Une ovation debout d'une large part de l'hémicycle a salué cette adoption par 337 voix contre 32, au terme d'un débat tendu avec la droite et l'extrême droite qui avaient déposé des centaines d'amendements, parfois sans rapport avec le sujet.
C'est une «victoire historique pour les femmes en France et dans le monde», s'est réjouie la cheffe de file des Insoumis, Mathilde Panot, qui portait ce texte en tête de liste de la «niche parlementaire» de LFI, une journée permettant au groupe de fixer l'ordre du jour à l'Assemblée.
Marche arrière sur l'interdiction de la corrida
Les Insoumis ont décidé de retirer au dernier moment leur proposition inflammable d'interdiction totale de la corrida, qui avait fait l'objet comme celui sur l'IVG du dépôt de centaines d'amendements dénoncés comme une «obstruction anti-démocratique».
L'objectif de la constitutionnalisation du droit à l'avortement est de «se prémunir d'une régression» pour les femmes, comme récemment aux États-Unis ou parfois en Europe, a plaidé Mathilde Panot, dédiant le vote aux «Américaines, Polonaises et Hongroises», dont les droits sont «entravés».
Le texte adopté jeudi tient en une phrase, à insérer dans la loi suprême: «La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse.»
Il est le fruit d'une réécriture de la proposition initiale des Insoumis, au terme d'un travail transpartisan qui a réuni, chose rare, des élus LFI et du camp présidentiel.
Un texte qui a bien évolué
«Nous honorons le travail parlementaire par ce vote», a souligné le député Modem Erwan Balanant, l'un des artisans de ce «dépassement des clivages». «Mais le combat n'est pas fini», a-t-il ajouté, en référence à l'aval qui reste à obtenir du Sénat, loin d'être acquis après un vote négatif en octobre.
Aurore Bergé, cheffe de file des députés Renaissance, a décidé de retirer son propre texte sur le sujet. Devant les députés, elle a livré un témoignage émouvant, racontant que sa mère avait eu recours à un avortement qui ne s'est «pas très bien passé», «dans un moment où c'était illégal dans notre pays».
L'écriture du texte a évolué lors des débats pour répondre à certaines réticences: la proposition initiale des Insoumis mentionnait le droit à la contraception, et sa formulation faisait craindre à certains l'instauration d'un droit à l'avortement sans limites.
Droit non «inconditionnel» selon le Rassemblement national
Quoi qu'il en soit, Mathilde Panot, comme de nombreux députés, a exhorté le gouvernement à présenter son propre projet de loi pour constitutionnaliser l'IVG.
Un texte venant du gouvernement devrait lui aussi obtenir l'aval du Sénat, mais, contrairement à une proposition d'initiative parlementaire, il ne nécessiterait pas d'être soumis en fin de course à un référendum. Une épreuve redoutée, tant elle pourrait, craignent certains, mobiliser les réseaux anti-avortement.
Les débats ont duré de longues heures, alors qu'au sein du groupe LR, montaient au front les membres de l'Entente parlementaire pour la famille, favorables à un «équilibre» entre «liberté de la femme» et «protection de la vie à naître».
Le groupe RN, dont des membres ont eu des positions hostiles à l'avortement, ont défendu des arguments comparables. «Pas un seul mouvement politique représentatif» n'est contre l'avortement, mais ce droit n'est pas «inconditionnel», avait fait valoir Marine Le Pen, absente au moment du vote, en référence aux délais pour l'IVG et à la clause de conscience des médecins.
L'ombre de l'affaire Quatennens
Des «prétextes» pour «ne pas dire que vous êtes contre l'avortement», leur a lancé Mathilde Panot, qui a dénoncé, comme le Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, l'«obstruction parlementaire» de la droite et de l'extrême droite avec leurs centaines d'amendements, parfois sans lien avec le sujet.
LR et RN se sont finalement partagés entre pour, contre et abstention.
La séance a connu des pics de tension concernant le député LFI Adrien Quatennens, accusé de violences conjugales par son épouse. Une affaire que ne se sont pas privés d'évoquer les adversaires des Insoumis dans l'hémicycle. Le «combat» pour la «défense des droits des femmes» ne «souffre aucune compromission», a lancé Sarah Tanzilli (Renaissance).
(AFP)