L'État islamique a revendiqué
Poutine face à la terreur islamiste: les questions après l'attentat

Tout juste réélu, le président russe est directement défié par la tuerie dans un centre culturel proche de Moscou survenue vendredi. La revendication de l'État islamique rouvre pour la Russie un nouveau front.
Publié: 23.03.2024 à 07:57 heures
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Dernière mise à jour: 23.03.2024 à 14:49 heures
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Attaque terroriste dans la salle de concert Crocus City Hall. Entre deux et cinq personnes ont attaqué la salle de concert et des coups de feu ont été tirés. Extinction d'un incendie dans le bâtiment de la salle de concert. Région de Moscou, Krasnogorsk.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le bilan humain de l’attentat commis vendredi 22 mars dans une salle de concert du centre culturel Crocus, proche de Moscou, n'a peut-être pas fini de s'alourdir. Plus de 140 blessés ont été sortis du bâtiment incendié, dont le toit s’est effondré. Et les dépouilles d’autres victimes seront sans doute retrouvées, alors que les autorités russes avancent le chiffre d'au moins 115 morts. Une journée de deuil national a été décrétée pour le dimanche 24 mars. 

Pour l’heure, quatre suspects ont été arrétés. Mais un homme se retrouve défié par cette tragédie, revendiquée par une branche de l’État islamique: Vladimir Poutine. Lors de sa prise de parole samedi 23 mars à la mi journée, le président russe a affirmé que les terroristes responsables de cet «acte barbare» ont été capturés alors qu'ils se dirigeaient «vers l'Ukraine». Comment va maintenant réagir le président russe, tout juste réélu le 17 mars? Les autorités de Kiev ont jugé sa déclaration «absurde». 

C’est Poutine que l’État Islamique vient de défier

L'Ukraine a été d'emblée évoquée par Vladimir Poutine, mais c'est l’ISIS-K, acronyme anglo-saxon pour l’État islamique de la province de Khorasan - une branche de l’Organisation terroriste active au Pakistan, en Afghanistan et en Asie du sud - qui a revendiqué l’attentat de Krasnogorsk après des mois de menaces contre la Russie et contre son président.

«L’ISIS-K fait une fixation sur la Russie depuis deux ans, critiquant fréquemment le président Vladimir V. Poutine dans sa propagande», a déclaré au «New York Times» Colin P. Clarke, analyste antiterroriste au Soufan Group, une société de conseil en sécurité basée à New York. «ISIS-K accuse le Kremlin d’avoir du sang musulman dans les mains, faisant référence aux interventions de Moscou en Afghanistan, en Tchétchénie et en Syrie.» En mars, les États-Unis avaient recueilli des informations selon lesquelles l’État islamique Khorasan, connu sous le nom d’ISIS-K, avait planifié une attaque contre Moscou. Des membres d’ISIS ont été actifs en Russie, a déclaré un responsable américain.

C’est Poutine qui va répondre à cette attaque


Le président russe, ancien officier du KGB, a consolidé son pouvoir en Russie sur fond d’attentats et de traque des terroristes, au point que beaucoup d’experts accusent les services de renseignement d’avoir fomenté certaines attaques. Sa prise de parole, ce samedi 23 mars, a confirmé qu'il s'impliquera sans doute directement dans l'enquête. 

On se souvient de sa promesse d’aller «buter les terroristes jusque dans les chiottes» faites en août 1999, à la suite de plusieurs attentats attribués à des terroristes tchétchènes, alors que la guerre faisait rage dans le Caucase. Il n’était alors que Premier ministre, avant d’être propulsé à la tête du pays un an plus tard. Nul doute que cette fois, alors qu’il vient d’être réélu et qu’il a déclenché une guerre en Ukraine, Vladimir Poutine va prendre la direction des opérations. L’une de ses formules fétiches est: «Il est impossible de mettre la Russie à genoux.»

C’est Poutine qui a mené la guerre en Syrie

Si la revendication de l’État islamique Khorasan, effectuée sur l’une des chaînes Telegram de ce groupe terroriste, devait se confirmer, un fantôme remonterait aussitôt à la surface: celui de la guerre sans pitié menée en Syrie par les forces russes à partir de septembre 2015.

Il s’agit alors, pour Moscou, de sauver le régime de Bashar al-Assad, et de protéger ses intérêts militaires et stratégiques en Méditerranée, illustrés par la base portuaire de Tartous. On connaît l’histoire: le 30 août 2013, Barack Obama, alors à la Maison-Blanche, décide de ne pas frapper le régime syrien en rétorsion après l’utilisation d’armes chimiques contre les rebelles. La France, dont les avions étaient prêts à décoller, est lâchée. La Russie profite de la brèche. L’aviation russe entame alors une campagne de bombardements massifs qui ressemble furieusement à celle menée en Ukraine depuis le 24 février 2022.

C’est Poutine qui est pris entre deux fronts

L’État islamique Khorasan, basé en Afghanistan et composé pour l’essentiel de vétérans djihadistes du Pakistan, et d’Asie centrale, a peut-être prévu d’autres opérations. «L’attaque de vendredi à Moscou, tout comme un autre attentat commis en janvier en Iran et revendiquée par le groupe, pourrait amener ce dernier à réévaluer sa capacité à frapper en dehors de son territoire», estime un expert consulté par le «New York Times».

Résultat: Vladimir Poutine, le chef de guerre, se retrouve pris entre deux fronts. Lui qui ne cesse de présenter son opération militaire en Ukraine comme un bouclier contre les «néo-nazis», se retrouve confronté à une menace intérieure. Son allié iranien est aussi dans le viseur de l'État islamique. Son nouveau mandat présidentiel est, dès la première semaine, entaché du sang de ses compatriotes.

C’est Poutine qui sera soupçonné si…

Que va révéler l’enquête russe menée après cet attentat? Qu’avoueront les membres présumés du commando terroriste s'ils ne sont pas déjà morts et s’ils sont capturés? Quelles seront les conséquences de cette tuerie sur la conduite prochaine des opérations militaires en Ukraine, ce pays que Poutine accuse déjà d'avoir préparé la fuite des tueurs ?

Dans tous les cas, ce que fera Vladimir Poutine relancera toutes les spéculations et rouvrira tous les placards sanguinaires de son pouvoir. S’il traque les islamistes, c’est le bilan de la guerre en Syrie et des guerres de Tchétchénie qui reviendra au premier plan. S’il s’en prend à l’Ukraine, estimant que la revendication islamiste ne tient pas, le scénario d’une manipulation s’imposera. Dans tous les cas, Vladimir Poutine va devoir réagir. Et le connaissant, il le fera avec la seule méthode qu’il pratique depuis son arrivée au pouvoir: la terreur maximale.

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