Risque de désastre écologique
Un navire rempli de déchets toxiques vogue sans but sur les eaux du globe

Il transporte de l'amiante, de la peinture et d'autres déchets toxiques et navigue sur les mers du monde. Mais aucun port n'autorise son débarquement. Un ancien navire de guerre de l'armée française inquiète les organisations de défense de l'environnement.
Publié: 26.01.2023 à 20:34 heures
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Dernière mise à jour: 26.01.2023 à 20:42 heures
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Le Foch (à droite sur la photo) en 1994. Il faisait alors encore partie de la marine française. Depuis, le navire est chargé de déchets toxiques et navigue sur les mers du monde entier.
Photo: AFP

Le porte-avions Foch était autrefois un fleuron de la marine française. Mais depuis, le navire de 266 mètres de long bat pavillon brésilien et porte le nom de São Paulo. Un chantier naval turc a racheté le navire de la marine nationale en fin de vie, mais ne trouve pas de port où le navire chargé de divers déchets toxiques puisse jeter l’ancre. Les défenseurs de l’environnement craignent que le Brésil ne se débarrasse du São Paulo dans la mer, en dehors de ses eaux territoriales.

La semaine dernière, vendredi, la marine brésilienne a fait savoir qu’elle avait remorqué le São Paulo dans l’Atlantique. Le navire, chargé d’amiante, de peintures et d’autres déchets toxiques, flotte désormais à environ 315 kilomètres des côtes brésiliennes.

Compte tenu du mauvais état du São Paulo et du risque accru qu’il représente pour l’environnement, le navire ne doit plus entrer dans un port brésilien ni même dans les eaux territoriales brésiliennes, a souligné la marine.

Rénovation et modernisation trop coûteuses

Le porte-avions a été au service de la marine française pendant 37 ans. En 2000, la marine brésilienne l’a acheté et l’a rebaptisé São Paulo.

Mais les problèmes techniques se sont rapidement multipliés sur le navire - aggravés par un important incendie à bord en 2005, qui plus est. La rénovation et la modernisation du porte-avions auraient été trop coûteuses. Le Brésil a donc décidé de s’en débarrasser.

En avril 2021, un chantier naval turc a acheté le navire pour en démanteler la ferraille. Depuis, un remorqueur néerlandais a sillonné la mer avec le São Paulo aux frais du chantier naval. Mais comme aucun port n’autorise le débarquement du São Paulo, le chantier naval turc a menacé d’abandonner le navire au milieu de l’Atlantique.

30'000 tonnes de déchets toxiques sans destinataire

Les organisations environnementales craignent que le Brésil ne coule le navire et ses déchets. L’armée brésilienne «s’apprête à commettre un crime environnemental majeur en mer», a par exemple déclaré le chef de l’organisation non gouvernementale Basel Action Network, Jim Puckett. «Il est inquiétant d’avoir en mer un colis toxique de 30'000 tonnes dont on ne connaît pas le destinataire», a ajouté l’organisation environnementale Robin Wood.

En juin, le chantier naval Sök Denizcilik avait reçu l’autorisation des autorités brésiliennes de remorquer le navire vers la Turquie pour y être démonté. Mais fin août, alors que le São Paulo se trouvait à peu près à la hauteur du détroit de Gibraltar, les autorités turques ont retiré leur autorisation d’entrée.

Bientôt une intervention de la marine brésilienne?

Le Brésil a alors rapatrié le São Paulo dans ses eaux territoriales sans toutefois autoriser son entrée dans un port. La raison: «l'aggravation des dommages» constatés sur la coque. Après plusieurs mois d’immobilisation du navire devant le port de Suape, au nord-est du Brésil, le chantier naval turc a menacé de l’abandonner et de le laisser sans capitaine dans les eaux brésiliennes. Toutefois, le 19 janvier, le chantier naval turc a mandaté le remorqueur néerlandais ALP Guard d'éloigner le navire des côtes brésiliennes en raison d'une injonction d'un tribunal.

L’agence environnementale brésilienne Ibama, chargée de veiller au respect de la Convention de Bâle sur l’élimination transfrontalière des déchets dangereux, a appelé la marine brésilienne à intervenir. Les organisations environnementales placent leurs espoirs dans le nouveau chef d’Etat brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, qui a promis de s’engager en faveur de la protection de l’environnement.

L’organisation non gouvernementale Shipbreaking Platform a appelé le président Lula, en tant que commandant en chef de la marine brésilienne, à «intervenir immédiatement et à ordonner le retour du São Paulo à Rio de Janeiro». Si le Brésil décidait de couler délibérément le navire, cela équivaudrait à un délit environnemental commandité par l'Etat.

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