Plus d’une dizaine de contrats et d’accords ont été signés lundi 6 mai entre la Chine et la France, à l’occasion de la visite d’État de deux jours du président chinois à Paris. La preuve que Pékin est prêt à faire des concessions commerciales à l’un des premiers pays qui osa reconnaître la République populaire, en 1964, il y a tout juste soixante ans? Non. Sur le fond, le géant chinois ne cède pas, notamment sur les voitures électriques. Xi Jinping a nié que son pays possède des surcapacités de production qui lui permettent d’exporter massivement vers l’Union européenne.
Et pour le reste, comment faire? Dans les Pyrénées ce mardi, au col du Tourmalet, Emmanuel Macron espère sans doute se rapprocher de Xi Jinping en l’amenant sur les terres de vacances de sa jeunesse. Est-ce réaliste? Peut-on résister à la Chine ou est-elle invulnérable? Voici les réponses des experts.
La Chine fait peur, c’est indéniable
La deuxième puissance mondiale est un géant que rien ne semble pouvoir arrêter. Sur le plan commercial, les chiffres sont terribles pour l’Union européenne qui accusait en 2022 un déficit de 397 milliards d’euros. Lequel a baissé à 291 milliards en 2023. On a vu, sur les panneaux solaires photovoltaïques, combien la mainmise chinoise sur un secteur industriel peut entièrement balayer la concurrence industrielle européenne. D’où l’exigence formulée lundi à Paris par Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen pour que les constructeurs automobiles chinois cessent d’exporter leurs véhicules à prix cassés vers le marché européen. Est-il possible de riposter? Oui. Comment? En imposant au plus vite, par exemple, une taxe carbone aux frontières qui prenne en compte les dégâts environnementaux et écologiques causés par l’industrie «Made in China». Les mesures protectionnistes prises par les États-Unis dans le cadre de l’Inflation Reduction Act (IRA) sont aussi un modèle. Emmanuel Macron ne l’a pas répété devant Xi Jinping, mais l’objectif de l’UE est de «dé-risquer» son économie vis-à-vis de la Chine. Alors, Pékin fait peur. Il faut donc en tirer les conséquences.
La Chine emploie de sales méthodes
Espionnage, contrôle des populations chinoises émigrées en Europe, création de commissariats de police clandestins dans certaines capitales européennes, hacking des opposants chinois et de parlementaires… Tout cet éventail de mesures est la face sombre de la puissance du pays de Xi Jinping. Mais attention, il y a un revers à la médaille. L’immense Chine veut être un pays honorable. «Aussi surprenant qu’il puisse paraître, la visite de Xi Jinping en France montre les limites de sa stratégie d’intimidation» estime le sénateur français Olivier Cadic, dont les comptes informatiques ont été piratés par le groupe de hackers chinois APT 31. «Xi Jinping n’est plus dans une position aussi solide qu’il y paraît. La révélation récente de la cyberattaque qui visait 115 parlementaires de l’IPAC (Inter Parliamentary Alliance on China), issus de 15 pays, dont je fais partie le démontre». Des reportages diffusés en France ont aussi montré une opération de rapatriement forcé d’un dissident chinois par le biais d’un poste de police clandestin chinois. Bref, le voile se lève…
La Chine n’est pas invulnérable, mais…
«En avril 2020, alors que la pandémie s’abattait sur le monde, en réaction aux attaques insidieuses de l’ambassade de Chine, j’avais indiqué qu’il fallait que notre gouvernement instaure une force de réaction «cyber» pour lutter contre les campagnes de désinformation ou d’influence d’États totalitaires ou autoritaires qui s’en prennent aux démocraties. Nous l’avons fait en France avec la création de Viginum, note Olivier Cadic. Mais attention: «La prise de conscience des menaces qui pèsent sur l’Union européenne, du fait de la politique hégémonique de la Chine, n’est pas perçue de la même manière par les 27». La preuve: Xi Jiping passera, après son escale en Serbie (hors UE) trois jours en Hongrie, le pays de Viktor Orbán qui accueille à bras ouverts ses investissements. Le futur train à grande vitesse entre Belgrade et Budapest sera chinois. On parle aussi de nouveaux investissements chinois dans les ports européens, après la prise de contrôle du port grec du Pirée en 2016, et une prise de participation dans le port allemand de Hambourg en 2022.
Résister à la Chine, c’est lui dire non
Faut-il laisser la Chine mettre la main sur de nouveaux ports européens, points d’arrivée des cargaisons commerciales qui causent tant de problèmes à leurs concurrents européens. En France, la question se pose en ce moment au vu des spéculations sur le port de Marseille, terre du leader du commerce maritime mondial CMA-CGM. Le président du conseil de surveillance de ce port, récemment reconduit, n’est autre que l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, invité lundi soir au dîner d’État à l’Élysée par son ami, le président Emmanuel Macron. Or des propositions existent pour s’opposer à cette main mise. Le Parlement européen – qui sera renouvelé lors des élections du 6 au 9 juin – a ainsi adopté un texte visant à encadrer les investissements étrangers dans les infrastructures essentielles de l’UE, dont les ports.
Résister à la Chine, c’est cibler ses agents
Espions, agents d’influence, ambassadeurs très zélés (comme celui en poste en France, membre des «loups combattants» qui n’a pas hésité à remettre en cause la souveraineté des pays issus de l’ex-URSS) … La liste est longue de ceux qui se battent pour la Chine. «Ce n’est pas un risque. C’est une réalité, poursuit le sénateur français Olivier Cadic. La Chine poursuit aujourd’hui un objectif clair: devenir la principale puissance mondiale d’ici au centenaire du Parti communiste, en 2049. Pour y parvenir, elle cherche à établir un lien de dépendance des autres nations à son égard. Elle tire avantage des conflits opposant l’Ukraine à la Russie et d’Israël à l’Iran, apportant son soutien à Moscou et à Téhéran. La Chine attend son heure… mais elle a des faiblesses qui sont liées à tous les systèmes totalitaires que nous devons exploiter».