteuses de solutions. A condition d'abandonner leurs incantations idéologiques au profit de compromis pragmatiques et négociés. N’ayons pas peur de 2024. Et rassurez-vous: de toute façon, il sera difficile de faire pire qu’en 2023.