Pékin passe de l'agneau au loup. Le chef d'Etat Xi Jinping et son ministre des Affaires étrangères Qin Gang s'en prennent à l'Occident avec des mots inhabituellement vifs. Xi Jinping a ainsi notamment accusé les Etats-Unis de vouloir freiner l'ascension de son pays dans le monde.
«Les pays occidentaux en particulier, menés par les Etats-Unis, poursuivent une politique globale d'endiguement, d'encerclement et de répression de la Chine, ce qui pose de graves défis sans précédent pour le développement de notre pays», affirmait ainsi le dirigeant. Des mots comme «encerclement» avaient déjà été utilisés par Moscou avant l'attaque contre l'Ukraine.
Sur la Chine et la Russie
Peu après, son nouveau ministre des Affaires étrangères Qin Gang a mis en garde mardi, lors de sa première conférence de presse, contre les «conséquences catastrophiques» si les Etats-Unis «ne mettent pas le pied sur le frein et continuent à suivre la mauvaise voie». Dans ce cas, «tous les garde-fous» ne pourront pas empêcher un «dérapage», «qui débouchera sur un conflit et une confrontation».
Une menace de guerre
Que veulent concrètement dire les deux hommes? Selon Simona A. Grano, spécialiste de la Chine à l'université de Zurich, Xi Jinping fait surtout allusion à la question de Taïwan. «La Chine considère la récente action des Etats-Unis comme une ingérence dans ses propres affaires intérieures. Elle signale qu'une véritable confrontation pourrait avoir lieu si les Etats-Unis ne font pas marche arrière.» En ce qui concerne ladite «véritable confrontation», elle signifie que la Chine pourrait recourir à la force contre les Etats-Unis, qui soutiennent Taïwan, notamment en lui fournissant des armes.
La question de savoir si la Chine développera encore sa coopération avec la Russie dépendra de l'évolution de ses relations avec les Etats-Unis et l'Europe ainsi que du déroulement de la guerre en Ukraine. «Pour l'instant, j'ai tendance à penser qu'il est plus judicieux pour la Chine de s'en tenir à sa 'neutralité prorusse'», estime Simona A. Grano.
Selon elle, le gouvernement chinois a signalé avec son plan de paix en 12 points qu'il souhaitait à nouveau renforcer son influence internationale. «S'il se rapproche trop du côté russe, ces tentatives seront compromises», affirme encore la spécialiste. Celle-ci pense que Pékin ne livrera pas d'armes au Kremlin, contrairement à ce qu'affirme Washington. «Pékin tentera de maintenir cette position afin de garder ses relations avec les Etats-Unis et l'Union européenne exemptes de sanctions.»
Offensive de charme en direction de l'Europe
La Chine tente de nouer des liens avec l'Europe: Xi Jinping a déclaré vouloir travailler plus étroitement avec celle-ci «pour s'en tenir au vrai multilatéralisme, au respect mutuel et à une coopération bénéfique pour les deux». Un partenariat renforcé entre le pays et l'Union européenne peut apporter au monde plus de stabilité et de certitude. En revanche, le dirigeant chinois a jugé la situation actuelle difficile.
Cette offensive de charme a du sens selon Simona A. Grano, car l'Europe a toujours été un endroit où la Chine pouvait poursuivre ses propres intérêts commerciaux avec moins de tensions géopolitiques qu'avec les Etats-Unis.
Après trois ans d'instabilité dans le domaine de l'économie et des relations internationales, la Chine veut éviter trop de conflits, d'après l'experte. Et Xi Jinping poursuit un autre objectif: «Il est aussi dans l'intérêt de la Chine de briser l'unité transatlantique croissante depuis l'invasion russe.»